Stéphane With et Maya Simbsler sont un couple de français venus s’installer en Australie il y a 4 ans. Avant d’envisager une expatriation, ils ont choisi de faire le tour de l’Australie en van. Ils nous parlent de leur aventure et de leur installation à Sydney.
My Little Big Trip : Comment en êtes-vous venus à vous installer en Australie ?
Stéphane : Au départ c’était une grosse envie de voyager. Avant de partir, nous avions une situation très confortable en France. On était cadres tous les deux dans de bonnes entreprises. Tout est parti d’une envie de 3 semaines de vacances…
Maya : On voulait aller à Bali 3 semaines en juin. De mon côté, ça n’avait pas posé de problème auprès de mon employeur mais le patron de Stéphane voulait absolument qu’il parte en août. En dehors du fait que le prix des billets allaient tripler à cette période, Stéphane cumulait les heures supplémentaires non rémunérées et on avait une vie professionnelle assez stressante. On a réalisé à ce moment là que lorsqu’on demande à prendre 3 malheureuses semaines de vacances ce n’est pas possible ! On en a conclu qu’il n’y avait que deux façons de partir pour voyager. Soit on y allait en vacances selon le bon vouloir de nos patrons soit on démissionnait et on allait vivre à l’étranger. On a démissionné et on est partis.
Stéphane : On s’est organisés et on est partis en bon terme. A la base on hésitait entre le Canada et l’Australie. On voulait partir dans un pays anglophone qui permettait de prendre un visa working holidays (=WHV ; visa vacances travail).
My Little Big Trip : Comment vous êtes-vous organisés?
Maya : Honnêtement, on ne s’est pas du tout renseignés. On ne connaissait personne sur place. La seule chose qu’on savait c’est qu’on voulait acheter un van et financer le voyage en travaillant sur place, dans le fruit picking par exemple.
Stéphane : C’était en 2008 et à l’époque on ne parlait pas trop de l’Australie dans les médias. Le WHV n’existait que depuis 4 ans et n’était pas très connu. On ne connaissait personne qui était parti en Australie.
Maya : On voulait aussi avoir la possibilité de travailler dans nos branches. Je bosse dans les achats, je suis category manager et Stéphane est spécialisé dans le marketing et le design.
MLBT : Ce sont deux objectifs très différents de travailler dans sa branche et voyager dans un van !
Maya : Oui (rires), donc on s’est dit qu’on allait voyager pendant 1 an et si ça nous plaisait, on essayerait de trouver un boulot dans notre branche la deuxième année. On a fait notre tour d’Australie qui a commencé en septembre 2009.
MLBT : Comment ça s’est passé quand vous êtes arrivés ?
Stéphane : On était très enthousiastes et motivés pour faire des petits boulots mais j’ai vraiment commencé à ressentir la pression du voyage quand on était à Sydney. Je me souviens très bien de me balader le long de l’avenue principale de Sydney, d’avoir pris conscience que j’étais à l’autre bout du monde, sans travail, juste avec des économies et c’est là où je me suis rendu compte qu’il fallait se bouger. On voyait notre argent descendre très rapidement parce que l’Australie coûte très cher. Pour vous donner une idée, la chambre double coutait 100$ la nuit. Et quand nous sommes partis, j’avais 25 ans et Maya en avait 27 donc retourner chez papa-maman n’était pas une option. Il fallait donc qu’on se dépêche de faire toutes les formalités, trouver un travail et un van.
MLBT : Vu votre projet de départ, pourquoi ne pas avoir décidé de faire un congé sabbatique d’un an ?
Maya : En réalité, notre vie en France ne nous convenait pas du tout. On avait un travail qui nous plaisait mais on ne pouvait pas profiter de la vie parce qu’on était trop stressés. Nous avons pris conscience que notre vie était malsaine. En venant en Australie, on est passés d’un extrême à l’autre.
MLBT : Comment vous êtes-vous organisés pour votre road trip ?
Maya : On a acheté un van en passant par Gumtree et on a eu de la chance parce que c’était un australien qui nous l’a vendu. Il faut savoir que pour l’achat d’un van, il y a le marché australien et le marché backpackers. Ce dernier est plus cher parce que les backpackers se font souvent avoir au début donc ils essayent de retirer un maximum d’argent à la revente de leur van alors qu’ils l’ont utilisé pendant un an. Une fois notre van acheté, nous avons parcouru 300 kms en 10 jours pour aller faire du fruit picking dans les mangues.
MLBT : Comment avez-vous su où il fallait aller pour faire la cueillette des fruits en Australie ?
Maya : On a récupéré le guide « Harvest Work » qui te dit quand sont les saisons selon les fruits et les endroits. Il faut savoir qu’il y a les fruits payés au rendement et les fruits payés à l’heure. Quand on est arrivés, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait une pile de 100 CV avant nous. On nous a même demandé si on avait de l’expérience pour cueillir des mangues !
Stéphane : Finalement, on a dû attendre 3 semaines pour pouvoir travailler. Et l’argent continuait de partir. Pendant ces 3 semaines on en a profité pour visiter, on a harcelé l’agence, on a fait le tour des fermes pour dire qu’on était disponibles… Pour cela il faut prendre le van et aller directement chez les fermiers. Ce n’est pas évident quand on ne connait pas le coin parce que les fermes ne sont pas visibles de la route. Il faut aussi rappeler tous les jours les agences d’intérim pour leur dire qu’on est toujours là et toujours intéressés.
Maya : Notre objectif était de faire les 88 jours de travail dans les fermes le plus vite possible pour être sûrs de pouvoir obtenir le renouvellement du visa. On voulait être sûrs d’avoir le choix et on voulait en profiter pour renflouer les caisses.
MLBT : Finalement ça vous a pris combien de temps ?
Maya : On travaillait des périodes de 4 à 8 semaines à chaque fois et on reprenait la route. Une fois les économies dépensées on s’arrêtait à nouveau en chemin pour travailler. Il faut savoir qu’il y a des récoltes qui ne durent que 10 jours et qu’après tu dois partir en trouver d’autres donc c’est très difficile de faire les 88 jours d’un coup. A la fin de notre première année et on est rentré en France pour quelques mois, pour repartir en Australie en passant par l’Asie pendant 5 mois. On est revenu fin mai 2011 en Australie pour notre deuxième année de WHV.
MLBT : Et cette fois-ci vous aviez pour objectif de trouver un job? Où êtes-vous allés ?
Stéphane : On a choisi Sydney parce que c’est la ville qui nous avait le plus plu la première année. On avait adoré le côté exotique, l’eau, l’opéra etc. En plus, on avait eu une mauvaise expérience à Melbourne où il avait beaucoup plu et quand on campe, ça laisse un souvenir mitigé. Melbourne ressemble beaucoup plus à une ville européenne. De toute façon, pour multiplier les chances de trouver un travail, il valait mieux être à Sydney. Nous n’avions pas du tout envisagé Perth parce qu’à l’époque il n’y avait pas autant d’offres dans nos domaines.
Maya : Brisbane n’avait que très peu d’offres de travail donc Sydney était notre meilleure option. Aujourd’hui, on aime encore plus Sydney maintenant qu’on a un job et qu’on peut profiter de tout ce qu’offre la ville.
MLBT : Comment s’est passée la recherche d’emploi à Sydney ?
Maya : Mon CV était prêt dès que nous sommes arrivés. Il faut savoir qu’il faut environ 4 ou 5 pages pour un CV sinon ils ont l’impression que le parcours est incomplet. Ils vont vraiment dans le détail. En commençant à chercher j’ai compris que dans ma branche, les entreprises ne recrutaient pas directement, il fallait passer par des agences de recrutement.
MLBT : Nous avons cru comprendre pendant nos précédentes interviews que le WHV rendait plus difficile l’obtention d’un emploi…
Maya : C’est vrai que peu d’agences m’ont rappelé et quand c’était le cas, c’était soit pour un CDD soit pour un remplacement de congés maternité. C’est ce qu’il s’est passé pour moi, ils cherchaient pour 12 mois et n’ont trouvé personne qui convenait donc ils m’ont engagée.
MLBT : Le problème si vous trouvez un CDD c’est qu’il n’y a pas de sponsoring possible, si?
Stéphane : Non mais lorsque nous sommes revenus la deuxième année, notre but était surtout d’avoir une expérience en anglais dans notre domaine. On se disait que si le sponsorship venait avec c’était un bonus mais nous voulions surtout un travail qui nous plaisait.
MLBT : Comment se sont passés les entretiens ?
Maya : Pour les entretiens, j’avais un peu peur du « trou » sur mon CV parce qu’en France on t’attend au tournant quand tu as pris un peu de bon temps. En Australie c’est très différent parce que lorsque tu dis que tu as pris un an pour voyager en van ils trouvent ça génial. Ça leur montre que tu peux faire plein de choses différentes.
Finalement, j’ai eu une offre en or pendant mon remplacement de congé maternité. Mon patron est parti et le poste a été offert à la personne que je remplaçais. Alors qu’elle était en congés maternité ! C’est quelque chose qu’on ne verrait jamais en France de proposer une promotion à une femme enceinte ! Du coup on m’a proposé un visa sponsor pour prendre son poste à elle.
MLBT : Et pour toi Stéphane, comment ça s’est passé ?
Stéphane : De mon côté ça a été beaucoup plus difficile. Je devais refaire tout mon portfolio en plus de mon CV. J’ai commencé à postuler et j’ai eu des entretiens au bout de 2 semaines. Le problème est qu’il y a vraiment beaucoup de concurrence dans le secteur. J’ai vraiment pas mal galéré, à tel point qu’à un moment j’étais prêt à partir dans un autre pays.En plus, le problème ici est que les gens ne te disent pas que tu n’es pas pris, ça les met mal à l’aise. Ils vont te dire qu’ils te rappelleront le lendemain avec les infos et ils ne te rappellent pas parce qu’ils n’ont pas les infos. Nous on est habitués à ce qu’on nous rappelle quand même pour nous tenir au courant.
Comme je ne trouvais pas dans ma branche, j’ai trouvé un poste de vendeur dans un magasin. Ça me donnait une dynamique et ça me permettait de rencontrer des gens.
MLBT : Est-ce que tu sentais une différence de traitement du fait de ne pas être australien ?
Stéphane : J’ai vu qu’à Perth, certaines personnes se plaignaient de racisme mais c’est très différent à Sydney parce que c’est une ville très multiculturelle. On a plein d’amis australiens et ça se passe très bien. La plupart des gens sont très contents de rencontrer des personnes qui viennent d’autres pays.
MLBT : Comment as-tu trouvé ton travail actuel ?
Stéphane : Au bout de 5 mois, on a rencontré des gens qui avaient une start-up et qui cherchaient quelqu’un pour un poste transversal à tous les niveaux du business. J’avais déjà réfléchis à ouvrir ma boite donc je leur ai dit que je pouvais bosser pour eux quand ils avaient besoin, c’était pour un travail à mi-temps.
En parallèle, j’ai monté ma boite dans le web marketing : With Accent. Ça a très vite marché et grâce à mes deux activités, je gagnais à peu près 4000 dollars par mois. Au bout d’un mois, mon employeur voulait quelqu’un à plein temps donc depuis juillet 2012 je suis à plein temps chez eux et je ne m’occupe plus trop de l’entreprise que j’ai lancée.
MLBT : Comment as-tu fait pour monter ton entreprise?
Stéphane : J’ai simplement fait une demande d’ABN (Australian Business Number) et j’ai déposé mon nom. En tout je crois avoir déposé 160$ pour ces formalités sachant que le nom de l’entreprise est déposé pour 3 ans. Donc en fait aujourd’hui j’ai à la fois le statut d’employé et le statut d’entrepreneur.
MLBT : Et là vous êtes parvenu à avoir la résidence permanente ?
Stéphane : Il faut attendre deux ans après avoir obtenu le sponsorship. Il faut savoir que les choses sont de plus en plus difficiles. Par exemple, dans nos domaines, il y a encore 6 mois on ne devait pas passer de test d’anglais et là il faut. L’immigration rajoute sans cesse des démarches.
Maya : On ne peut être permanent uniquement s’il y a un job assuré derrière. Tu peux aussi avoir un skilled visa, c’est-à-dire un visa basé sur tes compétences. Si tu as un profil plus classique, il faut avoir travaillé pour un employeur pendant deux ans. Après c’est sûr que c’est ton profil qui déterminera si c’est plus ou moins facile d’avoir son visa.
MLBT : Est-ce que vous auriez un conseil à donner aux personnes qui veulent venir ici en espérant obtenir un visa sponsor ou une résidence permanente ?
Stéphane : Franchement, partir en Australie pour s’y installer sans expérience c’est pas terrible sauf dans les domaines recherchés comme charpentier ou géologue par exemple. Je conseillerai à chaque personne qui vient en Australie d’avoir au moins 3 à 5 ans d’expérience en France sinon c’est presque impossible de gagner face à un australien.
C’est valable pour l’expérience professionnelle mais aussi pour la maturité. Je pense que c’est bien de connaître le monde de l’entreprise, on ne peut pas arriver comme ça comme une fleur en pensant qu’on nous attend et qu’on nous donnera du travail. On a rencontré vraiment beaucoup de personnes qui ont dû repartir. Il y a plus de personnes qui repartent que de personnes qui restent.
On a beaucoup d’amis qui nous envoient des mails pour savoir comment ils peuvent faire pour revenir alors qu’ils ont déjà épuisé leurs deux visas. Notre avis est que les chances sont très minces dans la mesure où tu n’a pas le droit de chercher du travail avec un visa touriste. La seule option est de venir en ayant déjà un travail trouvé depuis la France mais franchement…. On ne connait qu’une personne qui a réussi à le faire. Sinon il faut être sur la liste des skilled visa et ça prend deux ans pour obtenir la résidence.
Comment se passe l’intégration avec les australiens ?
Stéphane : C’était difficile au début. La première année quand on voyageait on rencontrait surtout des « anciens » qui partaient voyager en van de luxe. Ils étaient toujours contents d’échanger avec nous mais le problème est qu’il y a des français qui se comportent mal en Australie. Par exemple, lorsque nous étions à Darwin, les mecs squattaient et dormaient dans les toilettes handicapés. On entend aussi parlé du french shopping. C’est-à-dire que tu rentres dans un magasin, tu remplis ton sac à dos et tu sors sans payer…
Maya : Du coup, les backpackers commencent à avoir mauvaise réputation.
MLBT : Pourquoi les Français plus que les autres ?
Maya : Parce qu’ils sont les rois pour repérer les failles de tous les systèmes du monde très rapidement. Si le ferry ne demande pas le ticket, le français va repérer la faille et se dire qu’il n’a pas besoin de payer alors que ça ne viendrait même pas à l’esprit d’un Australien. Mais il faut s’adapter, jouer le jeux et respecter les règles de l’Australie. Tu peux pas dire que tu aime l’Australie parce que les gens sont plus respectueux, que plein de choses sont basées sur la confiance et que tu as une bonne qualité de vie et après détruire le système. Ça ne vient pas naturellement pour un Français malheureusement mais avec de la bonne volonté on s’intègre très bien!
Maxence Pezzetta Eugenie Delhaye