Gérald : Négoce international aux Philippines

Durant notre séjour à Manille, nous avons entendu parler de la boulangerie « Gérald« . Nous prenons donc rendez-vous avec Gérald Egasse, entrepreneur français expatrié depuis près de huit ans, dans son petit café aux airs parisiens. Il nous explique comment il en est arrivé à s’implanter aux Philippines en montant une activité de négoce et de retail.

My Little Big Trip : Comment en es-tu venu à monter ton business à Manille ?

Gérald Egasse: Je suis arrivé à Manille il y a 8 ans. J’avais rencontré une philippine à Paris. A l’époque, je travaillais dans le négoce de viande. J’étais acheteur pour un groupe international. Au bout de deux ans, le directeur m’a proposé de vendre des produits en Europe. J’ai commencé à m’occuper des clients à l’export en Suisse, en Scandinavie, en Allemagne, puis au Japon et aux Philippines. C’est dans ce cadre que j’ai rencontré mon amie philippine. Au bout de 6 mois, j’ai démissionné et je suis parti aux Philippines.

Je n’avais pas de travail quand je suis arrivé. J’ai donc fait ce que je savais faire, du négoce international de viande.

MLBT : Comment tu as fait pour trouver du travail dans ton domaine ?

Gérald : Quand je suis arrivé, je n’avais rien. Mais il faut savoir qu’aux Philippines, les gros industriels parlent très mal à leurs fournisseurs. La plupart d’entre eux dépassent les délais de paiement. Donc maintenant, quand les Philippines veulent importer, on leur demande de payer la totalité de leurs marchandises en avance. A cause de ça, ils sont grillés avec tous les fournisseurs du monde entier. Les Philippines ne peuvent pas demander de facilités de paiement,  et c’est très contraignant pour eux dans leur business.

Moi je n’avais pas de fonds donc c’était très bien. J’ai pu démarrer sans avoir besoin de beaucoup d’argent puisque je n’avais pas de frais à avancer. J’étais payé tout de suite. J’ai donc commencé cette activité d’importation avec la viande et j’ai continué avec le saucisson et le poisson J’ai continué l’expansion en m’internationalisant en Thaïlande.

MLBT : Tu avais des contacts ?

Gérald : J’allais souvent en Thaïlande acheter de la viande. J’allais voir les chefs d’hôtels et je leurs demandais qui étaient leurs fournisseurs. Ça m’intéressait de m’adresser aux fournisseurs parce que, passer directement par eux permet de faire des commandes de plusieurs containers. Une fois que j’obtenais leurs noms, je les contactais.

MLBT : A t’entendre on a vraiment l’impression que c’était super facile.

Gérald : Vous savez, c’est un business à petites marges. Donc le secret, c’est d’avoir les producteurs, de connaitre tous les abattoirs, d’avoir le réseau. Je l’avais déjà grâce à mon expérience française. Quand j’ai dit à mes contacts que je partais aux Philippines, ils m’ont dit : « ok, va voir ce que tu peux y faire ».

MLBT : Tu as fait ça pendant combien de temps ?

Gérald : C’est une activité que j’ai fait, exclusivement pendant les deux premières année après mon arrivée et que je fais toujours aujourd’hui. Ensuite, j’ai constaté que j’avais pas mal de clients en France et j’ai regardé ce que je pouvais faire au niveau européen. Aujourd’hui, je fais beaucoup de fruits, crevettes, poissons vers la France.

Le problème aux Philippines, c’est qu’ici il y a énormément d’intermédiaires. C’est également très compliqué de faire des économies d’échelles car il est très difficile d’étaler les coûts fixes. En fait, les propriétaires des terres ne savent pas du tout ce qui se passe sur leurs terres. Ils se prennent juste un coût fixe pour qu’on puisse exploiter la terre et ne s’en occupe plus. Le second problème qu’on rencontre fréquemment, c’est que ce sont de petits entrepreneurs.  De ce fait, ils n’ont pas forcément de camion donc il ne font qu’une petite partie du trajet puis un autre va récupérer la cargaison pendant 300 km et ainsi de suite.

Du coup, c’est très compliqué d’évaluer les coûts et de répondre au cahier des charges français.

MLBT : Quel est l’intérêt d’acheter des produits venant des Philippines ?

Gérald : Aujourd’hui, dans notre business model, on élabore des produits très haut de gamme. C’est différent de ce que fait la concurrence. A titre d’exemple, on fournit Thiriet qui est spécialisé dans les produits surgelés haut de gamme.

MBLT : Tu exportes seulement en France ?

Gérald : J’exporte en France, en Belgique et en Suisse parce que mes clients sont des gens qui recherchent des produits de qualité.

En ce qui concerne la partie boulangerie, j’ai monté ça il y a deux ans. C’était un test qui n’a pas très bien marché parce que l’endroit ne décolle pas. On va déménager en juin. Pour moi, ce magasin est l’apprentissage de la grande distribution. Mon métier m’a habitué à acheter en gros aux entreprises et là, je dois distribuer aux consommateurs. Ça n’a rien à voir. C’est un autre monde. Je pense que le magasin marchera mieux avec un meilleur emplacement. Et pour tout ce qui est surgelé, on va lancer un site internet.

MLBT : Quelle est la stratégie pour la partie boulangerie ?

Gérald : On va se concentrer sur des petits kiosques à emporter dans des endroits très classe. On va faire également faire vendre par le biais d’autres organismes. Mais c’est très difficile parce qu’il faut avoir des relations. Cette boutique était vraiment un premier essai. Maintenant, il faut rebondir. Au niveau positionnement, je ne veux pas faire trop « français » non plus. Le but n’est pas de s’adresser uniquement aux français ou aux touristes.

MLBT : Quel conseil donnerais-tu à des personnes qui hésitent à partir ?

Gérald : Je pense que pour partir, il faut avoir un petit goût pour l’aventure. Moi par exemple, je suis allé au Cambodge pour voir un pote. Il embauche plein de jeunes avec salaire un peu inférieur. Il faut savoir que les contrats « d’expats » tels qu’on les connaissait existent de moins en moins. Je pense qu’il ne faut pas avoir peur de partir pour faire quelques sacrifices. Il ne faut pas avoir peur d’accepter un boulot un peu en dessous de ce qu’on peut avoir en France. Je connais un mec, quand il s’est installé aux Philippines, il a ouvert un bureau pour une boite Israélienne dans le ciment. Il gagnait 1000$ par mois et maintenant il tourne à 20 000$ par mois. Il est en charge de plusieurs pays autour des Philippines.

 

Je pense que le sacrifice d’une bonne situation est nécessaire dans un premier temps. Il faut prendre le risque. Moi, quand je suis venu ici, j’ai mis deux ans à démarrer. Pendant deux ans, j’ai failli repartir.

J’ai grandi en Afrique de 0 à 15 ans. Depuis que j’ai fait mes études et mon premier boulot, j’ai toujours eu envie de repartir. Quand j’ai pris la décision de venir ici, on m’a dit que j’étais en train de tout gâcher. Ils parlaient de ma carrière professionnelle bien entendu. Alors que moi, j’avais l’impression de tourner en rond dans job.

MLBT : Quelles sont les difficultés ici ?

Gérald : Les règles du jeu ne sont pas les mêmes qu’en Europe. Par exemple, tu ne sais jamais combien va te coûter un container à l’importation avant qu’il arrive. Tu as toujours tout un tas de frais variables que tu dois négocier. Tu es tout le temps sollicité pour payer des frais supplémentaires. Il faut y aller doucement, il faut prendre le temps de découvrir le pays et la culture Par exemple, tu ne sais jamais combien de temps va te prendre l’ouverture d’un magasin. La planification est presque impossible aux Philippines.

Mais je pense qu’on arrive quand même à travailler ici. J’ai grandi en Afrique et c’est quand même plus difficile là-bas.

          Maxence Pezzetta

Category: Philippines
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One Response
  1. JohnFox says:

    <> C’est exactement ce qu’il m’est arrive .
    Moi je suis parti pour tokyo et vivre ma vie avec mon amie filipinas .Et nous envisageons de repartir sur Mactand-Island (près de cebu-city) elle est chef cuisinier .depuis plus de 20 ans .Donc je pense que le milieu de la restauration pour nous ,fera l’affaire .Sinon le négoce ça a l’air très intéressant même en faisant des sacrifices cela ne me rebute pas du tout .je suis prêt a le faire !
    Bonne continuation ! Cordialement ,John. :grin:

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