En Australie, il faut persévérer!

Rose-Line s’est expatriée en Australie il y a quelques mois avec son mari. Cette ingénieure commerciale a travaillé plus de 10 ans chez IBM. Elle nous raconte son intégration au pays des kangourous :smile:

My Little Big Trip : Bonjour Rose-Line. Nous avons souhaité te rencontrer car tu es nouvelle arrivante en Australie et que tu es en recherche active d’emploi. Que peux-tu nous dire à ce sujet ?

Rose-Line : Pour commencer, il faut savoir que la population commence à réagir à l’arrivée massive d’immigrants. Les visas de travail 457 fournis par le gouvernement sont passés de 90.000 en 2009 à 125.000 en 2012. Or, pas plus tard qu’hier, des ouvriers ont protesté dans les rues de Melbourne contre l’augmentation du nombre de visas de travail accordés aux étrangers, qui selon eux prennent leurs emplois.

 

MLBT : Pourtant ce n’est pas de la faute des étrangers si les entreprises préfèrent les recruter…

Rose-Line :Les entreprises ont besoin de faire appel à la main d’œuvre étrangère pour faire fonctionner le pays mais dès que le système se grippe un peu, les australiens se serrent les coudes.

Les entreprises pratiquent la préférence nationale. Pour comprendre cela, il faut revenir sur l’histoire de ce pays et l’organisation de la société. Au 18eme siècle, les anglais ont décidé d’utiliser l’Australie pour y implanter une colonie pénitentiaire. Pour faire face aux conditions difficiles dans lesquels on les plongeait, les prisonniers ont développé un sentiment très fort d’appartenance au groupe avec des valeurs d’entraide, d’égalitarisme et de nationalisme. L’Australie contemporaine revendique toujours cet état d’esprit. La société est vue comme une communauté. Qu’on soit simple employé, cadre ou cadre supérieur dans une entreprise, l’échelle de salaire ne dépend pas vraiment du niveau de responsabilité exercé (un chauffeur de bus dans les mines gagne environ 150.000$/an, autant qu’un cadre moyen en ville). Pour illustrer cette idéologie, je prendrais comme exemple l’une des interviews que j’ai eues récemment. Un employeur m’a expliqué lors de l’entretien qu’il préférait faire venir un australien de Sydney plutôt que de me recruter car à même niveau de compétences il parlerait mieux anglais qu’une française !

MLBT : Ça ne te décourage pas ?

Rose-Line : Il faut se préparer à affronter ces différences culturelles lorsqu’on veut s’installer en Australie. La situation a beaucoup évoluée en un an. Pour vous donner un exemple, j’ai une amie qui est juriste dans le domaine du « oil and gas » (dans le secteur pétrolier et gazier) et qui cherche un emploi depuis 4 mois. Si elle avait cherché il y a un an, on lui a dit qu’elle aurait trouvé un poste en deux jours !

MLBT : Que s’est-il passé ?

Rose-Line :De très gros contrats miniers ont été perdus en fin d’année dernière. J’ai lu qu’il était prévu de recruter 44.000 personnes en 2013 dans ce secteur. Or, avec la perte de ces contrats, ce sont 22.000 postes qui risquent de disparaître.

En parallèle, 20.000 français arrivent à Perth chaque année alors que Perth a les caractéristiques d’une ville de province. Il commence, peut-être, à y avoir un trop plein de français….

MLBT : Un trop plein de Français ou d’immigrés en général ?

Rose-Line : Les deux. D’une part les immigrés arrivent en masse depuis plusieurs années. Une partie d’entre eux sont des gens expérimentés qui parlent parfaitement l’anglais et qui sauront s’intégrer facilement grâce aux communautés déjà existantes. Les autres, dont les européens non-anglophones, auront plus de mal à trouver leur premier emploi. Bien sûr, ça dépend du type d’emploi recherché. Ceux qui cherchent un petit boulot dans un restaurant ou dans un magasin trouveront plus facilement que ceux qui recherchent un emploi de cadre qualifié.

MLBT : A ton avis, quelle est la solution?

Rose-Line : Je pense qu’il faut essayer de trouver un travail avant de partir. Si je m’étais renseignée en amont, j’aurais effectué mes recherches avant d’arriver. C’est ce que j’ai fait pour le Qatar et d’autres pays dans lesquels j’ai séjourné. Je pensais que l’Australie ferait partie de ces pays dans lesquels on peut arriver et trouver un travail en une semaine. Je pensais que ce serait facile…

MLBT : Pourtant c’était encore le cas il y a peu, pourquoi est-ce que ce n’est plus aussi facile?

Rose-Line : C’est le secteur minier qui contribue à la croissance de la région d’Australie Occidentale. C’est un peu l’arbre qui cache la forêt car toutes les autres entreprises vivotent. Si les géants du pétrole, du gaz ou de l’or sont basés à Perth, les grandes entreprises commerciales australiennes, elles, sont installées à Sydney ou à Melbourne. La majorité des postes à responsabilités ne sont donc pas à Perth.

MLBT : Comment cela se passerait-il si tu avais décidé de t’expatrier à Sydney ou à Melbourne ?

Rose-Line : Je pense que j’aurais moins de problèmes. Ce n’est qu’une supposition parce que je n’y suis pas. A Perth, les géologues ou les ouvriers spécialisés trouveront un emploi en une semaine. Pour les postes plus traditionnels et qualifiés, mieux vaut aller dans les grandes villes, à mon avis.

MLBT : Pourtant on entend que la concurrence chinoise y est très forte parce qu’ils demandent des salaires plus faibles ?

Rose-Line :Les étrangers en général acceptent des salaires inférieurs aux Australiens lorsqu’ils arrivent dans le pays pour pouvoir trouver leur premier emploi. Ils peuvent même avoir tendance à ‘rétrograder’ leur CV pour pouvoir décrocher un entretien.

Il faut garder à l’esprit que Perth est une petite ville donc il faut entrer dans le réseau local et se faire accepter par ce réseau. Les australiens privilégient l’expérience locale à l’expérience internationale. Le réseau permettra de se faire recommander, d’identifier les opportunités de postes et obtenir ainsi des entretiens.

MLBT : Comment est-ce qu’il faut faire pour se faire accepter par le réseau?

Rose-Line : Tout le monde est connecté sur LinkedIn. Ce réseau social permet d’identifier les personnes susceptibles de t’apporter une aide. Il faut ensuite les rencontrer et échanger avec elles. De fil en aiguille, elles vont te donner des informations sur le marché et, éventuellement, sur les postes à pourvoir. Perth est une petite ville où tout le monde se connaît. C’est avec ce genre de pratiques qu’on se rend compte qu’il y a de grandes différences culturelles. En France, par exemple, si tu invites via  LinkedIn un directeur d’entreprise à prendre un café, il ne te répondra pas. Nous sommes, en Australie, dans un milieu anglo-saxon où aller prendre une bière avec ses collègues le vendredi soir est une pratique courante. Je pense que ces échanges après le boulot facilitent l’ouverture via les réseaux sociaux. C’est un état d’esprit.

MLBT : Et est-ce qu’ils t’aident vraiment?

Rose-Line : Construire son réseau prend du temps. C’est après avoir rencontré diverses personnes d’un même réseau que tu peux consolider les informations des uns et des autres et te frayer ton propre chemin. Et puis, si tu plais, tu seras recommandé auprès d’une entreprise. Ce sera ensuite à toi de faire la différence lors de l’entretien.

MLBT : Peux-tu te faire aider des agences d’intérim pour trouver du travail en Australie?

Rose-Line :  En France, les personnes qui travaillent dans ces agences sont des professionnels aguerris. En Australie, on dit que les gens qui n’ont pas réussi leurs études terminent dans le recrutement ou l’immobilier. A part quelques chasseurs de tête et agences très spécialisées, la majorité des recruteurs auront du mal à mettre en adéquation les demandes des employeurs avec les CV de candidats qu’ils n’ont pas pris la peine de rencontrer préalablement. Par ailleurs, les australiens ont l’habitude d’adapter leur CV fonction de l’annonce d’un poste. Il devient donc très compliqué pour ces agences de détecter le bon grain de l’ivraie. Le réseau permet de pallier, en partie, à cette lacune car il permet de se faire connaître auprès des employeurs en quête de nouvelles recrues sans passer par les agences de recrutement.

MLBT : Il semble qu’il n’y ait aucun intérêt pour un étranger à postuler en agence de recrutement?

Rose-Line :Pour se faire connaître il faut diffuser son CV. La difficulté à Perth, c’est que les agences et les employeurs ne veulent recruter que des personnes qui ont une expérience locale et qui ont fait exactement le même travail auparavant. Ils exigeront, par exemple, qu’un informaticien ait exercé dans une entreprise minière. Or, lorsqu’on est informaticien, peu importe le secteur dans lequel on a exercé, les matériels et les logiciels sont toujours à peu près les mêmes quel que soit le secteur d’activité, ce qui est important c’est la compétence technique, dans ce cas.

Une pratique courante consiste à faire évoluer son CV au gré des emplois auxquels on postule. Pour aider les recruteurs à lire le CV, il faut également ajouter une lettre de motivation expliquant à quel moment on a rempli les fonctions demandées et donner des exemples précis de ce qu’on a fait pour démontrer sa compétence.

MLBT : On entend dire que l’IT est un secteur qui se porte bien en Australie, qu’en penses-tu ?

Rose-Line : Le secteur informatique se porte correctement en Australie et les australiens ont de très bonnes compétences dans ce domaine. La concurrence dans ce secteur est donc très forte. Par ailleurs, il faut savoir qu’en Australie le recrutement d’une personne passe par une décision collégiale. J’ai passé  6 entretiens dans un grand groupe américain implanté à Perth et il fallait plaire à tous les interviewers pour être recruté. Les européens sont plutôt ouverts et accepteront un profil compétent même si des points mineurs sont à améliorer (connaissance du marché de Perth, anglais …) alors que les australiens refuseront une candidature sur la base que tous les critères ne sont pas tous remplis dès les départ…

MLBT : Finalement, comment fait-on pour trouver un travail en Australie?

Rose-Line :Il faut persévérer. On dit que les français trouvent en moyenne un poste après 4 à 6 mois de recherche. Si on a déjà exercé un métier spécialisé ou un métier manuel, on a des chances de trouver rapidement. Mais pour les personnes qui cherchent un travail plus généraliste, la concurrence est vive. 

MLBT : Comment fais-tu pour ne pas te décourager?

Rose-Line :J’essaye d’avoir une nouvelle idée chaque jour. Par exemple, au début de ma recherche, j’ai contacté des français sur place pour échanger et bien comprendre le marché. Ensuite j’ai essayé de rencontrer des informaticiens. Puis j’ai voulu rencontrer les entreprises  françaises etc…

J’ai entendu dire que les autorités australiennes pouvaient se plaindre des sociétés françaises qui recrutaient trop de français au détriment des australiens. Du coup, ces entreprises auront tendance à embaucher des ingénieurs français qu’elles ont du mal à trouver sur le marché australien au détriment des autres postes plus généralistes qui peuvent être pourvus par des australiens.

MLBT : Que conseil donnerais-tu à nos lecteurs qui se posent la question de l’expatriation en Australie?

Rose-Line : Je pense qu’il faut préparer son immigration en Australie. Il faut essayer de trouver un travail avant de partir. Une autre possibilité est de créer son entreprise sur place. De nombreux jeunes qui n’ont pas trouvé de boulot se sont lancés. La procédure de création d’entreprise est simple. Ensuite, si vous êtes sur place, il faut persévérer, parfaitement parler l’anglais et vous finirez par trouver.

MLBT : Comment peut-on trouver du travail de France ? Quand nous y étions on nous disait de venir sur place.

Rose-Line : Il faut essayer de constituer un réseau de gens qui vont t’aider. Si, par exemple, tu travailles pour une entreprise en France qui a des filiales en Australie, il faut contacter la filiale et se faire connaître. Il faut éventuellement prévoir un premier voyage pour rencontrer ta future équipe.

MLBT : Qu’est-ce qui te plait en Australie ?

Rose-Line : La qualité de vie est exceptionnelle en Australie. L’équilibre ville/nature et vie professionnelle/vie privée n’existent nul par ailleurs comme ici. L’investissement au départ est lourd car il faut trouver un emploi et prendre ses marques dans un milieu anglosaxon. Mais une fois cette période de transition passée, c’est le bonheur. J’ai rencontré plusieurs français ayant travaillés en Australie quelques années et ayant décidés de rester à Perth pour leur retraite, c’est sûrement un signe.

            Maxence Pezzetta

Category: Expatriés
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2 Responses
  1. Laurent says:

    Temoignage realiste, merci.

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