Archive for the Category » Profils Atypiques «

Ils sauvent des vies au Cambodge!

Le Docteur Michel Sebban et sa femme, Pascale, nous reçoivent à la fin de leur journée pour nous expliquer leur vie d’expatriés au Cambodge. Très vite, ils nous expliquent comment ils sont tombés amoureux de ce pays et ont décidés de s’investir économiquement et socialement…

My Little Big Trip : Comment êtes-vous tombés amoureux du Cambodge ?

Pascale : Tout a commencé il y a un peu plus de 15 ans. Michel et moi travaillions tous les deux en France. A cette époque, il faut avouer que nous avions peu à peu basculé dans le matérialisme. Un jour, un jeune d’un lycée professionnel vient trouver Michel et lui demande de le soutenir dans son projet. Un de ses professeurs avait choisi de les emmener au Sénégal pour construire un dispensaire. Il avait besoin de médicaments et a demandé à Michel de lui en fournir. Quand il est revenu, il était transformé. L’année suivante, il nous a demandé, à Michel et à moi, de venir avec lui. Nous avons accepté.

My Little Big Trip : Qu’avez-vous pensé quand il vous a sollicité la deuxième fois ?

Pascale : Au départ, nous y allions surtout pour lui faire plaisir. Quand nous sommes revenus, nous étions, nous aussi, transformés. Néanmoins, les choses se sont faites petit à petit. Nous étions dans un cabinet que nous partagions avec plusieurs médecins. Nous avons commencé par changer de cabinet car la course à « qui sera le meilleur en fin de mois » était trop présente. Elle ne nous correspondait plus.

My Little Big Trip : Comment cela s’est-il passé ensuite ? Avez-vous senti ces différences avec vos amis également ?

Pascale : Le comportement a été différent en fonction des amis. Nous avons réussi à en emmener certains en mission avec nous. Pour les autres, nous nous sommes éloignés au fur et à mesure du temps. On ne se sentait plus en phase.

Michel : Globalement tout s’est fait très naturellement. Avec le temps, nous répondions de moins en moins aux invitations qui ne nous intéressaient plus. C’est à ce moment-là que nous avons choisi de créer une association avec les amis qui partageaient notre envie d’aider les autres.

My Little Big Trip : De quoi s’agissait-il ?

Pascale : Nous voulions créer une association humanitaire. Le but premier était de construire des dispensaires dans les pays sous-développés ou en voie de développement et de pouvoir ensuite passer la main aux locaux pour qu’ils le gèrent par eux-mêmes et soient autonomes. L’association s’appelle « Santé 5 continents ». Autre principe important, nous voulions être une association sans frais de fonctionnement.

My Little Big Trip : Comment fonctionne une association sans frais de fonctionnement ? Combien étiez-vous dans l’association ?

Michel : Nous étions une cinquantaine avec 10 membres actifs. Nous sommes partis du principe que nous étions privilégiés de par notre situation professionnelle et sociale. Nous prenions donc en charge tous les frais de l’association. Il n’était donc pas question de payer un salarié, un local ou de dépenser des fortunes en événements.

My Little Big Trip : Vous n’êtes partis qu’au bout de 15 ans. Pourquoi ? Et pourquoi au Cambodge?

Pascale : Nous avions des enfants et à l’époque, ils étaient encore scolarisés en France. Pendant ces 15 ans nous nous sommes énormément impliqués dans l’association. Nous avons menés nos premières missions en Afrique. Une opportunité pour le Cambodge s’est présentée très rapidement lorsque l’association « Pour un sourire d’enfant » nous a sollicitée. Nous avons passé 3 semaines en immersion. A cette époque, nous pensions venir nous installer au Cambodge à l’âge de la retraite. Finalement, nous avons tenté l’aventure quand nos enfants ont terminés leurs études. Au cours de ces 15 années, nous partions environ deux fois par ans au Cambodge, pendant toutes nos vacances. Les enfants venaient avec nous et nous aidaient.

My Little Big Trip : Vous ne touchez pas encore de retraite, comment faites-vous pour vivre ?

Michel: Comme vous le voyez, nous travaillons, nous avons monté un cabinet. Il fallait qu’on trouve un moyen de gagner de l’argent donc nos avons décidé d’ouvrir un cabinet ici et nous partageons notre temps entre notre activité professionnelle et notre activité humanitaire.

My Little Big Trip : Comment répartissez-vous votre temps ?

Michel : On ne le répartit pas ! Notre mode de vie et nos actions sont devenus une philosophie de vie. Tout est mélangé et c’est ce que nous voulions. Nous vivons constamment dans l’échange avec peu de frontière entre la vie professionnelle et la vie privée.

My Little Big Trip : Et quelles sont vos actions humanitaires maintenant que vous vivez ici ?

Pascale : Nous travaillons toujours en partenariat avec « Un sourire d’enfant », « Osmoze » et deux autres associations plus petites. Nous allons consulter dans les villages et essayons de favoriser l’accès aux soins. Également, Michel prends un groupe d’étudiants boursiers en 6 ème année de médecine tous les samedis  pour les préparer au concours d’internat et afin d’augmenter leur pratique, nous les emmenons dans les villages pour consulter 2 dimanches par mois

My Little Big Trip : Dans le cadre de votre vie professionnelle, comment est repartie la clientèle ?

Michel : Nous avons 50% d’occidentaux et 50% de Khmers.

My Little Big Trip : Quel conseil donneriez-vous à une personne qui désire faire une mission humanitaire ici  au Cambodge ?

Michel : La première chose à faire est de s’impliquer bien avant son départ dans le pays. A titre d’exemple, lorsque l’on forme une mission médicale, elle est préparée pendant 8 à 9 mois avant d’arriver. Les gens connaissent exactement leur rôle et ce qu’on attend d’eux. Il est aussi très important de trouver une association qui correspond à sa propre philosophie. Veut-on travailler dans une grosse ou une petite structure ? Sur quels thèmes veut-on travailler et s’impliquer ?

My Little Big Trip : Et quel conseil vous donneriez à une personne qui s’est reconnue dans cette interview et qui décide de s’implanter ici au Cambodge ?

Michel : La première chose est de s’organiser, de ne pas venir n’importe comment.

Pascale : Il faut aussi venir pour transmettre. C’est dommage de venir ici et de ne pas aider à la formation, quel que soit le domaine d’activité. Quand je parle de formation, ça s’adresse aussi bien au milieu professionnel que personnel. C’est trop facile de virer la femme de ménage parce qu’elle ne fait pas bien son travail. Il est important de savoir expliquer ce qu’on attend de la personne. Il faut donner aux gens la possibilité de s’intégrer dans les différents milieux et garder à l’esprit qu’une femme de ménage à autant de choses à nous apprendre, si ce n’est plus, que ce que nous avons à lui apprendre

Michel : Il faut venir avec l’idée du « laisser-faire ». Il faut être ouvert, à l’écoute, regarder ce qu’il se passe, essayer de comprendre la culture qui est différente de la nôtre. Il ne faut pas venir avec des certitudes, ne pas juger. L’idée est de venir en sachant qu’on trouvera quelque chose de différent ici.

Pascale : Il faut aussi être capable d’instaurer un climat de confiance. Souvent, on passe à côté de beaucoup de choses parce que le climat de confiance n’est pas établit. Les français arrivent souvent ici avec leurs gros sabots alors que les gens sont plus réservés et timides que chez nous.

My Little Big Trip : Comment peut-on se préparer au mieux à ce changement culturel ?

Pascale et Michel : La première chose est de ne pas quitter la France pour fuir quelque chose. Il faut partir parce que l’ « autre » nous attire. La fuite créée souvent des gens fragiles qui ne trouvent pas de solution à leurs problèmes une fois ici. Plus vous êtes sereins, plus vous êtes ouverts. Si les gens sont dans la fuite, une fois que les illusions sont tombées, ils n’osent pas rentrer en France parce que l’argent manque et parce qu’ils auraient un sentiment d’échec. La deuxième chose est de ne pas abandonner ce qu’on a déjà pour aller construire ailleurs. Enfin, il faut prendre le temps de réfléchir et se ménager une solution de retour. Par exemple, se dire qu’on se donne un an et que si ça ne fonctionne pas, on rentre en France.

My Little Big Trip : Quelles sont les erreurs classiques faites par les immigrés ?

Pascale et Michel : Les erreurs qu’on voit souvent sont le fait de ne pas écouter les locaux, les gens qui se lancent dans un business mais n’ont pas les compétences ou un manque de chance, des mauvais choix.

     Maxence Pezzetta

Théodore: Boxeur professionnel en Asie

Théodore est boxeur professionnel. De nationalité française, il a 5 ans lorsqu’il arrive au Cambodge. Il est maintenant complètement intégré et nous raconte son expérience.

My Little Big Trip: Bonjour Théodore, comment est-tu arrivé au Cambodge ?

Théodore : Je suis arrivé à 4-5 ans parce que mes parents ont décidé de venir vivre au Cambodge.

MLBT : Et comment se passe l’intégration d’un enfant de 5 ans au Cambodge ?

Théodore : Assez bien en réalité. Peut-être mieux que pour les parents. Je n’ai pas énormément de souvenirs car j’étais vraiment petit. Je me souviens qu’il y avait beaucoup de jeunes au bord du Mékong et que les vendeurs ambulants avaient des enfants. De ce fait, moi et ma sœur jouions avec eux et c’est comme ça qu’on a appris le khmer. Tout le monde parlait khmer alors c’était très facile. On parle avec la nounou, les copains, l’école, les voisins, dans la vie en générale tout était khmer.

MLBT : Tu te considères Khmer ou Français?

Théodore : Moi je me considère khmer quand je suis avec les khmers et quand je suis avec les français je pense français. J’ai assimilé les deux logiques.

MLBT : C’est quoi la logique khmer ?

Théodore : Je trouve qu’ils sont beaucoup plus débrouillards que nous. Les français réfléchissent plus mais n’arriveront pas nécessairement à trouver la solution, notamment au niveau technique. Si on prend un problème de voiture, ils vont plutôt faire faire. Les khmers trouveront la solution par eux-mêmes. Ils peuvent même fabriquer la pièce eux-mêmes par exemple.

Une autre chose est que les khmers sont fiers. Par exemple, un français ne sera pas énervé si on lui tapote la tête, alors qu’un khmer le sera car c’est l’humilier. Autre exemple, quand un khmer a fait une bêtise, il rigole, il ne va pas dire qu’il est désolé. S’ il rigole c’est parce qu’il est gêné. Et s’ il est vraiment coupable, il peut carrément aller jusqu’à pleurer.

MLBT : Ah ok . Et comment as-tu commencé la boxe ?

Théodore : j’ai commencé la boxe à 16 ans. A l’école, le CPE ne m’aimait pas trop.Il avait une mauvaise image de moi et je n’étais pas très fort à l’école. Dans l’école française dans laquelle j’étais, il y a 100% de réussite au bac donc si ça ne file pas droit, ils ne nous font pas de cadeau. Je suis rentré en France de 15 à 16 ans et je suis allé à l’école là-bas. En revenant de France,  l’école Française à Phnom Penh ne voulait plus me reprendre.

MLBT : Tu savais déjà que tu voulais faire de la boxe ?

Théodore : Non pas vraiment. Au début je voulais trouver du travail dans l’immobilier pour gagner de l’argent. J’ai commencé la boxe en plus des petits boulots. Quand j’ai commencé à m’investir vraiment, j’ai changé de club. J’en ai trouvé un à ½ heure de Phnom Penh, donc je dormais là-bas. On était une vingtaine avec seulement 2 ou 3 boxeurs professionnels.

MLBT : Tu voulais devenir boxeur professionnel ?

Théordore : Il faut savoir qu’ici, il n’y a pas vraiment de boxeurs professionnels, la plupart ont untravail à côté. On ne peut pas gagner sa vie au Cambodge en étant boxeur professionnel, il vaut mieux aller en Amérique ou au Japon. Je m’entraine dur pour essayer d’y arriver. Je m’entraine 1h30 le matin ou l’après-midi et j’entraine aussi des gens. Je peux faire 6h d’entrainement par jour. C’est très intensif. Mon entraineurs est français, il a été champion d’Europe de MM1 (free-fight) et il a fait 31 combats par KO en boxe thaïe.

MLBT : Et toi tu arrives à gagner ta vie avec la boxe ?

Théodore : Oui j’arrive à gagner de l’argent en entrainant d’autres personnes. J’adore vraiment ce que je fais. Si je ne m’entraine pas, je ne me sens pas bien. C’est devenu une hygiène de vie. Je mange sainement, je ne bois pas d’alcool et je fais du sport. Mon seul regret est de manquer de culture générale, j’essaye de me rattraper en regardant des chaines comme Discovery Channel par exemple.

MLBT : Tu n’as jamais eu envie de revenir en France définitivement ?

Théodore : Non pas du tout. J’aime la France pour les vacances, il y a de belles choses, surtout dans la campagne, mais je n’aime pas et ne veux pas de la routine française. Ici la routine est plus agréable, tu peux faire ce que tu veux, tu te sens plus libre. En plus ici, c’est beaucoup plus simple de se déplacer, pas comme à Paris. Je trouve que les français sont gentils mais moins accueillants que les khmers.

MLBT : Est-ce que tu aurais un conseil à donner à une personne qui souhaite vraiment s’intégrer ici ?

Théodore : Pour bien s’intégrer, la première chose à faire est d’apprendre la langue et d’essayer de bien comprendre la culture, l’histoire du pays. Mais le mieux est de tomber amoureux du Cambodge. Il ne faut pas être simplement là pour en profiter. Encore aujourd’hui, même pour moi c’est dur de ne pas juste passer pour un blanc. C’est aussi pour cette raison que je fais de la boxe. C’est pour avoir la reconnaissance. Aujourd’hui, je suis connu pour boxer même mieux que les khmers. J’ai des supers supporters qui m’encouragent encore plus que si j’étais khmer, parce qu’ils savent que j’ai fait des efforts d’intégration.

Je pense aussi que tu ne peux pas t’intégrer si tu restes que 3-4 ans. C’est seulement si tu veux faire ta vie ici que tu fais vraiment des efforts d’intégration.

  Maxence Pezzetta