Nous rencontrons Paul Nicolas qui a monté depuis 1,5 ans : Papaya, une franchise de t-shirts au cœur de Hanoï. Il nous fait visiter sa boutique et nous partageons un moment de son quotidien pendant notre entretien.
My Little Big Trip : Comment en es-tu arrivé à monter ton entreprise au Vietnam ?
Paul: En 2004, j’ai une pote vietnamienne qui m’a proposé de passer l’été au Vietnam. A l’époque j’avais 21 ans, c’était la première fois que je sortais de l’Europe. J’ai visité tout le pays. Je suis rentré en France pour finir mes études puis je suis parti à Londres pendant 1 an.
Après ça, je suis revenu à Hanoï pendant 5 mois. J’avais 25 ans, j’ai beaucoup aimé la ville et je n’avais pas forcément envie de rester en France. J’ai trouvé Mobil’Asie, comme Marie, qui était en partenariat avec Pôle emploi international. Quand je suis arrivé au Vietnam je bossais dans le vin. C’était il y a 3 ans. J’ai travaillé un an chez eux, ensuite j’ai travaillé 1 an dans une boite comme Ikéa. Et depuis un an et demi, je tiens une franchise. Ce sont des français installé à Saigon depuis 5 ans qui ont lancé le concept de tee-shirts originaux. Ils s’appellent Papaya. Aujourd’hui, ils ont une dizaine de magasins.
MLBT : Comment ça s’est passé ?
Paul : J’étais dans le management de magasins et je dirigeais une équipe vietnamienne. J’avais un pote qui avait déjà une franchise mais je trouvais ça bizarre. Je ne comprenais pas bien comment ça fonctionnait. J’allais le voir tous les jours, je me suis rendu compte que son affaire marchait très bien. Il se trouve qu’il a merdé avec la franchise parce qu’il n’était pas très sérieux et son magasin a dû fermer. J’ai contacté le franchiseur en disant que j’étais intéressé. Il a accepté et j’ai ouvert le magasin.
MLBT : Et maintenant, comment ça se passe ?
Paul: J’ai eu 10 000 $ d’investissement qui correspondent au loyer du magasin pendant 1 an et une commande de 5000 tee-shirts. Maintenant je vends les marques Papaya et Northface. L’accord avec Northface concerne la vente de lots défectueux avec des défauts minimes mais qui ne pourraient pas être vendus sur le marché français. Du coup j’ai divisé le magasin en deux parties. La première vend les produits Papaya et la seconde vend les produits Northface. Dans cette deuxième marque je ne vends pas de t-shirts mais des blousons/vestes, donc pas de concurrence directe.
MLBT : Du coup, quelqu’un qui veut être à son compte mais qui n’a pas d’idée peut monter une franchise ?
P-N : Oui ! Moi ce qui m’a amené ici, c’est l’opportunité professionnelle que j’ai eu dans le vin. La France est loin et il faut un budget pour vivre. Le programme avec lequel je suis venu m’a permis de m’adapter au Vietnam.
MLBT : Qu’est-ce qui fait que tu te sens bien au Vietnam ?
Paul : C’est le charme du Vietnam qu’on ne trouve pas ailleurs en Asie. J’aime bien le choc culturel, la différence. Ils vivent de manière simple. Ici on sait que les gens en ont chié via leur histoire. Aujourd’hui leur vie est basée sur des valeurs primaires qui se sont perdues en France comme : manger, dormir, faire la fête, profiter de sa famille. Ils sont beaucoup dans l’entraide et sont très courageux. Ici, les enfants vont étudier à la fac de 7h à midi et enchainent avec le travail de 13h à 22h. Ils essayent vraiment de s’en sortir. S’ils se donnent autant c’est pour sortir de la pauvreté. Ils ne sont pas superficiels comme nous.
Autre chose: Ici, ils vivent tous dans la même maison. C’est quelque chose qui n’existe plus en France. La grand-mère s’occupe des petits-enfants et tout le monde mange ensemble de 3 à 90 ans, c’est intergénérationnel. Je trouve ça génial !
En France, notre génération se perd dans des trucs superflus. Je trouve que les nouvelles générations ne réalisent pas la chance qu’elles ont d’avoir le niveau scolaire français, l’accès aux soins. Et tout ça, on s’en rend compte quand on voyage dans des pays en voie de développement. Par exemple, ici les femmes enceintes sont deux par lit à l’hopital. Malgré tout, même s’ils ne sont pas bien, ils ne se plaignent pas. Ils attendent par terre aux urgences et restent calmes. En Europe, c’est gratuit et les gens n’arrêtent pas de râler, ils ne réalisent pas!
Ce que j’aime aussi ici c’est qu’ils ont une détermination, ils savent pourquoi ils sont là. J’admire vraiment cette détermination. On la retrouve beaucoup dans leurs études. Je connais une vietnamienne, elle est allée en France, elle a passé deux ans à Aix-en-Provence et ensuite, elle a passé un diplôme à la Sorbonne en France et elle a enchainé par un diplôme d’ingénierie financière et tout ça en 5 ans !
MLBT : Comment ça se passe dans l’univers de l’entreprise ?
Paul : Le truc que j’ai découvert quand on a des employés… Déjà quand tu arrives au Vietnam, tu arrives dans un pays à 10 000 km de distance avec la France. Mais c’est surtout 10 000 kms de culture! Déjà, le management en France n’est pas simple, ici c’est encore pire ! Ici, il faut tout remettre dans le contexte, sans arrêt, et se mettre à la place des gens. Il faut garder en tête qu’il y a une raison à tout. Trouver la logique des gens et surtout, ne pas oublier l’histoire du pays. Il faut vraiment se mettre à la place des gens et comprendre leur logique. La première année, j’ai vraiment galéré car il fallait y aller avec du tact. Ce qui est bien avec le management à l’étranger c’est que tu acquiers des capacités d’adaptation et si tu reviens en France et que tu veux faire du management, tes compétences sont doublées et tes capacités d’adaptation, de remise en question et de patience aussi. Quand tu reviens en France, c’est beaucoup plus simple.
Au début, il est très difficile de comprendre la manière de penser des locaux. Il ne faut pas oublier que c’est toi qui arrive et que c’est toi qui dois t’adapter et non pas l’inverse. Il faut utiliser toutes les expériences négatives pour avancer.
MLBT : Qu’est-ce que tu leur dirais aux gens qui hésitent à partir ?
Paul : Laissez-nous tranquilles, rester chez vous ! (rires). Je plaisante, plus sérieusement, je leur dirais : Allez-y les gars ! Commencez par vous éloignez de chez vous en vacances. Pas la peine d’aller à l’autre bout du monde. Prenez des vacances en Espagne ou en Europe de l’Est, c’est un bon début.
Un ami à Paul rentre dans le magasin. Il s’appelle Clément, il est français et voyage depuis plusieurs années, il ne peut s’empêcher d’ajouter un mot:
Clément : Pour moi, le voyage, c’est devenu une drogue. J’ai toujours eu envie de découvrir le monde. A mon avis, pour chaque année de voyage, tu gagnes trois ans d’expérience. Tu es obligé de te débrouiller, tu es livré à toi-même donc tu muris beaucoup plus vite. En Asie, le dépaysement est décuplé, tu vis des découvertes, des échanges, de la culture, de l’adrénaline, de la musique, de la peinture… Ça n’arrête jamais !
Paul: Pour revenir sur mon message, je dirais : Partez, vous avez tout à y gagner ! Au pire, vous reviendrez en France. C’est un choix à faire pour y gagner sous énormément d’aspects. Tu peux découvrir une culture, travailler avec des gens différents, avoir une forte capacité d’adaptation que tu acquiers au niveau professionnel et personnel !