Suite aux conseils avisés de Paul, nous partons à la rencontre de Benjamin Rascalou. Il a monté un restaurant gastronomique français reconnu à Hanoï et s’étend pour monter plusieurs business. Nous réalisons l’interview dans le restaurant, La Badiane qu’il a monté avec deux associés.
My Little Big Trip : Peux-tu nous raconter comment tu en es arrivé à monter ton restaurant au Vietnam ?
Benjamin Rascalou : C’était il y a 10 ans. Je bossais à Paris la Défense, j’avais 21 ans. J’étais cuisinier. Un jour, je consultais le quotidien gratuit « Métro » et il y avait une annonce pour partir au Vietnam. A l’époque, je travaillais depuis 8 ans et j’avais déjà un grade en cuisine. Je ne connaissais pas Hanoï, j’étais curieux du monde et j’ai eu cette opportunité avec le programme Mobil’Asie de l’ANPE. Je m’étais arrangé avec mon patron pour partir à Hanoï pendant 6 mois et récupérer mon poste par la suite. A la fin des 6 mois je suis revenu en France, j’ai tenu 3 mois et je suis reparti.
MLBT : Comment s’est passée ton arrivée à Hanoï ?
Ben : Les trois premiers mois, je ne me sentais pas en phase. La différence culturelle était trop forte. Au bout de 6 mois, je parlais un peu vietnamien et j’avais des potes vietnamiens. J’avais aussi bossé en cuisine avec des vietnamiens qui venaient de la campagne. Ils étaient gentils et bossaient vraiment bien. J’ai pris une grosse claque. C’est ce que je recherchais dans l’expatriation ! Je voulais voir ce dont j’étais capable tout seul. Je me suis dit, achète ton billet, au pire, si ça ne marche pas tu reviens. En plus, l’avantage du côté français, c’est que si tu as acheté ton billet, tu es sûr de monter dedans parce que tu ne voudras pas perdre d’argent
A l’époque j’étais jeune et je ne savais pas encore ce que je voulais. J’ai été touché par le pays. Quand tu viens là, tu te rends compte que tu n’es pas le nombril du monde. Donc, soit tu restes dans ta bulle, soit tu cherches autre chose. Ici, tu reprends conscience de tes priorités. Tu deviens moins matérialiste.
MLBT : Tu étais jeune avec peu de moyens, comment t’es-tu débrouillé ?
Ben : Quand je suis arrivé, je n’avais pas d’argent. Les 6 premiers mois étaient ric-rac mais j’étais quand même payé par Mobil’Asie. Pendant les trois mois où je suis resté en France, j’ai renfloué les caisses pour mieux repartir à l’étranger.
MLBT : Comment as-tu eu l’idée/l’opportunité de monter ton entreprise ?
Ben : Quand je suis revenu la deuxième fois, il y avait un mec qui voulait monter un restau et qui cherchait un chef. J’ai bossé pour lui pendant 6 ans. Et, en 2008, j’ai monté ce restaurant, la Badiane. Il y a moins d’un an, j’ai aussi ouvert Linh & Ben, un second restaurant.
MLBT : Est-ce qu’il y a des choses que tu as faites ici que tu n’aurais pas faites en France ?
Ben : C’est simple, tout ce que j’ai là, je ne l’aurais jamais eu en France. Ici, c’est à l’image du rêve américain, si tu as le potentiel et l’énergie et que tu veux vraiment faire des choses, c’est possible. Ici, les gens sont très accueillants, ils ont envie de travailler. Il ne faut pas avoir un comportement de colon et prétendre être plus intelligent que les autres, juste parce que tu connais certaines choses. Moi je n’aime pas suivre le système, je suis sorti du système français. Ici, ce que j’aime c’est que je manage ma vie pour moi-même, je ne vis pas pour une société.
MLBT : Quelle est ton image de la France ?
Ben : Ce qui m’embête, c’est que lorsque je regarde ce qu’il se passe sur TV5, j’ai parfois l’impression que les français sont dans une bulle et j’ai l’impression qu’ils ne sont pas heureux… Ils n’ont pas les pieds sur terre. La priorité n’est pas d’avoir le dernier Ipod ou Ipad par peur d’être à la ramasse. L’Asie ça bouge, ici, ils cherchent à s’en sortir. La France est immobile.
MLBT : Que veux-tu dire aux personnes qui hésitent ?
Ben : Le billet, tu peux te le payer, il suffit que tu économises sur les cigarettes et en quelques semaines tu l’as. Si tu ne sais pas quoi faire de ta vie ou des prochains mois, économise et prends un billet d’avion. Viens en tant que touriste dans un premier temps. Si tu penses rester, renseigne toi, pose les bonnes questions et surtout, met de l’eau dans ton vin par rapport à ce qu’on te dit ! Soyez optimistes, essayez de voir les choses différemment. Quand on gagne des choses, on est heureux et on arrive à faire beaucoup plus de choses, on se cultive.
Ce qui est cool c’est qu’à l’étranger, tu passes au-dessus des clichés. Moi, aujourd’hui, j’ai des connaissances que je n’aurais jamais rencontrées en France. Les barrières tombent quand tu es plus ouvert. C’est quand tu rentres en France, il y a un choc. C’est là que tu te rends compte que les gens ne bougent pas. Ils sont imperméables à tout ce qui se passe à l’étranger.
MLBT : Comment on peut motiver les gens à s’intéresser à tout ça ?
Ben : Essaye de suivre ce que t’as envie, ne te laisse pas influencer. Essaye de partir quand tu es jeune, que tu n’as pas de crédit et de famille. A celui qui hésite encore : Vas-y, sois courageux! Pose-toi des questions! Où veux-tu partir ? Pars, même si c’est près de chez toi! Tu peux partir au Maroc ou en Espagne, tu es à 1h30 ou 2h en avion. L’étranger n’est pas une fuite. Tu peux partir en te disant que t’as fait le tour de ta vie actuelle et que tu es bien. Si tu as envie de partir à l’étranger, organises-toi ! Donnes-toi les moyens ! Tu peux aussi organiser ton voyage pour dans 1 an ou deux ans.
Le bien-être qu’on a ici, on ne le retrouve pas en France. En plus, quand tu arrives à l’étranger et que tu commences à travailler, ton capital se construit, tu peux investir et monter des choses. Aujourd’hui, je fais ce que je veux et ce que j’aime. J’ai des potes qui viennent me voir, ils gagnent 5000 € par mois, ils ne se privent de rien mais n’auront jamais la qualité de vie que j’ai ici.
Partir, ça doit être un choix personnel. Quand tu réalises que tu n’es pas heureux quelques part, il faut prendre conscience que tu peux être heureux ailleurs. Dans le cas d’un mec qui bosse en France, dans la cuisine : Si t’es bosseur et que tu as du talent, est-ce que 1000€/mois ça te convient ? Sachant qu’il y a des gens, qui gagnent 25 000$/mois à Hong-Kong en Chine, en Asie etc. Si tu penses que tu vaux plus, tente ta chance ailleurs!
MLBT : Comment se traduit la différence culturelle dans le boulot ?
Ben : Il y a une grosse différence avec la France parce qu’en France, tu embauches des professionnels. Ici, tu embauches des étudiants. C’est important de s’intéresser à l’histoire du pays. Ici, si tu les encadres de la même manière qu’on t’a encadré, que tu les responsabilises et que tu leur donnes la même chose que ce qu’on t’a donné, ils travailleront très bien pour toi. Les employés sont à l’image des gens qui les managent. Il ne faut pas oublier qu’on ne leur a rien appris.
Pourquoi est-ce que je suis heureux ici ? J’essaye de considérer les gens, je me dis que j’ai de la chance d’avoir une super équipe. Je ne critique pas. Moi je suis ravi du travail des vietnamiens. Le fait de partir est un échange mais je ne vis pas comme un vietnamien, j’essaye de trouver mon équilibre.
Je ne comprends pas pourquoi les français et les vietnamiens ne se mélangent pas plus. Je ne comprends pas quel est l’intérêt de reproduire ici ce qu’on a en France. Ici, la qualité de vie permet de reproduire les plaisirs qu’on avait en France. Quand t’arrives de l’extérieur, tu n‘as pas les mêmes envies et centres d’intérêts au Vietnam qu’ailleurs.
MLBT : Mais ce n’est pas ça que tu viens chercher ?
Ben : Non, ce qu’on recherche, c’est de s’épanouir ! La question, c’est « comment je vais m’épanouir avec ce que j’ai ? » Et les vietnamiens, ils n’ont pas forcément les moyens de nous suivre. Moi je ne vis pas à la façon vietnamienne. Je garde un niveau de vie français.
MLBT : Pourquoi on dit que les vietnamiens sont des gens géniaux et qu’on vient pour eux et que, finalement, on reste qu’avec les expatriés ou même qu’avec les français ?
Ben : Je pense que c’est un problème de centre d’intérêts communs.
MLBT : Quel message tu donnerais à nos lecteurs ?
Ben : Je leur dirais : trouves toi !! Si à chaque fois tu penses que ce n’est pas pour toi, tu n’y arriveras jamais. Demande-toi ce que tu as à perdre. Si tu n’essayes pas, tu ne sauras jamais. Il faut se booster, rends toi compte qu’il y a un malaise. Une fois que tu as identifié le malaise, regarde MyLittleBigTrip.com (nous dit-il avec un air malicieux). En plus, si tu essayes et que ça ne marche pas, ça va te redonner l’envie d’être en France et de profiter de ta vie. Ça peut redonner des couleurs à ta vie en te disant que t’es content de retrouver ta maison ou ton appart’ et tes habitudes.
Je pense qu’il faut partager ! Être dans le partage, c’est très important. Mes potes, s’ils veulent partir, pas de problème, je les accueille. Mais il faut qu’ils prennent eux-mêmes leur billet d’avion. Je ne peux pas faire les démarches à leur place.
Merci pour vos encouragements ça fait plaisir et ça donne un peu plus de courage encore pour franchir le pas . Je viens à OCMV en juin pour 2 mois car je suis exactement dans ma phase dont vous parlez j’ai quitté un travail de commercial en France usé par l’évolution de la qualité de vie ici et célibataire je souhaite vraiment faire le grand saut. J’aime votre exemple faite de qualités de ténacité d’humilité et d’audace.
Si vous pouvez me répondre afin de me guider j’en serai ravi
Rodolphe