Hadrien Brassens est l’un de nos interviewés qui a eu un parcours « sans encombre » en Australie : de la chance, des compétences et de la volonté l’ont conduit à être entrepreneur en Australie. Il est officiellement cofondateur de son entreprise Reef Digital Agency depuis décembre 2012. Il nous parle de l’entrepreneuriat et l’intégration en Australie.
My Little Big Trip : Bonjour Hadrien, comment en es-tu venu à t’expatrier en Australie ?
Hadrien : Au départ, j’hésitais entre le Canada et l’Australie. J’ai choisi l’Australie parce qu’un de mes meilleurs amis y était. Je suis arrivé début 2008 à Sydney. A l’époque je faisais un master 2 après avoir fait une école de commerce. Je devais faire un stage et un mémoire et j’ai décidé de faire mon stage à l’étranger. Je suis venu en Australie pour décrocher un stage mais j’ai tout de suite trouvé un temps plein dans le domaine que je voulais. Ils m’ont sponsorisé au bout de 2 mois. C’est atypique mais dans mon milieu ils sponsorisent à la pelle. Je suis spécialisé dans le référencement payant et naturel. Cela fait plusieurs années que le secteur du SEO/SEM (référencement sur internet) est en pleine expansion et que les ressources locales continuent à manquer, alors les entreprises recrutent beaucoup d’étrangers.
MLBT : Mais tu avais de l’expérience dans le référencement sur internet ? Comment ça s’est passé ?
Hadrien : J’ai toujours été intéressé par internet et par le marketing. Le référencement payant était un croisement des deux. Un recruteur m’en a parlé quand je suis arrivé en Australie et j’ai eu un job assez facilement. J’ai été recruté en tant que junior. A l’époque ça embauchait beaucoup à ce niveau et on était formés sur place. Ensuite l’expérience a pris le dessus.
En Australie, c’est facile de monter les échelons dans l’entreprise. Tu te retrouves vite à gérer des projets, des clients et une équipe. Dans mon industrie, tout va vite. Par exemple, le meilleur moyen d’augmenter son salaire est de changer de boîte. Les gens restent en moyenne à peine deux ans dans leur entreprise. Si tu travailles dur et que tu es bon tu vas réussir. Il faut avoir la niaque. En plus, dans ce milieu, c’est très facile d’être sponsorisé. Les agences web connaissent bien la procédure.
MLBT : Au niveau des salaires, il faut compter combien ?
Hadrien : On m’a proposé 35 000$ par an quand je suis arrivé, j’ai négocié 45 000$. L’avantage ici c’est qu’ils voient les stages comme de l’expérience professionnelle. Ils ne m’ont pas vraiment demandé mes diplômes non plus. Ce qui les intéresse c’est l’expérience et la personnalité. J’ai donc commencé en tant que junior à ce salaire. En général, il y a une période d’essai de 3 mois et si ça se passe bien ils te gardent. Au bout de 2 ans j’ai changé de boite parce que je ne pouvais plus évoluer. Quatre ans plus tard, j’avais doublé mon salaire initial.
MLBT : Quel est le secret pour continuer à grimper, gagner en connaissances et en valeur dans ton milieu ?
Hadrien : Ma progression dans mes deux entreprises précédentes s’est faite par pallier. Pour vous donner une idée de mon évolution, j’ai commencé en tant que junior en optimisation de campagnes. J’ai changé de boîte et dans celle-ci j’ai demandé à avoir mon propre portefeuille clients, je faisais les relations entre les clients et l’agence. Ensuite j’ai géré une équipe qui était à Sydney puis une à l’étranger et à la fin je gérais tous le département « Paid Search » (=Référencement payant). J’ai finalement voulu monter mon propre projet et c’est ce que j’ai fait en novembre dernier.
La raison pour laquelle la demande dans ce genre de milieu continue d’augmenter, c’est que c’est une forme de marketing qui est en plein boom et qu’il y a toujours du boulot. En ce qui me concerne, je ne connaissais pas vraiment ce milieu en arrivant à Sydney. Je suis tombé au bon endroit au bon moment, comme beaucoup d’autres.
MLBT : Comment as-tu fais par rapport à ton visa ?
Hadrien : Au bout de deux ans avec le 457 sponsorship visa, j’avais l’option de demander ma résidence permanente via le visa 856 (employer nomination scheme). J’ai préféré rester sur le 457 pour d’autres raisons. Et comme mon premier visa 457 de quatre ans expirait en novembre dernier, j’avais donc deux choix : le renouveler avec la boîte dans laquelle je bossais ou me faire sponsoriser par ma propre start-up. Sachez que j’ai un partenaire Australien qui lui bosse pour notre boite à temps plein depuis 2 ans. Comme cette nouvelle entreprise était encore jeune, les démarches pour être accrédité sponsor étaient assez compliquées puisqu’il nous fallait un certain nombre de documents démontrant notre crédibilité.
MLBT : Comment ça se passe pour monter sa boite à Sydney ?
Hadrien : Le fait d’avoir un partenaire australien simplifie les choses. Quand on a démarré l’entreprise, on a tout mis à son nom. De toute façon c’était trop compliqué de le faire moi-même. Si j’avais eu la résidence permanente, j’aurais pu monter ma boite comme un Australien mais comme mon visa dépendait de mon emploi, le seul moyen était de monter une entreprise qui me sponsorise. Le problème est que c’est compliqué quand l’entreprise en question est une start-up. Sinon, l’autre option quand on veut monter son entreprise en Australie est d’investir 200 000 ou 300 000$ et obtenir un visa investisseur (=Business Owner Visa). Bien évidemment, je ne pouvais pas investir ce montant.
On a donc monté l’entreprise au nom de mon partenaire et depuis le mois dernier je suis officiellement cofondateur. On a tout partagé entre nous deux. Au niveau de la démarche c’était très simple. Nos comptables ont tout pris en charge.
MLBT : Quelle est l’activité de l’entreprise ?
Hadrien :Notre spécialité est le SEO/SEM (référencement organique et payant) ainsi que le copywriting. Cependant, on a beaucoup de clients qui ont besoin d’aide avec des projets supers variés. On fait donc un peu de tout, on crée des applications mobiles, des sites internet, on a des campagnes en display, en social media, etc. Si on nous fait une demande qui n’est pas dans notre cœur de métier, on délègue la tâche et on passe par des freelancers. On a un réseau de contacts dans le monde entier qui sont d’accord pour bosser pour nous et on les fait travailler par projet. Nous ne sommes que deux à temps plein mais nous aurons prochainement une autre personne à temps partiel pour commencer, ainsi qu’une stagiaire. Notre objectif est de consolider notre base à Sydney, puis d’éventuellement nous étendre à l’international.
Si je peux donner un conseil c’est que si tu t’y connais en SEO/SEM, tu peux trouver un travail et te faire sponsoriser très rapidement à Sydney. N’hésitez pas à dire à vos lecteurs de me contacter si c’est le cas !
MLBT : Comment motivez-vous les gens qui travaillent pour vous ?
Hadrien : Pour attirer des gens, l’argent est motivant mais le cadre est aussi important. Quand tu es une petite entreprise qui débute, tu ne peux pas vraiment embaucher des gens expérimentés car ils coûtent trop chers, alors tu trouves d’autres moyen de les motiver. Si on embauche quelqu’un et que ça marche, on lui proposera d’adapter son boulot à ses envies, comme par exemple de travailler de chez lui plusieurs jours par semaine. Moi c’est ce qui me plait en Australie, l’équilibre entre vie personnelle/vie professionnelle. Aller se baigner à la plage après le boulot et avant le coucher de soleil, ça n’a pas de prix.
MLBT : Quelle est la méthode à suivre pour quelqu’un qui voudrait travailler dans le web à Sydney ?
Hadrien : Si la personne a déjà de l’expérience, le plus simple est de contacter des agences spécialisées. Elles ont beaucoup d’offres et s’occupent de tout. C’est de cette manière que j’ai réussi à avoir un réseau assez large de recruteurs. En tant que candidat ça aide énormément. Quand je cherchais un nouveau job, j’ai envoyé un message à 5 ou 6 recruteurs. C’était un lundi et en fin de semaine, j’avais déjà 4 ou 5 entretiens de programmés. Tu peux aussi passer par les réseaux sociaux en disant que tu cherches un travail à Sydney.
MLBT : A part le SEO/SEM, quels sont les profils recherchés à Sydney ?
Hadrien : Je pense que dans tout ce qui est Web Design et développement, tu peux trouver très facilement. Même chose pour tout ce qui est IT, publicité en ligne et gestion de projets digitaux aussi. C’est un secteur qui a le vent en poupe!
MLBT : Peux-tu nous parler de l’intégration franco-australienne ?
Hadrien : Les australiens sont assez cools mais c’est dur de rentrer dans un cercle d’amis. A notre âge (26-27 ans) ils auront déjà leur bande de potes. Ils te parleront pendant les soirées mais les « transformer » en amis est plutôt difficile. Mes amis ici sont d’anciens collocs, d’anciens collègues ou des gens que j’ai rencontré via d’autres activités (cours de langue, sports, etc). La plupart du temps ce sont aussi des étrangers.
MLBT : Et les Français ?
Hadrien : En 5 ans, j’en ai rencontré beaucoup même si la plupart sont repartis. Maintenant j’ai l’impression qu’il y en a de plus en plus. Ce que j’ai remarqué c’est qu’en 2008, les français venaient vraiment pour le voyage, pour l’aventure, pour un gros road trip. Depuis 2 ans j’en vois de plus en plus venir pour leur carrière professionnelle.
MLBT : Que peux-tu nous dire sur l’accès au logement ?
Hadrien : Moi j’étais en colocation pendant deux ans, ensuite j’ai emménagé avec ma copine et, à nouveau célibataire, j’ai pris un appart en mon nom. J’ai deux chambres donc j’ai récemment décidé de prendre un colocataire pour la seconde chambre. Ça devient de plus en plus facile avec le temps d’obtenir un logement parce que ton niveau de salaire augmente mais aussi grâce aux locations précédentes. Quand tu veux louer un appart, ils regardent ton historique et vérifient si ça s’est toujours bien passé. Les loyers augmentent chaque année mais l’option de la colocation reste abordable pour ceux qui le souhaitent ou pour ceux qui débutent.
MLBT : Est-ce que tu aurais un conseil à donner aux gens qui veulent venir ?
Hadrien : Oui, il faut se rendre compte que l’Australie coûte très cher. Par exemple, mon appartement de deux chambres à Sydney me coûte 2000$ par mois. Mais j’ai des amis qui payent autant si ce n’est plus pour un appartement avec une seule chambre. Les transports et la nourriture coûtent très chers également. J’ai aussi rencontré pas mal de gens venus avec un budget qui n’était pas suffisant. Leur budget de 12 mois s’est transformé en budget de 6 mois. Par contre, il est vrai que si je transforme mon salaire en euros, j’ai un salaire de malade même si ici ça ne représente pas un pouvoir d’achat aussi élevé que ça en a l’air.
MLBT : Quelle est ta vision de la France ?
Hadrien : Personnellement, je ne me vois pas bosser en France. J’adore la France mais j’en ai une image négative. Je ne veux pas généraliser mais je trouve que les gens sont pessimistes. J’entends ceux qui travaillent dans le même secteur que moi à Paris : ils bossent de longues heures sans être forcément bien payé. J’ai des potes en agence qui finissent à 22 h et qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts alors que moi je finis à 18h en moyenne et je gagne bien ma vie. J’ai aussi l’impression qu’en France tout est gris et que les gens font la gueule. Ici le week-end on profite de l’extérieur, de la plage, on va voir des parcs nationaux, on fait des barbecues et pique-niques. L’état d’esprit et la mentalité sont totalement différents. Il y a une joie de vivre ici. Je me sens beaucoup plus à l’aise ici qu’en France, du point de vue professionnel et mode de vie. Je conseille aux gens de venir tenter le coup. C’est toujours bien de venir, de se faire sa propre opinion et de voir si ça nous convient.
MLBT : Et concernant la distance entre la France et l’Australie ?
Hadrien : Ce n’est pas facile. La famille, les amis et la charcuterie, ça manque ! Aussi, ça coûte cher de rentrer, à la fois en temps et en argent. Il faut compter au moins 30h de voyage. En Australie, tu as 4 semaines de congés par an et généralement, si je rentre c’est pendant 2 ou 3 semaines donc ça ne laisse pas beaucoup de temps pour visiter le reste. On peut prendre des congés sans solde mais quand tu as des postes à responsabilité tu ne peux pas le faire aussi facilement. C’est aussi une des raisons pour lesquelles je voulais monter ma boîte. Dans le web c’est cool parce qu’on bosse d’où on veut. Je peux rentrer en France visiter la famille et les amis tout en bossant via Internet.