Nous rencontrons Bernard Pricco à La Terrasse de son restaurant. Il est 10h du matin et le restaurant est en pleins préparatifs pour gérer au mieux l’affluence du midi. Ce Français d’origine Laotienne a choisi de revenir au pays pour monter son affaire, il est aujourd’hui à la tête de 3 business en plein cœur de la capitale Laotienne.
My Little Big Trip : Bonjour Bernard, peux-tu nous faire partager ton histoire ? Pourquoi as-tu choisi de revenir t’implanter au Laos ?
Bernard Pricco : Pour commencer, il faut savoir que je suis Franco-Lao. Mon grand-père était français, il s’est installé à Vientiane avec ma grand-mère, une laotienne. En ce qui me concerne, je suis arrivé en France en 1977, j’avais 10 ans. A ce moment-là, mon père travaillait à l’ambassade, il y a eu un changement de gouvernement et l’ambassade a fermée. En 1988, mes parents sont revenus au Laos. Mon père avait toujours vécu au Laos, il voulait absolument y retourner pour reprendre ses activités.
Quant à moi, j’ai savouré la vie en France environ 16 ans et j’y ai fait mes études et je suis revenu pour la première fois au Laos en 1990.
MLBT : Qu’as-tu ressenti quand tu as redécouvert ton pays d’origine ?
Bernard : J’ai été frappé par la qualité de vie ! Elle était beaucoup moins stressante, tout le monde avait le sourire. Je suis resté 6 semaines et ça m’a tellement plu que je suis revenu en 1991. A ce moment là mon père m’a proposé de travailler avec lui dans son garage.
MLBT : Tu as accepté ? Pourquoi est-ce que tu as décidé de franchir le pas ?
Bernard : J’en avais assez de l’armée et de ma hiérarchie. Il y a aussi eu l’aspect émotionnel. Le fait de retrouver ma famille a beaucoup joué. J’ai donc quitté définitivement la France en 1993, soit deux ans plus tard. Quand je suis arrivé j’ai ouvert un magasin de pièces détachées en collaboration avec mon père qui avait un garage. Ça a tout de suite bien fonctionné, notamment auprès des ONG qui avaient besoin de nos services pour l’entretien de leurs 4×4 avant de repartir en mission.
MLBT : On est bien loin du restaurant. Que s’est-il passé ?
Bernard : Très rapidement, j’en ai eu assez de la mécanique, je voulais faire du commerce, je voulais travailler dans le relationnel. J’ai lancé un snack, « Le petit panda ». C’était un nouveau concept parce que personne ne vendait de frites, hot-dog etc. Malheureusement, le snack était un peu excentré, il n’était pas très loin de l’école française Auffay. Le but était que mon snack devienne la cantine des enfants de l’école Auffay mais c’est vite devenu un snack ouvert à tous. Je l’ai fait pendant 2 ans. Ensuite, les touristes sont arrivés et je me suis rendu compte qu’ils restaient beaucoup dans le centre de la ville.
J’ai donc lancé « La terrasse » en 1996, un restaurant français dont le but était de faire en sorte qu’il devienne la cantine des expat de l’école Auffay. Ça a très bien marché ! Aujourd’hui, on a encore 70% d’expat’, notamment pendant le service du midi. On a mis en place un menu différent tous les jours avec entrée, plat, dessert.
MLBT : J’imagine que tu as embauché des personnes ? Comment ça se passe ?
Bernard : Au début il n’y avait que moi et ma femme et ensuite on a embauché. On a dû former le personnel parce qu’il n’y a pas d’école hôtelière. C’est le restaurant qui est l’école hôtelière, c’est à nous de faire le travail. Et ça vaut le coup d’investir du temps puisque depuis le début nous avons les mêmes employés.
MLBT : Est-ce qu’il y a une distinction entre la vie perso et pro ? En effet, on a constaté que dans les pays voisins tout était mélangé.
Bernard : Les salariés se confient pour des gros soucis comme les soucis de santé ou encore les décès mais pour les soucis personnels, pas du tout. Vous savez, les Lao sont très fiers, ils ne veulent surtout pas perdre la face. Si vous les humiliez, ils peuvent partir du jour au lendemain.
MLBT : Qu’entends-tu par humilier ?
Bernard : Il ne faut surtout pas leur crier dessus! Il faut garder son calme. A la limite, même si tu ne dis rien, il va comprendre. Si tu es froid avec lui le lendemain, il saura que c’est parce qu’il a fait une erreurla veille. Si tu veux être direct avec eux, il faut les prendre à part et leur expliquer calmement. Si tu te mets à crier, ils vont considérer que tu es irrespectueux. Pourquoi crier ? Tu n’as pas appris à te tenir ? Moi, en plus, je travaille dans une ambiance très familiale. Je travaille avec beaucoup de cousins, oncles, tantes etc.
MLBT : Est-ce que tu as d’autres business ?
Bernard : Oui, je suis associé à 50% à la boulangerie Le Banneton que j’ai créée avec Cédric. Je suis également importateur de vins de France. Je les vends dans les restaurants et je fais aussi du dépôt vente dans les mini-mart. Ce sont des bouteilles qui sont vendues entre 10 et 17 euros. Et bien sûr, j’ai aussi une cave.
MLBT : Au niveau administratif, comment ça se passe ?
Bernard : C’est devenu très simple, au début il fallait un associé, maintenant c’est faisable plus facilement. Il suffit d’aller à la Chambre de Commerce et de déposer son projet. Il y a également des taxes à payer, notamment la TVA qui est à 10% mais, honnêtement, ce n’est pas énorme.
MLBT : Et au niveau des loyers ?
Bernard : Les loyers ne sont pas donnés. Les prix sont très chers et le sont d’autant plus si le commerce ou l’appartement est aménagé.
MLBT : Quels sont selon toi les points positifs et négatifs concernant entrepreneuriat au Laos ?
Bernard : Déjà, il faut savoir que l’expatrié est très bien accepté au Laos. Après, il y a tout de même un stress quotidien, il faut réussir à supporter la chaleur et le fait que le personnel ne soit pas très bien formé. Tout cela peut jouer sur les nerfs. Je connais des gens qui ont fermés parce qu’ils n’arrivaient pas à gérer leur personnel. Il faut se mettre au même niveau qu’eux sinon ça ne marche pas.
MLBT : Quels sont les secteurs porteurs au Laos ?
Bernard : Surtout l’agriculture ! Par exemple, je suis actuellement à la recherche d’un agriculteur agronome pour un projet de maraichage. Je fais de la salade organique et je voudrais m’agrandir. Ensuite, ça peut aussi être intéressant de monter un restaurant, un hôtel ou un pressing. Globalement dans le tourisme ça marche bien. Ça pourrait aussi être intéressant de promouvoir le tourisme au Laos en y montant une école hôtelière.