Philippe Najean est ingénieur et président de la Maison de France, une communauté de français implantée à Perth. Il s’est expatrié en Australie il y a 7 ans avec sa femme et sa fille. Il accepte de nous parler de son histoire et des choses à savoir quand on arrive ici.
My Little Big Trip : Bonjour Philippe, peux-tu nous parler de l’accès au logement an Australie ?
Philippe : Le logement en Australie est très cher. D’une part il y a une pénurie de maisons et d’appartements mais en plus, ils sont très chers. Il faut savoir que les prix ne sont pas estimés en m2 mais par nombre de pièces. Par exemple, dans les annonces on trouvera le nombre de pièces, de salles de bain et de garages.
Il y a un boom économique à Perth depuis 10 ans qui a attiré beaucoup de personnes et les prix se sont mis à flamber. Maintenant, ils cherchent à construire de nouvelles maisons. Pour cela ils doivent construire en périphérie sauf qu’il faut que l’Etat cède des terrains et ça ne semble pas être si facile. Il y a donc une offre qui est faible et une demande très forte. Tout cela entraîne une augmentation des prix.
MLBT : On entend souvent dire que les salaires sont adaptés au niveau de vie, est-ce vrai ?
Philippe : C’est très relatif. Les salaires sont très élevés si on les compare à des salaires français mais une fois sur place on se rend compte que nous sommes à peu près au même niveau de vie. Ce qui change majoritairement est la qualité de vie.
MLBT : Et quand on est jeunes diplômés ?
Philippe : Il y a des opportunités mais il faut quand même être vigilant. Il y a des gens qui savent qu’il y a des jeunes diplômés d’Europe ou des États-Unis bien plus qualifiés que les australiens et ils essayent de les faire travailler pour rien du tout. Il faut aussi faire attention aux employeurs qui commencent à parler de sponsoring au premier entretien. Certains peuvent être mal intentionnés et d’autres peuvent être de bonne volonté mais ne pas du tout savoir comment faire. Une fois qu’ils voient les coûts d’un sponsor et les conditions d’obtention, ils freinent les procédures en pensant qu’ils ont le temps de mettre des mesures en place. Pour vous donner une idée, un exemple de mesure serait qu’ils doivent prouver qu’ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour embaucher des australiens. Pour cela, ils doivent mettre en place des formations pour un montant de 10% de leur chiffre d’affaires.
MLBT : Comment se passent les relations professionnelles avec les australiens ? Quelles sont les différences majeures ?
Philippe : Deux mon point de vue il y a deux choses sur lesquelles je dois prendre sur moi. La première est le phénomène du « no worries ». Ça veut dire, pas de problème, ne vous inquiétez pas, il n’y a pas d’urgence. Le côté positif c’est que ça permet de relativiser, malheureusement on ne peut pas être toujours détendu au travail. En plus, je suis dans une entreprise publique donc la tendance au « no worries » est encore plus forte. La seconde grande différence est ce que j’appelle « l’attitude anglaise » c’est-à-dire que la personne en face de toi ne te dira jamais que ce que tu fais ou ce que tu as fait est négatif. Ils vont tourner autour du pot ou ne pas te le dire du tout. C’est dans ces conditions qu’on se rend compte que le franc-parler est quelques chose de très français. Ils évitent le conflit et ne vont jamais droit au but. C’est bien de prendre conscience de ça quand on commence à travailler.
MLBT : Comment fais-tu dans ces cas-là?
Philippe : Quand je considère que le « no worries » est de trop j’ai deux options : j’abandonne ou j’insiste en défendant mon point de vue. Le problème c’est que si je fais ça j’ai un peu l’image du « chieur ».
MLBT : Comment réagis-tu quand tu vois qu’ils tournent autour du pot ?
Philippe : Je fais pareil qu’eux et je garde le sourire en essayant d’être le plus diplomate possible, je leur dis « je comprends bien CEPENDANT… ». Mais lorsque je considère qu’on n’avance vraiment pas et qu’il faut mettre un coup de bourre je craque et je dis « Bon là, il faut s’activer, il faut faire ceci ou cela ».
MLBT : Quels sont les bons côtés de la vie australienne?
Philippe : Déjà on finit à 17h et ça change beaucoup de choses ! Je sais que lorsque j’étais en France, si j’étais amené à partir à 17h on me demandait si j’avais pris mon après-midi. Ça n’est pas arrivé souvent parce que je travaillais avec un client qui était à l’ISRN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire). C’était 70% public et 30% privé et je n’ai jamais été vraiment embêté. J’ai tout de suite expliqué ma manière de fonctionner. Je veux bien m’investir et travailler tard le soir quand il y a des urgences mais quand le boulot est fait, je veux pouvoir avoir un jour de plus ou commencer plus tard. Je pense qu’il faut savoir créer la confiance.
C’est la même chose ici. Ça marche très bien une fois que tu as fait tes preuves. Quand je suis arrivé, ils cherchaient quelqu’un qui avait fait la réglementation et la normalisation odeur. J’avais eu deux gros postes là-dedans lorsque j’étais en France. Quand ils ont vu mon CV ils n’espéraient pas du tout trouver quelqu’un avec mon profil à Perth. La France est en avance sur l’Australie dans mon domaine et j’ai pu utiliser mon expérience pour mettre en place des études qui n’avaient jamais été faites jusque-là.
MLBT : Pourquoi as-tu choisi l’expatriation en Australie ?
Philippe : Ma femme et moi avons commencé notre vie professionnelle à Paris en 1997. En 2003 notre fille est née et la vie à Paris a pris une nouvelle dimension. Nous nous sommes rendus compte que la nounou s’occupait plus de notre fille que nous et nous avons commencé à avoir des problèmes au niveau de notre couple parce qu’on ne se voyait plus. On s’est dit qu’il fallait qu’on change d’air. Nous voulions rester dans notre domaine donc on cherchait dans les grandes villes de France. On a repensé à une opportunité que nous avions eu deux ans auparavant de partir à l’étranger et on s’est dit « pourquoi pas ?« . Nous avons réfléchi aux pays qui nous intéressaient. On voulait un pays anglophone et on hésitait entre l’Australie et le Canada. L’issue vous la connaissez, on a choisi l’Australie.
MLBT : Comment fait-on pour trouver un travail quand on arrive ici ?
Philippe : Il faut répondre aux offres. Ce qui joue c’est le CV et les compétences. C’est ça qui fera la différence avec un australien qui aura moins de compétences. Il faut aussi essayer de contacter les personnes directement. Et surtout, il faut prendre conscience que ce n’est pas facile. Surtout lorsque l’on n’a pas de visa permanent. En ce qui nous concerne, nous étions arrivés avec un visa permanent.
MLBT : Comment avez-vous fait ?
Philippe : Nous avons fait un dossier que nous avions commencé en novembre 2005, on a aussi passé l’IELTS qui est un test d’anglais et j’ai dû faire trois rapports professionnels en anglais sur des aspects techniques, de management et de qualité. Mon profil était recherché et de ce fait on m’a rajouté des points ce qui m’a permis de passer au-dessus de la pile. C’est une procédure très contraignante car l’immigration exige de contrôler 10 ans de ta vie. En Décembre, on a reçu le dossier médical à remplir et on a finalement eu le visa en avril 2007.
MLBT : Et vous avez cherché un travail directement ?
Philippe : On a d’abord décidé de faire le tour de l’Australie pendant 6 mois. On a également pris des cours d’anglais. Nous avons atterri à Sydney et nous avons fini notre road trip à Perth. Quand nous avons décidé de nous installer à Perth, j’ai eu tout de suite eu une proposition pour travailler au département de l’environnement et de la conservation. C’était une occasion en or. Je suis toujours à ce poste aujourd’hui.
Il faut savoir qu’aujourd’hui, ce n’est plus si simple pour un ingénieur. A titre d’information, ils ont divisé le nombre de visa permanents par 5. Ils resserrent les demandes d’immigration sur tous les profils.
En ce moment l’Australie ne sait plus où donner de la tête. Ils ont besoin de compétences qu’ils ne peuvent pas trouver en Australie mais ils ne veulent pas griller les australiens. Aujourd’hui, le meilleur moyen d’obtenir une résidence permanente est de se faire sponsoriser par une entreprise et d’obtenir un visa 457. Ensuite, au bout de deux ans, il est possible de demander la résidence permanente.
MLBT : Et concernant la communauté française ?
Philippe : Elle explose depuis 3-4 ans. Le consul affiche aujourd’hui entre 9 000 et 11 000 français en Australie Occidental!. La fourchette est large parce que tout le monde n’est pas recensé. Depuis 2 ans on voit de plus en plus de Working Holidays Visa (=visa vacances travail). A chaque fois que je me balade en centre-ville j’entends parler français. Ce n’étais pas le cas il y a encore 3 ans.
MLBT : Est-ce que les Français s’entraident ?
Philippe : Pas vraiment. Les chinois et les asiatiques s’entraident beaucoup mais pour les Français c’est différent. Ils ne sont pas communautaires. Quand un Français décide de venir s’installer en Australie, ce n’est pas pour passer 100% de son temps avec d’autres Français. Aujourd’hui, à la maison de France, il y a de plus en plus d’adhérents. Malgré tout, les Français n’ont pas envie de venir toutes les semaines à la communauté française ce qui fait que l’entraide est beaucoup moins forte que dans les autres communautés.
MLBT : On nous parle beaucoup du réseau, qu’en penses-tu ?
Philippe : Il faut impérativement un réseau ici. C’est simple, si tu n’en a pas, tu ne pourras pas avancer. En plus, il faut montrer que tu as une expérience en Australie Occidentale pour gagner la confiance de tes employeurs potentiels et obtenir un poste. Une fois que tu commences, il faut leur prouver que tu connais ton métier. C’est de cette façon que tu obtiens la reconnaissance.
MLBT : A ton avis, quelle est l’attitude à adopter en entreprise ?
Philippe : Il ne faut pas arriver avec ses gros sabots de « monsieur je sais tout ». Les français ont parfois cette réputation à cause de leur franc-parler. Il faut apprendre à argumenter à l’anglaise en mettant en valeur les points positifs d’une idée et ne pas la détruire complètement même si la personne à tort. Il faut utiliser des structures de phrase comme : « c’est une bonne idée CEPENDANT… ». Il faut être capable de s’adapter autant dans la vie professionnelle que personnelle.