J-C : De financier à sommelier!

Jean-Charles Mahé, alias J-C, est sommelier dans un grand établissement,  le « Print Hall« , au cœur du centre ville. Il nous raconte comment il est passé de financier dans la bourse à Londres à sommelier à Perth. Il est accompagné de 2 autres amis qui ont également accepté de répondre à nos questions.

MLBT : Pouvez-vous nous expliquer comment se passe la vie en Australie?

J-C, Rynae et Islam : Pour comprendre comment ça se passe en Australie, le mieux est d’intégrer le monde du travail. Si vous travaillez dans le service ou la restauration, cela vous permettra de comprendre comment les gens fonctionnent dans le travail mais également en tant que consommateurs.

Par exemple, si on fait la comparaison avec les français, on constate que les australiens ont moins de culture mais sont beaucoup plus respectueux. Ils sont plus tranquilles à l’inverse des français qui passent beaucoup de temps à critiquer. Pour les australiens, c’est toujours « no worries » (= pas d’inquiétude).

Ce sont des clients très agréables. Ils le sont également dans le travail mais ils sont très difficiles à motiver. Dans la restauration, on ne peut pas être tout le temps relax, c’est pour cette raison qu’à Perth et à Fremantle, tous les commerces, bars et restaurants sont tenus par des européens. Les européens viennent en Australie pour travailler et gagner de l’argent parce qu’il y a du potentiel.

Les australiens ne fonctionnent pas de la même manière, ils n’ont pas la culture du travail comme en Europe. Perth est l’une des villes les plus riches du monde et beaucoup de jeunes ne travaillent pas parce que les parents sont multimillionnaires. Il y a également beaucoup d’australiens qui ne veulent pas travailler pour ne pas avoir à se « salir les mains ».

MLBT : Ça doit être très dur de les motiver, comment faites-vous?

Rynae : Oui, c’est très compliqué. Il faut être très gentils avec eux, sinon ils ne sont pas contents et partent.

MLBT : Combien peut-on gagner en travaillant en tant que serveur ?

Islam : On peut gagner énormément d’argent parce qu’on peut travailler autant qu’on le souhaite. Attention, ce n’est pas le même salaire si tu es permanent ou si tu es backpacker. Quand tu es backpacker (=routard), tu es payé entre 20 et 25$ de l’heure. Mais quand tu es permanent, tu peux gagner environ 65000$ par an.

Rynae : Ici, tu peux te faire beaucoup d’argent parce que tu as l’opportunité de beaucoup travailler. Les européens viennent ici pour ça et ils enchainent les jobs. La différence avec l’Europe, c’est que tu peux avoir 3 ou 4 jobs en même temps.

MLBT : Pourtant, on nous dit sans arrêt que c’est compliqué de trouver du travail…

Islam : Effectivement, il y a pas mal de backpackers qui ont du mal à trouver du travail. Par exemple, j’ai rencontré un gars qui s’y connaissait en mécanique et qui voulait travailler dans ce domaine. A chaque fois qu’il postulait, il avait des refus. Il a fini par démarcher au porte à porte et à demander à voir les managers directement en leur expliquant qu’il s’y connaissait un peu, qu’il avait un cerveau qui marchait et qu’il pouvait travailler. Le patron a été séduit par son discours et l’a embauché. Ici, il faut saisir les opportunités ! Il faut même les provoquer !

Autre exemple, j’ai un pote qui voulait bosser comme barman, il a eu plusieurs essais mais il ne parlait pas bien anglais. Il a fini par trouver un job dans une boîte pour être « glasser », c’est lui qui ramasse les verres dans les discothèques. Il a prouvé qu’il voulait travailler et maintenant on l’appelle tout le temps, il travaille tous les jours. Ici c’est simple, plus tu bosses et tu te donnes, plus tu gagnes d’argent.

Le problème c’est que les backpackers n’ont pas envie travailler. Dans la restauration, il y a beaucoup de demandes. Tu pourras trouver un travail très facilement mais il faut aimer ce secteur. En plus, ce qui est cool c’est que les australiens sont faciles à vivre. Ils aiment passer du bon temps et dépenser leur argent, surtout à Perth. Sydney et Melbourne sont des villes beaucoup plus européennes.

De toute façon, ici, il y a de l’argent, le Western Australia (WA) soutient toute l’économie du pays. A titre d’exemple, ici, un travail a plein temps peut rémunérer 65000$ par an alors qu’ à Melbourne et Sydney, pour le même job, on gagne 45000$ par an. La différence c’est que là-bas il y a des pourboires, pas à Perth.

Une autre bonne chose à savoir, quand tu es sponsorisé avec le visa 457, tu ne peux pas avoir plusieurs employeurs alors qu’avec le Working Holidays Visa c’est possible.

MLBT : Et toi, J-C, pourquoi as-tu choisi l’Australie ?

J-C : J’ai de la famille en Australie, je voulais connaître ce pays. Au moment où j’ai voulu quitter la France, j’ai appelé un oncle que je ne connaissais pas du tout. Il m’a dit de venir. J’ai pris un aller simple et je suis venu. Aujourd’hui ça fait 3 ans je suis là.

MLBT : Qu’est-ce que tu as fait en arrivant en Australie ?

J-C : Quand je suis arrivé ici, j’ai commencé à travailler directement. J’ai travaillé 3 mois dans un restaurant et ensuite je suis parti visiter l’Australie.

Quand je suis revenu, j’ai travaillé en tant que serveur au Print Hall et maintenant je suis assistant du responsable boissons. J’ai une activité qui se rapproche davantage du sommelier et en plus je donne des formations. Mon boss est l’un des meilleurs sommeliers en Australie. Aujourd’hui, je me spécialise dans le vin, j’en suis passionné et je lance aussi mon entreprise. Pour me spécialiser de plus en plus, je suis en train de passer des diplômes pour être reconnu dans l’industrie du vin.

MLBT : Comment ça se passe si tu veux monter ta boite ici ?

Islem : Pour monter sa boîte il faut un ABN (Australian Business Number). D’ailleurs, il y a énormément de backpackers qui le font. Ils ouvrent un ABN et ils deviennent, ce qu’on appelle des « contacteurs ». Dans ce cas, tu fais un contrat, tu n’es pas payé à l’heure, tu es payé à la mission. Il y en a pas mal qui font du porte-à-porte et qui proposent leurs services, comme des électriciens par exemple.

MLBT : Tu nous as dit, J-C, que tu montais ton entreprise. Tu peux nous en dire plus?

J-C : En ce qui me concerne, je suis associé à un australien. Il est « owner », il possède l’entreprise, et je travaille avec lui en tant qu’associé. On importe du vin de France. On envoie des échantillons de vin à Perth et le but est d’avoir le maximum de ventes pour pouvoir importer par containers. Il faut savoir qu’ici, tout est cher parce que tout vient de loin. C’est plus facile d’aller dans un pays étranger que dans la capitale de son propre pays.

En Australie, si tu veux une bouteille de vin, tu as 4 intermédiaires qui se prennent une marge ce qui donne un produit à un prix très élevé. Notre concept, c’est d’éviter les intermédiaires. Importer du vin immobilise beaucoup de fonds. On a réussi à construire un business model différent pour éviter les investissements trop lourds. On ne fait pas de stockage. Nous voulons faciliter la partie administrative de l’importation. Nous sommes l’intermédiaire qui facilite les procédures On ne dépense rien pour faire transférer le vin. On a négocié des délais de paiement avantageux pour sécuriser les risques de défaut de paiement des clients.

MBLT : Qui sont vos clients ?

J-C : On vend dans les bars à vins et les restaurants. La croissance dans le WA est très forte et les gens sont très riches. C’est la ville avec la concentration de millionnaires la plus importante au monde. Ce sont des personnes qui veulent le meilleur du meilleur. Ils veulent montrer qu’ils ont de la culture et ça passe aussi par le vin.

MLBT : Quels sont les secteurs porteurs?

Islam : La construction, la plomberie, l’électricité… Perth est une ville qui se développe, ils ont un énorme besoin de tous ces métiers manuels.

MLBT : Encore une fois, ce n’est pas si facile de trouver un travail dans ces secteurs…

Islam : Ici, pour trouver un job, il faut être au bon endroit au bon moment. C’est une question de timing, de rencontres et de chance. Perth est une toute petite ville, c’est un petit village. Les coins de rencontre sont toujours les mêmes en fonction du niveau de vie et des centres d’intérêts.

Ismaël doit partir, nous continuons donc l’interview avec J-C.

J-C : Par rapport à mon parcours et à mon activité actuelle, ce qu’il faut savoir c’est que je suis passionné par le vin ! C’est pour ça que je me lance dans ce nouveau projet. Au début ça a été très dur de changer de statut social. Je l’ai fait parce que la finance ne me plaisait pas même si ça m’a apporté beaucoup de choses notamment en termes de compréhension de l’économie et des différentes crises qu’il y a eu ces dernières années. Ça m’a aussi apporté un peu d’argent.

MLBT : Comment as-tu eu l’idée de monter ton entreprise ?

J-C : J’ai toujours eu une âme d’entrepreneur. Par exemple, quand j’étais en césure, j’ai travaillé chez HSBC et en parallèle, j’ai monté une boîte de nuit à Orléans. J’ai toujours voulu monter un business. Je cherchais l’opportunité. C’est en partie pour ça que je suis resté ici.

Aujourd’hui, je cherche  à être le meilleur dans mon domaine et je passe des diplômes spécifiques pour comprendre le vin. C’est un métier très difficile mais passionnant. Quand j’ai pris le job au Print Hall, j’avais juste le rôle de sommelier et ensuite mon boss m’a suggéré de plus m’impliquer. Aujourd’hui, je bosse 6 jours sur 7 et 70 heures par semaines. Mais c’est mon choix et ça me permet de progresser dans mon activité.

MLBT : On entend souvent que l’Australie est un eldorado, qu’est-ce que tu en penses?

J-C : Il faut garder en tête qu’en Australie c’est compliqué pour les visas et pour l’intégration. Mais il est tout de même possible de s’intégrer. Par exemple, je n’ai que des amis australiens.

MLBT : Tu les as rencontrés comment?

J-C : La plupart par le travail mais aussi par mon ex partenaire. Vous savez, ici, ce n’est pas mieux qu’en France. C’est juste différent. Il y a du bon et du mauvais. Le bon ce sont les opportunités. Et elles n’existent pas uniquement grâce à l’économie. C’est la mentalité des australiens qui permet de provoquer les opportunités.

MLBT : Les français peuvent-il trouver du travail facilement en Australie ?

J-C : Ici, les gens préfèrent privilégier les australiens. Il est très dur pour un français de réussir en Australie. D’autant plus que nous sommes considérés comme des personnes arrogantes, qui travaillent beaucoup et qui sont plus efficaces que les locaux. Nous représentons donc une concurrence forte. Mais ça n’empêchera pas d’avoir des opportunités.

Je pense que le problème des français c’est qu’ils se plaignent beaucoup. Bien sûr, certaines personnes aiment aussi les français parce qu’il y a la culture, parce que c’est une belle mentalité de travail etc.

MLBT : Quels sont les facteurs de réussite ?

J-C : Moi je me donne à fond dans mon travail avec l’objectif d’être dans les meilleurs. Je pense qu’il faut avoir confiance, se fixer des objectifs et suivre sa ligne.

MLBT : Tout à l’heure tu parlais des points négatifs de l’Australie. De quoi s’agit-il ?

J-C : Comme dans tous les pays occidentaux, on parle beaucoup de réseau. C’est toujours la même chose, si tu n’as pas de réseau, c’est compliqué.

MLBT : Comment tu fais pour te faire un réseau?

J-C : Il faut beaucoup parler et aller vers les gens. Il faut avoir de la chance et se donner toutes les possibilités pour réussir. Par exemple, je suis toujours en avance au travail et je passe des diplômes pour avoir des compétences supplémentaires.

MLBT : Est-ce que tu as un conseil à donner à des gens qui se posent la question de partir en Australie ?

J-C : Si tu viens en Australie pour retrouver la même chose que ce que tu as en Europe, reste en Europe. Melbourne est très européanisée, c’est comme Londres mais tu es loin de Paris et de Barcelone. Si tu vas à Sydney, Perth, et Brisbane, c’est vraiment l’Australie.

Il ne faut pas se mettre de barrière. Ici, ils ne se mettent pas dans un projet en se disant que ce n’est pas possible. Il faut croire en toi. Il faut être convaincu de ton projet. Comment peux-tu réclamer de l’argent à des investisseurs si tu n’es pas sûr de toi? On peut réussir partout. En France, en Australie, partout! Il faut croire en son projet. Moi j’ai appris ça ici. Les australiens se mettent beaucoup moins de barrières que nous. Ils ne commencent pas leur journée en se disant que ça va être une mauvaise journée.

Je pense qu’il faut cadrer sa vie et organiser ses journées et ça ira mieux. S’il y a un mur en face de toi, escalade-le. La vie ce n’est pas facile, c’est comme ça. L’australien, quand il se lève le matin, il se dit : aujourd’hui  je vais tout défoncer. Il faut penser comme un australien.

              Maxence Pezzetta 

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3 Responses
  1. colombini says:

    Bonjour je suis sommelier , formateur en restauration et sommellerie ? j’aimerai avoir des renseignements pour venir travailler en Australie dans la restauration.Serait il possible de prendre contact avec Jean Charles Mahé ? Merci d’avance.

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