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Un boulanger au coeur du Laos!

Nous rencontrons Cédric en fin d’après-midi, dans sa boulangerie. Il est le seul boulanger de Luang Prabang et il gère un autre commerce à Vientiane avec Bernard. Il nous raconte comment il est arrivé là.Entreprendre en Asie - Laos - Boulangerie - Le Banneton

My Little Big Trip : Bonjour Cédric, peux-tu nous dire comment as-tu été amené à t’ implanter et entreprendre au Laos ?

Cédric : Pour moi ça a été très simple. Je suis venu voir un ami au Laos, j’ai passé quelque temps avec lui et ses amis et ça m’a beaucoup plus. Quand j’ai commencé à me poser la question de rester vivre au Laos, Bernard m’a proposé qu’on s’associe pour monter une boulangerie.

MLBT : Et donc tu es venu directement, quelles sont les différences entre un mode de travail français et laotien ?

Cédric : Je ne suis pas venu immédiatement. Je suis d’abord rentré en France pendant 6 mois  puis je suis revenu. Il faut savoir qu’en France, je travaillais 60h/semaine. Ici, je travaille beaucoup aussi mais c’est différent.

MLBT : Ah bon ? Pourquoi ?

Entreprendre en Asie - Laos - Boulangerie - Le BannetonCédric : Ici tu n’es jamais vraiment déconnecté de ton travail. Je travaille 7 jours sur 7 mais le rythme est moins intense.

MLBT : Comment as-tu été perçu par les Laotiens quand tu as monté ta boulangerie ?

Cédric : J’ai été bien accueilli et bien perçu je pense. Par contre, la boulangerie n’a pas explosé tout de suite. Il y a eu une progression due à tout un tas de facteurs. Par exemple, avant on n’était pas dans les guides. Il a fallu le temps aussi que les gens découvrent, conseillent leurs amis etc. Ensuite les touristes ont vu qu’il y avait beaucoup de monde et ils sont venus à leur tour. On a l’avantage d’être dans une rue très passante. Nous avions fait le choix de ne pas faire de communication et en ce qui concerne notre stratégie, on voulait faire des produits de bonne qualité, quitte à les faire payer plus cher. On a mis un an à être rentables, notamment à cause des frais fixes comme l’achat du local, l’installation de la climatisation, l’achat du matériel etc.

MLBT : Quel était ton but lorsque tu as décidé de lancer ta boulangerie au Laos ?Entreprendre en Asie - Laos - Boulangerie - Le Banneton

Cédric : Mon but premier était de me faire plaisir, même si c’était risqué. Je voulais vivre une aventure. On a eu beaucoup de chance de ne pas avoir de vraie concurrence. D’autres commerces, comme par exemple les pizzerias, sont énormément copiées.

MLBT : Quelles sont les difficultés que tu rencontres en ayant décidé de t’implanter au Laos ?

Cédric : Le gros problème selon moi, c’est qu’ici, tu es isolé professionnellement. J’entends par là qu’il n’y a aucune stimulation professionnelle. Tu ne peux pas passer devant une autre boulangerie en te disant : « Moi aussi je veux faire ceci ou cela ». Ensuite, il faut savoir que tout demande beaucoup de temps ici et que tout fonctionne par le réseau, ce qui peut prendre encore plus de temps.

MLBT : Et au niveau des avantages ?

Entreprendre en Asie - Laos - Boulangerie - Le BannetonCédric : Il y a beaucoup de gens doués ici. Je pense que c’est grâce à l’ambiance de travail et le fait qu’ils passent beaucoup de temps au travail. On loge notre personnel juste au-dessus de la boulangerie, donc il y a une certaine convivialité et un lien qui se crée. Ils vivent ensembles, mangent ensemble. Il n’y a plus de vie personnelle et professionnelle, tout est mélangé.

MLBT : C’est étonnant du point de vue français de loger ses employés. Pourquoi est-ce que tu fais ça ?

Cédric : Parce que les loyers sont chers et qu’il y a un certain nombre de mes employés qui viennent de la campagne. Les loyers augmentent énormément à cause des guest houses. Il y en a de plus en plus et d’autres qui sont en construction.

MLBT : Est-ce que tu as remarqué d’autres spécificités par rapport au pays ?

Cédric : Ici les gens travaillent très jeunes. Les études sont très chères et les gens ont besoin de gagner de l’argent rapidement, surtout les familles nombreuses.

MLBT : On a remarqué qu’il y avait beaucoup plus de femmes dans les commerces, est-ce une illusion ?Entreprendre en Asie - Laos - Boulangerie - Le Banneton

Cédric : Non, c’est vrai qu’au niveau commercial, généralement, il y a plus de femmes. La boulangerie est une exception car c’est un métier qui est plus dur physiquement donc il y a plus d’hommes. Les femmes font plus de pâtisserie et de cuisine. Globalement, elles sont plus fiables et plus ponctuelles. Il faut savoir qu’au Laos, ce sont les femmes qui s’occupent de la gestion du foyer.

MLBT : A ton avis, comment peut-on s’adapter au mieux si on décide d’immigrer et de travailler au Laos ?

Cédric : Je pense qu’il faut essayer de bâtir ses relations personnelles et professionnelles dans la durée. Les relations se construisent vraiment en plus de 6 mois. Ça ne sert à rien de venir juste pour faire un remplacement, sauf si c’est un premier boulot pour s’implanter dans le pays.

MLBT : Est-ce que tu as des conseils à donner à une personne qui souhaiterait s’implanter au Laos ?

Cédric : Pour moi, il faut d’abord faire un tour d’observation avant d’aller s’implanter au Laos. Pourquoi ne pas commencer en tant que salarié et ensuite monter sa structure. Je pense aussi, que pour s’implanter au Laos, il faut être patient et avoir beaucoup de retenue. Le Laos c’est bien si tu veux du changement dans ta vie.

      Maxence Pezzetta

Réalise-toi de manière globale

Après quelques jours au Laos, nous rencontrons Francis Chagnaud qui a monté Agroforex Company. Il est arrivé au Laos en 1985 avec une mission confiée par les Nations Unies. Il a choisi de s’expatrier là-bas après une étude sur les plantes pharmaceutiques et aromatiques. Aujourd’hui, son entreprise emploie une centaine de personnes, il accepte de nous parler de la culture Laotienne.

MLBT : Pensez-vous qu’il y a de l’avenir pour les jeunes d’école de commerce comme nous qui veulent venir au Laos ?

Francis.C : Aujourd’hui, il y a des gens qui viennent ici, ils sont peut-être en bout de carrière ou en milieu de carrière et qui sont prêts à tout faire. Il faut bien garder en tête que le Laos est un pays qui se développe et quand un pays se développe, l’administration va être très regardante sur les entreprises étrangères. Comment elles se développent et comment elles ont été créées. Les entrepreneurs ont Laos vont être amenés à avoir d’énormes difficultés parce que le Laos a la folie des grandeurs. L’Asie se met à l’abri des puissants comme la Chine, l’Europe et les Etats-Unis. C’est pour cette raison que les « petits » vont avoir beaucoup de mal. La force qu’on peut avoir, c’est d’avoir un bon métier et de l’exercer. C’est la culture du savoir-faire […]

[…] Vous savez-sans doute que le Laotien se définit comme un canard ? Pourquoi ? Que sait-faire un canard ? Un canard sait voler mais pas très bien, un canard sait marcher mais pas très bien, un canard sait aussi nager mais pas très bien. Un Laotien c’est la même chose. Il sait un peu tout faire. Si vous savez un peu tout faire, vous serez en concurrence frontale avec un Laotien qui sera d’accord pour être payé au moins deux fois moins.

N’oubliez jamais que le Laos est un pays asiatique. Il y a un challenge qui est énorme. Ca a un côté fascinant bien sûr. C’est très différent culturellement de ce qu’on connait en tant que français. De ce fait, on peut avoir l’impression d’être compris si on parle la même langue, par exemple l’anglais, mais on se rend vite compte qu’il y a de très grandes différences culturelles. On ne peut jamais vraiment être sûrs d’avoir été bien compris. Et le souci c’est qu’on ne nous prépare pas à gérer cette différence. Quand on arrive ici nous sommes catapultés dans un univers complètement étranger. En plus de cela, les Laotiens ne montrent pas du tout ce qu’ils ressentent, ce qui ne facilite pas la communication. Moi ça fait 20 ans que je connais ma plus ancienne employée et j’ai encore l’impression de ne pas vraiment la connaitre.

MLBT : Est-ce que vous avez un conseil à donner à une personne qui déciderait de venir s’installer au Laos ?

F.C : Si c’est un jeune, il faut qu’il soit conscient de ses handicaps et qu’il sache en quoi il est bon, qu’il cultive son expérience. L’idée serait de démarrer dans une grosse structure en se disant qu’il prendra son envol au bout de quelques temps. Il faut savoir que Laos est un petit pays où tout se sait. Un Laotien pardonne mais n‘oublie pas. De ce fait, il faut être très rigoureux dans ses relations professionnelles dès le départ.

Il faut également venir avec une idée, une idée qui a été très bien étudiée. Il faut aussi la garder secrète pour ne pas se faire voler l’idée par un Laotien. L’idée doit être développée dans le temps grâce à l’expérience acquise dans le pays. Il est très important que les jeunes fassent profil bas, qu’ils n’arrivent pas comme des conquérants. En effet, à l’étranger, les français sont perçus comme arrogants.

MLBT : A votre avis, quels sont les secteurs porteurs au Laos ?

F.C : Le service d’accompagnement des grands projets miniers pour tout ce qui est analyse des sols et ingénieurerie où il y a besoin de matière grise. Il faudrait des jeunes qui soient très pointus pour compenser l’inexpérience de la jeunesse. En plus, il faut savoir qu’il y a au Laos, une forte volonté de  « Laotiser » les emplois. Et le fait, pour un jeune, d’avoir une connaissance pointue, va compenser son manque d’expérience.

Dans un pays qui se développe, notamment dans l’exploitation des ressources minières lourdes, ça peut être le charbon, le cuivre, hydroélectricité, il y a tout un tas de services d’accompagnement qui sont nécessaires. Dans ces conditions, il peut y avoir une offre locale, ça peut être des services de cartographie, d’exploitation d’images satellites, des choses qui exigent des formations pointues.

Avec tout cela, il y aura aussi le secteur des services de l’industrie lourde comme par exemple la restauration d’affaires, le tourisme d’affaires, la logistique. Dans la logistique, je pense qu’il y aura des places à prendre car ce seront des opportunités qui ne seront pas ouvertes aux Laotiens.

MLBT : Est-ce que vous auriez des recommandations à donner à des personnes qui souhaitent s’expatrier ?

F.C : La recommandation qu’on peut faire c’est : ne venez pas au Laos avec un statut d’expatrié. Oubliez même le terme d’expatrié. J’entends par là le salarié qui arrive de France en multipliant son salaire par deux et avec tout un tas d’autres avantages. Acceptez de travailler au coût du travail local, ensuite, avec de la persévérance, vous allez vous épanouir. La persévérance est une qualité très appréciée au Laos.

Autre conseil, mettez de côté les aspects matériels. En plus, aujourd’hui, il est pratiquement impossible de payer une personne 2 ou 3 fois le prix d’un Laotien. L’époque des expatriés telle qu’on l’a connue s’est créé parce qu’il y avait un déficit d’ingénieurs ou de techniciens. C’est beaucoup moins le cas aujourd’hui et ça le sera de moins en moins. Ainsi, ce que je dirai c’est : « Vis modestement, réalise toi professionnellement et personnellement, mets de côté tout ce qui est matériel».

 Maxence Pezzetta

Pourquoi est-ce qu’on se barre de France

Fabrice Mignot, imaginez un physique de grand méchant avec une voix de gentil  :wink: . A peine arrivés dans sa boutique, il commence à nous raconter sa vision de l’expatriation et ses interrogations quant à la tendance à l’expatriation Entreprendre en Asie - Laos - Fabrice Mignot - Naga Creationsqu’on les français. Hé oui, car la population française est une des populations à s’expatrier le plus ! Lisez plutôt :

« Comment se fait-il qu’un mec qui a fait l’ENSGI Grenoble, Maths sup maths spé, préfère travailler ici au Laos que dans des grandes boites françaises? Pourquoi est-ce qu’on se barre ? Pourquoi notre État parie sur nous et nous paie des études alors qu’on part vivre à l’étranger? Les Français se focalisent sur l’immigration alors que ce n’est pas du tout un risque. C’est un flux de travailleurs jeunes qui veulent prendre les boulots industriels qui n’intéresse plus personne. A l’inverse, ce qu’on perd en élite est une vraie préoccupation. Alors que dans d’autres pays, les dirigeants parviennent à faire étudier leur population dans un pays occidentale et les faire revenir ! EnFrance on a une super qualité de diplôme mais il n’est malheureusement pas compétitif ! C’est quand on s’expatrie qu’on se rend compte qu’on a un super niveau !»

Voici les premiers mots de Fabrice, vous comprendrez que cette interview sera un peu différente des autres. Nous avons choisi de retranscrire les messages qui nous ont le plus frappés de notre discussion avec lui.

Entreprendre en Asie - Laos - Fabrice Mignot - Naga CreationsFabrice: Ma mère était dans l’import-export de pierres et j’ai voulu monter ma boutique de bijoux rigolos. Dès le début, je voulais faire des produits de qualité. Je savais que dans les 3 ou 4 années à venir, les Chinois arriveraient et feraient des trucs basiques. Mon objectif était d’avoir chaque année 10% de nouveaux produits. On est lancés depuis 10 ans et l’essentiel de notre offre est composé de produits originaux. Ici ils essayent de faire des trucs originaux mais c’est très dur parce qu’ils n’ont pas du tout l’esprit créatif. Ils ne savent que copier. En plus, le non contrôle de l’importation baisse la créativité. Pourquoi ils s’embêteraient à aller inventer les petits éléphants en bois alors qu’ils peuvent aller les chercher directement en Thaïlande et les vendre 3 ou 4 fois le prix ici ? Ce qui est sûr c’est que si tu décides de venir ici en faisant des trucs qui te permettent de te faire une marge de 3 à 4 fois ton coût de production, tu seras copié. Moi je me suis implanté ici sur le long terme. Je ne veux pas de ça. Je veux que mon business soit pérenne.

MLBT : Pourquoi venir au Laos ?

Fabrice: Moi je ne viendrais pas maintenant. Quand je suis venu, c’était il y a 10 ans, il y avait une fenêtre d’opportunités. Là elle est de moins en moins présente. Quand je vois des mecs qui sont là depuis 1995, ils sont censés être riches, s’ils ne le sont pas c’est que ce sont des mauvais, des incapables.  Je connais des Falangs qui sont à Vientiane depuis 1995, leur ancienne femme de ménage leur loue des locaux. Elle a acheté des maisons et maintenant elle leur loue à eux ! Et il y a des Lao qui se sont vachement enrichis parce que le business s’est ouvert et qu’ils ont su suivre la vague.Entreprendre en Asie - Laos - Fabrice Mignot - Naga Creations

Moi j’essaye de rester fidèle à ce qui m’a plu quand je suis arrivé au Laos, le sentiment de liberté. Maintenant, il faut bien se rendre compte qu’aujourd’hui, la moitié de la population à moins de 20 ans. Ça veut dire que la moitié des gens autour de moi ne connaissait pas le pays il y a 10 ans. Donc le pays d’il y a 15 ou 20 ans est complètement oublié. Donc moi, ma raison d’être a évoluée. A l’époque c’était pour une atmosphère, un sentiment de liberté, le fait qu’il y avait pleins de trucs qui n’étaient pas encore faits. Par exemple, Cédric, il arrive ici. Il n’arrive pas pour l’argent. Cédric, c’est le premier et seul boulanger de Luang Prabang. Dans ce cas, tu deviens ton boulot. Cédric, c’est le boulanger et moi je suis le mec qui fait les bijoux fantaisie. Et ça, ça te rajoute une motivation pour ton travail. Tu peux te dire que si tu ne le fais pas, personne ne le fera. Donc il y a cette petite communauté où tout a du sens parce que tout est petit. C’est quand tu vois les investisseurs que tu vois que le pays change. Moi je reste pour mon business, j’ai une bonne équipe et ça me motive.

MLBT : Est-ce qu’on peut dire que la vie est meilleure ici ?

Fabrice: C’est mutli-critères en fait. En fait tu pondères tes critères et tes libertés comme tu veux. Je pense que l’une des grandes erreurs qu’on fait en Europe, c’est croire qu’on est le pays des libertés, de LA liberté. Sauf qu’il n’y a pas une seule liberté. Par exemple, en Asie, il n’y a pas de liberté politique alors qu’il y a une liberté économique incroyable. Moi c’est celle-là qui m’intéresse, c’est la liberté d’entreprendre. »

MLBT : Nous avons l’impression que c’est quand même deux planètes différentes, la vie que tu as ici et celle que tu aurais eu en France ?

Entreprendre en Asie - Laos - Fabrice Mignot - Naga CreationsFabrice: Ouai ce sont deux planètes différentes. Maintenant, si tu regardes bien mes journées, j’ai aussi une routine. Parfois le fait de s’expatrier c’est beaucoup de bruit pour rien, tu changes tout pour retrouver une routine qui est complètement différente ailleurs. Tu peux aussi bosser comme un malade, avoir des embouteillages, notamment dans une ville comme Bangkok en Thaïlande. Il y a donc aussi une forme de routine. Et ici, au Laos, tu changes pleins de choses, mais si tu veux arriver à un niveau de salaire qui te permette d’avoir une vie confortable, de partir en vacances etc, il faut vendre plus de choses et avoir un niveau de service plus élevé qu’en Europe. Il ne faut pas oublier que tu n’es pas assisté, il n’y a pas de matelas de sécurité à côté et parfois tu peux avoir des doutes.

Surtout quand tu es entouré de Laotiens qui sont des mecs ultra pragmatiques et qui ne feront pas grand-chose qui ne rapporte pas de l’argent. Ici, les locaux ne font que ça. Ils ne font que bosser et du coup ils ont la même routine pendant des années. Ils n’ont pas de week-end, de RTT etc. Pour eux, entre garder le magasin ouvert  et aller dépenser de l’argent en week-end, il vaut mieux garder le magasin ouvert. Surtout que s’ils décident de se prendre des vacances, leur concurrent va se dire : « allez-y partez, moi je vais en profiter pour rester ouvert et récupérer tous les clients ».

Sachant que les Lao font partie des Asiatiques qui se donnent le plus de temps libre, ils sont à la cool. Mais à la cool ici, ce n’est pas comme chez nous. Ici, quand ils ont un business qui marche, ils ne le lâchent pas, ils feront ça toute leur vie. En fait, de notre fenêtre, ils sont cool mais c’est parce qu’il n’y a pas de rupture entre le pro et le perso, c’est la même chose. Ils peuvent organiser un anniversaire dans la pièce à côté du local commercial et travailler en même temps.Entreprendre en Asie - Laos - Fabrice Mignot - Naga Creations

A côté de tout cas, il n’y a pas du tout de vie culturelle. Il n’y a pas de spectacles, musées etc. Ils ne parlent que de traditions et d’argent. Il faut accepter ça et c’est pour ça que t’as besoin de tes copains falangs. Par exemple, l’interview qu’on fait là, ils ne pourraient pas comprendre parce que ça ne rapporte pas d’argent. Moi je leur ai dit que vous faisiez du e-business.

MLBT : Mais du coup comment manages-tu les Laotiens?

Fabrice: Avec les Lao, il faut bien comprendre qu’ils peuvent lacher leur activité à n’importe quel moment. Les gens sont disponibles pour leur famille. Leur travail est juste alimentaire. Si quelque chose est plus important, ils se cassent. Et même, si simplement leur boulot ne leur convient plus, ils peuvent décider de partir du jour au lendemain. Ils ont une forte capacité à être dans le présent. Ils ne justifient rien et n’ont pas de schéma.

MLBT: Merci Fabrice pour la sincérité de tes réponses!

       Maxence Pezzetta

J’ai monté mon agence de voyages

Nous rencontrons Jean-Yves Paille après sa journée de travail. Avec des amis, il a monté une agence de voyage spécialisée dans les voyages professionnels. Il accepte de nous rencontrer dans un bar de Vientiane après sa journée de travail.Travailler à l'étranger - Asie  Laos - Agence de voyages

My Little Big Trip : Bonjour Jean-Yves, comment en es-tu venu à t’expatrier?

« Je viens de Dijon, j’ai voyagé avant d’arriver en Asie. J’ai vécu quelques temps en Allemagne pendant mes études et j’ai décidé de quitter l’Europe à l’issue de celles-ci. Je suis allé au Canada, à Montréal. J’ai trouvé un travail avec le ministère des affaires étrangères qui m’a envoyé au Cambodge pour un an, c’était en 2000. J’étais formateur de professeurs. C’était ma première grosse expérience en Asie et dans un pays en voie de développement. Ça m’a beaucoup plu.

My Little Big Trip : Pour quelles raisons ?

Jean-Yves : La vie en Asie est plus vivante et plus surprenante, on sort des sentiers battus. Néanmoins, mon contrat était un CDD de 1 an, je suis retourné à Montréal après ma mission. J’y ai passé un DESS et j’ai eu un stage au Cambodge. Je travaillais à l’ambassade de France à Phnom Penh puis dans le secteur du tourisme. J’y suis resté deux ans et demi. A l’issue de ces 2,5 ans, je suis revenu au Canada. C’était en septembre 2004. J’ai enchainé par un master sur « le développement local par le tourisme au Laos », s’en est suivi une mission sur place. Quelques temps plus tard, j’ai de nouveau eu une opportunité de partir au Laos, cette fois-ci avec le ministère des affaires étrangères du Canada.

Travailler à l'étranger - Asie  Laos - Laos MoodMLBT : Ça n’a pas dû être évident tous ces changements. Comment est-ce que cette dernière opportunité a évoluée ?

Jean-Yves : J’ai travaillé pour ce dernier poste pendant 1 an et on m’a proposé un poste de directeur régional de département dans le secteur privé. J’y suis resté quatre ans et je me suis lancé. J’ai monté ma boite avec des amis.

MLBT : Comment cela s’est passé ? N’est-ce pas compliqué au niveau des statuts ?

Jean-Yves : Quand on est français au Laos, on n’a pas le droit d’être 100% propriétaire donc on est deux associés français et deux associés Laotiens. Mais il n’y a que moi et mon associé français qui avons apporté les fonds, nous les avons répartis à 50/50. Mon associé français était mon supérieur dans la boite dans laquelle je travaillais avant de monter la notre.

MLBT : Quelle est l’activité de ton entreprise ?

Jean-Yves : Il faut savoir qu’il y a beaucoup d’agences de voyage ici donc on ne prend pas de clients « en direct ». On s’est tourné vers le tourisme d’affaires, il s’agit de récompenses pour les meilleurs vendeurs, de voyages d’entreprises ou de voyages d’études, le tout dans un contexte professionnel.

MLBT : Donc concrètement, vous vous adressez directement aux entreprises ?

Jean-Yves : Non. Les entreprises en France font des appels d’offres auprès d’agences de voyages françaises. Lesquelles contactent des partenaires locaux. Nous sommes  un partenaire local. Nous proposons donc une formule de voyage adaptée aux besoins.Travailler à l'étranger - Asie  Laos - Laos Mood

MLBT : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez du fait de vous être installés au Laos ?

Jean-Yves : Nous sommes encore une petite agence et avons peu de poids par rapport aux grosses agences. Ça ne nous empêche pas de gagner des appels d’offres mais ce n’est pas toujours facile. Il faut gagner la crédibilité.

MLBT : Et les avantages ?

Jean-Yves : On a beaucoup d’opportunités de business ici au Laos dans le tourisme. Ensuite, avec le temps, on a réussi à monter un très bon réseau.

MLBT : Est-ce que tu travailles avec des Laotiens ? Comment les recrutes-tu ?

Jean-Yves : Oui, je travaille avec des Laotiens. Concernant le recrutement, nous avons un gros manque de formation donc nous ne recrutons que des gens qui parlent anglais. Pour le reste, il vaut mieux les former soi-même. Par exemple, ils ne savent pas différencier les profils de clients et de voyageurs. De ce fait, ils n’orientent pas toujours leur discours dans ce sens. Ils n’ont pas non plus toujours un grand sens commercial avec un argumentaire lors de l’acte de vente.

Travailler à l'étranger - Asie  Laos - Laos MoodMLBT : Quel est l’intérêt, selon toi, de s’expatrier au Laos ?

Jean-Yves : Pour moi, le Laos a beaucoup de potentiel, notamment dans l’énergie et dans l’agriculture. En plus, c’est un pays qui n’est pas encore pollué par les engrais et pesticides en tout genre. Un agriculteur peut décider de se spécialiser dans l’agriculture intensive, extensive ou biologique. Au Laos, nous sommes à un carrefour au niveau de l’Asie du Sud Est. On est entre la Chine, le Vietnam, le Cambodge et la Thaïlande qui sont des pays en pleine croissance et qui ont d’énormes besoins.

MLBT : Si tu avais un conseil à donner à des gens qui envisagent de partir vivre au Laos, que leur dirais-tu ?

Jean-Yves : Venez d’abord 6 mois dans un premier temps, pour comprendre la mentalité Lao et travailler avec eux et saisir leurs méthodes de travail. Il faut aussi savoir parler anglais et être ouvert sur l’apprentissage du langage lao.

MLBT : Est-ce que tu aurais des informations à donner sur la vie quotidienne au Laos ?

Jean-Yves Paille : Pour les gens qui souhaitent partir vivre au Laos et qui ont des enfants, soyez vigilants à l’éducation. En effet, il n’y a que 2 écoles internationales et elles sont à Vientiane. Attention également à la santé. Il y a une clinique française et australienne de bonne qualité et pour le reste, il est recommandé d’aller se faire soigner en Thaïlande. Concernant le budget moyen, il faut savoir que le budget est beaucoup plus cher ici qu’à Hanoï (Vietnam), sachant que Hanoï est considérée comme une ville très chère dans le monde entier pour l’achat immobilier.Travailler à l'étranger - Asie  Laos - Laos Mood

MLBT : Quelles sont les opportunités de carrières au Laos ?

Jean-Yves : Il y a de grandes opportunités dans les ressources minières, les barrages et les projets agricoles comme par exemple les fermes biologiques ou les plantations. Les golfs se développent aussi beaucoup en ce moment. Globalement, je pense que, dans les années à venir, le pays va s’enrichir. Les pays voisins viennent investir en masse et racheter des terres. Le Laos vient de rentrer à l’OMC. Les routes se construisent et un train est en projet pour relier la Thaïlande et la Chine et donc passer par le Laos. Ils sont en train de construire un immense carrefour en plein centre de l’Asie du Sud Est

 

    Maxence Pezzetta


Le pays des millions de sourires!

Suite à notre rencontre avec Marie-Hélène, nous prenons rendez-vous avec Henri Pierre. Un jeune de 25 ans qui est déjà au Laos depuis 3 ans et qui compte se marier très prochainement.

MLBT: Comment se passe l’intégration dans ces cas-là ?

« Pour commencer j’ai fait une école de commerce. Globalement quand j’ai terminé, rien de ce qu’on me proposait ne me plaisait et surtout, je voulais repartir à l’étranger. Je devais faire un stage de fin d’étude de 6 mois et j’ai trouvé au Laos. Je travaillais pour la Villa Maly. A l’issue de mon contrat j’ai décidé de resté et j’ai continué à travailler là pas pendant 2 ans. Aujourd’hui je gère des restaurant pour les hôtels, je suis « Food and Beverage Manager ». Je m’occupe de la cuisine, du service, des stocks…

MLBT : Il n’y a pas de problème pour faire ce genre de poste dans la mesure où tu n’avais pas une formation spécialisée dedans ?

Henri-Pierre : En France, il faut être diplômé d’une école hôtelière pour travailler dans ce milieu. Moi je suis là-dedans depuis que j’ai 14 ans et ça m’intéresse énormément. J’aime bien la relation avec le client, avec les chefs, la cuisine etc. Quand j’ai finis l’école je me suis dirigé vers le tourisme parce que j’avais déjà cet intérêt. J’ai ouvert un hôtel lors de mon stage de fin d’études, je me suis occupé d’un éco-lodge et là je suis dans la restauration hôtelière.  En fait ce qui est important ici, ce n’est pas la formation, c’est l’expérience. Tu es jugé sur ton savoir-faire. Et comme le pays est en plein boom, tout le monde a sa chance et il est très facile de monter les niveaux hiérarchiques.

MLBT : Tu n’es jamais revenu en France ?

Henri-Pierre : Je suis simplement revenu en France pour faire ma soutenance de stage et j’ai tout de site voulu revenir.

MLBT : Qu’est-ce qui t’as marqué quand tu es arrivé au Laos ?

Henri-Pierre : La gentillesse des laotiens. Ici quand, si tu tombes en panne dans la campagne à 3h du matin, on t’accueille, on t’héberge et on te nourrit. C’est une culture très accueillante. Ça m’a plu, j’aimais la restauration et j’ai eu des opportunités. Et maintenant ça fait déjà 5 ans que je suis là.

MLBT : Au niveau administratif comme ça se passe quand on décide de venir travailler ici ?

Henri-Pierre : Moi j’ai un visa de travail, normalement c’est l’entreprise qui t’embauche qui s’en occupe et il faut le renouveler tous les ans.

MLBT : Concernant les assurances sociales qu’on a en France comme la retraite ou la sécurité sociale, comment fais-tu ?

Henri-Pierre (rires) : Honnêtement, pour l’instant, la retraite je ne m’en occupe pas trop, mais je ne suis pas inquiet. Vous savez, on est dans un pays en plein développement. La population  a presque doublé en 5 ans, et la taille de la ville aussi ! Moi, je préfère essayer de construire une partie de ma vie ici, quitte à me mettre en danger. Mon intention première était de m’’investir dans un projet qui sortait de l’ordinaire, d’essayer de faire quelque chose. Pour l’assurance, j’ai choisi de prendre une assurance privée que je paie 100€ par mois. De toute façon pour se faire soigner, le mieux c’est d’aller à Bangkok.

MLBT : Comment peut-on s’intégrer au mieux quand on est français et qu’on arrive dans un pays comme le Laos ?

Henri-Pierre : Pour moi, la chose la plus importante était d’apprendre la langue locale. J’ai donc appris le laotien en 6 mois. Autour de moi, dans le cadre du travail, les gens ne parlaient pas anglais. Ça m’a bien aidé. Et je me suis fait beaucoup d’amis philippins. D’ailleurs, ma fiancée est philippine.

MLBT : Comment vis-tu le statut d’étranger ?

Henri-Pierre : Ici, le mot étranger n’a pas la même consonance que chez nous. L’étranger signifie : tout ce qui n’est pas Lao. Il y a la même différence que tu sois Thaïlandais ou Français.

MLBT : Comment se passe l’adaptation ? La culture est très différente de la nôtre, surtout en ce qui concerne la productivité.

Henri-Pierre : J’ai appris à relativiser et à ne pas me prendre la tête. Ici, on est professeur, on apprend beaucoup de choses aux personnes qu’on côtoie, dont, notre mode de vie et notre manière de penser. Eux en retour nous apprenne beaucoup pour tout ce qui est patience, et le retour aux choses simples.

MLBT : Comment qualifierais-tu le Laos en 1 phrase ?

Henri-Pierre : Le Pays des millions de sourires !

MLBT : Si tu avais un conseil à donner qui souhaite s’installer au Laos, que lui dirais-tu?

Henri-Pierre : Va vivre seul dans un village pendant 6 mois pour s’imprégner de la culture laotienne. Rester en ville ne suffit pas, il faut aller jusque là pour comprendre la mentalité des gens dans ce pays. De cette façons, tu te rendras compte des choses par toi même.

      Maxence Pezzetta

Un bistrot français à Vientiane!

Philippe Boucley nous a reçus dans son bistrot français, le Bistrot 22, en plein cœur de Vientiane (Laos). Entreprendre en Asie - Laos - Philippe Boucley - Bistrot 22Très très bon restaurant que nous recommandons chaudement  :grin: ! Il nous reçoit entre deux coupettes pour nous expliquer son arrivée au Laos et les différences culturelles entre les deux pays.

« J’ai commencé l’apprentissage à 16 ans et je suis très rapidement parti de chez mes parents. J’ai vite eu un besoin d’autonomie et d’être « hors du troupeau ». J’ai donc rapidement eu mon diplôme et ensuite j’ai bougé en France, en Angleterre et en Allemagne. J’ai fini par m’installer à Dijon où je suis resté 10 ans. Au bout de 10 ans, mon couple a explosé et j’ai travaillé 3 ans à Paris. J’ai retrouvé un de mes chefs de Dijon qui m’a parlé d’une personne qui cherchait un chef en Asie. J’ai pris le temps de réfléchir et comme je n’avais plus d’attache, je me suis lancé ! Je me suis dit que si je n’y allais pas j’allais le regretter. Et au pire, si ça ne me convient pas, je reviendrai.

MLBT : C’était dans quel pays ? Tu y as travaillé combien de temps ?

Philippe : C’était en Thaïlande.  Il y avait 5 partenaires, ça partait dans tous les sens, ils n’arrivaient jamais à se mettre d’accord. Il y a même eu un moment où ils voulaient faire de la nourriture vietnamienne, française, italienne et grecque ! J’ai quitté ce restaurant au bout d’un an.

MLBT : Tu es retourné en France ?

Philippe : Non, je voulais rester en Asie. J’ai travaillé quelque temps en Thaïlande et on m’a proposé un job dans un hôtel iEntreprendre en Asie - Laos - Philippe Boucley - Bistrot 22ci, à Vientiane. J’ai pris un vol Bangkok-Vientiane. J’ai passé l’entretien et je suis resté sur place 3-4 jours. Quelque chose m’a plus, je ne sais pas exactement quoi, probablement une atmosphère… J’ai accepté le poste et j’y suis resté 3 ou 4 ans. Ensuite, j’ai monté le restaurant « Chez Philippe » mais ça s’est avéré être une mauvaise association.

MLBT : Tu as toujours voulu entreprendre? Que s’est-il passé ?

Philippe : Je me suis associé avec une Laotienne. On avait mis un gros investissement et ça ne s’est pas bien passé parce qu’elle ne connaissait rien à la cuisine. Elle ne pensait qu’à faire du chiffre, elle voulait que ça rentre. J’ai réussi à m’en sortir et avec ce que j’ai réussi à récupérer, j’ai monté le Bistrot 22.

MLBT : Comment est-ce que tu t’es installé et comment est-ce que ça a évolué ?

Philippe : Si vous aviez vu ça ! C’était bien différent d’aujourd’hui. On a agrandi la pièce depuis le mois d’octobre 2012 mais avant on avait seulement 5 tables ! On a eu l’opportunité de racheter le commerce juste à côté, on en a profité.

MLBT : Quand tu dis « on » tu parles de qui ?

Philippe : Je me suis associé avec ma femme. Elle m’aide beaucoup.

MLBT : Comment ça se passe en ce qui concerne le management de Laotiens ?Entreprendre en Asie - Laos - Philippe Boucley - Bistrot 22

Philippe : Je gère 8 personnes, j’ai commencé avec seulement 5. Aujourd’hui j’en ai un qui est très bon et qui parle anglais. Il travaille avec moi depuis plus de 6 ans. Les deux autres viennent d’arriver. J’essaye de fonctionner avec eux par un management paternaliste, familial. Le secret est de communiquer un maximum pour essayer de comprendre comment cela fonctionne ici et éviter de se mettre à hurler. C’est vrai que ce n’est pas tous les jours facile. Ici, ils ne connaissent pas la course à a performance donc, si tu leur mets trop de pression, ils partent. Du coup, pour les fidéliser, il faut très bien les considérer et respecter les traditions. Par exemple, pendant le nouvel an laotien et pendant les fêtes, on ferme le restaurant pour qu’ils puissent passer ce temps-là en famille.

MLBT : Qu’est-ce que tu attends d’eux quand tu les embauches ? Ça ne doit pas être simple puisqu’il n’y a pas d’école d’hôtellerie ici.

Philippe : Pour ceux qui sont en salle, on veut qu’ils parlent anglais et qu’ils présentent bien. C’est vrai que ce n’est pas facile de trouver quelqu’un. Dès qu’ils parlent une langue étrangère, ils cherchent à se faire embaucher dans un travail de bureau. C’est beaucoup plus facile de que de travailler en salle ou en cuisine.

MLBT : Comment est-ce qu’on procède au Laos si on veut se faire embaucher ?

Philippe : Il y a plusieurs journaux locaux comme les Vientiane Mail par exemple. Mais les Laotiens écoutent surtout la radio. Depuis quelques temps, on constate l’essor d’agences d’intérim.

MLBT : Comment est-ce que les Laotiens se divertissent ?

Philippe : Comme beaucoup de personnes en Asie du Sud Est, ils adorent le karaoké. Ils font aussi beaucoup de sport comme par exemple le football, le tako et le badminton. Ils font aussi beaucoup de vélo.

MLBT : Quelle vision des français ont les laotiens ?

Philippe : Pour eux le françaisEntreprendre en Asie - Laos - Philippe Boucley - Bistrot 22 est quelqu’un qui a de l’argent. Mais ça ne concerne pas que les français, ça concerne plus généralement les falangs, c’est-à-dire les étrangers blancs. Ils trouvent que les français sont des gens arrogants. Mais ils font aussi des différences avec les Asiatiques dès lors que ce ne sont pas des Laotiens.

MLBT : Pourquoi venir au Laos ?

Philippe : Si tu cherches à t’enrichir, au sens occidental du terme, il ne faut pas venir au Laos. Par contre, si tu veux gagner en qualité de vie, le Laos est idéal. Ici la recherche de compétition ou tout simplement le stress, n’existent pas. Par exemple pour mon activité, je ressens très peu la concurrence. Il y a pleins de petits restaurants mais peu de « haut de gamme ».

Attention, la culture entrepreneuriale commence à venir au Laos et le niveau d’éducation des Laotiens augmente. Les moins de 30 ans commencent à avoir envie de voir au-delà des traditions familiales et ont envie de faire quelque chose pour eux. Plus ça va, Entreprendre en Asie - Laos - Philippe Boucley - Bistrot 22plus les laotiens prennent les boulots qui étaient avant réservés aux occidentaux, notamment ceux qui sont partis vivre quelque temps en Europe, aux États-Unis ou en Australie.

MLBT : Si tu avais un conseil à donner à des gens qui hésitent encore à partir, qu’est-ce que tu leur dirais ?

Philippe : Prenez le temps de bien comprendre l’essentiel. Il faut savoir s’adapter au pays. On ne peut pas avoir des règles complètement à l’identique de ce qu’on connait nous en France. Et je pense qu’idéalement, il faut venir avec un projet.

MLBT : Si tu devais changer quelque chose dans ton parcours, est-ce que tu changerais un élément ?

Philippe : Oui, je me mettrais à mon compte plus vite. J’avais peur du risque à l’époque, c’était une erreur. Il faut savoir prendre des risques au bon moment et se lancer sans se poser trop de questions.

      Maxence Pezzetta

Le Laos : Il faut avoir le coup de foudre!

Nous rencontrons Marie-Hélène, une des rares femmes qui a décidé de tenter l’aventure en s’expatriant au Laos.Entreprendre en Asie - Laos - Villa Maly Elle nous explique ce qui l’a amenée à Luang Prabang, ses impressions, les difficultés auxquelles elle a dû faire face et ce qui lui plait au Laos. Marie-Hélène Machevin gère la Villa Maly à Luang Prabang, dans le nord du Laos. Elle est arrivée au Laos il y a près de 14 ans et nous reçoit dans son hôtel. Elle parait débordée, elle nous explique que la haute saison commence et que c’est la période des voyages de groupes. Elle parvient malgré tout à nous accorder un peu de temps…

My Little Big Trip : Bonjour Marie-Hélène, peux-tu nous expliquer ce que tu fais ?

Marie-Hélène Machevin : J’ai longtemps été responsable l’hôtel, j’ai évolué depuis peu et je suis maintenant en charge de tout ce qui est relationnel-clientèle. L’hôtel a été racheté en 2007.

MLBT : Pourquoi tu as choisi de le faire au Laos ?

Marie-Hélène : Au départ, je suivais simplement mon mari. Après notre séparation, j’ai choisi de rester ici pour ma famille et je me suis remariée avec un Laotien. Mais ce n’est pas facile de s’installer au Laos, il faut des visas et il est de plus en plus difficile de trouver un travail. Les employeurs attendent des diplômes de plus en plus pointus.

MLBT : La personne qui arrive ici et qui veut chercher du travail, comment peut-elle faire ?

Marie-Hélène : A Luang Prabang, il y a beaucoup d’opportunités dans le tourisme. Il faut donc privilégier l’hôtellerie et la restauration. Avant, même sans diplôme on pouvait trouver du travail. Il suffisait d’avoir de la bonne volonté et il y avait touEntreprendre en Asie - Laos - Villa Malyjours un poste à disposition. En tant qu’Occidentaux, on était les bienvenus. En ce qui me concerne, je n’ai pas un contrat d’expatrié mais un contrat local. Dans ces conditions, ce n’est pas facile de capitaliser pour la sécurité sociale et pour la retraite. L’assurance santé est heureusement  prise en charge par la compagnie.

MLBT : Quels conseils pourriez-vous donner à des gens qui décident de partir en couple au Laos ?

Marie-Hélène : Je leur dirais de faire très attention car le Laos est considéré comme un pays à risques. Comme toute l’Asie d’ailleurs. Il y a un attrait pour les maris européens, quelque chose qui les fait tomber sous le charme. Il est fréquent que les couples qui arrivent ici ne tiennent pas plus d’un an. Bien sûr, ce n’est pas une règle générale mais c’est fréquent.

MLBT : Il est vrai qu’on rencontre beaucoup d’hommes qui se sont implantés à l’étranger et qui ont fait ou refait leur vie avec une fille d’origine Asiatique. Mais, c’est un tableau bien noir que tu nous dresses, il y a bien quelque chose qui te plait dans ce pays pour avoir décidé d’y passer ta vie ?

Marie-Hélène : Oui bien sûr. Je crois que ce qui me plait le plus au Laos c’est la gentillesse des gens, le calme, les paysages et la sensation que tout est encore à faire. Il y a beaucoup d’opportunités au niveau économique. Comme je le disais plus tôt, on trouve des opportunités dans le tourisme. Il y a aussi beaucoup de barrages qui se construisent. Au niveau maritime il n’y a pas grand-chose parce que c’est un pays qui n’est pas délimité directement par la mer. Il faut passer par les pays voisins. Mais globalement, pour le Laos, je dirais qu’il faut avoir le coup de foudre pour le pays, on pourrait dire : « contre vents et marées ».Entreprendre en Asie - Laos - Villa Maly

Au Laos, on y vient plus pour un développement personnel qu’économique. Ensuite, il faut savoir saisir les opportunités. On ne vient pas au Laos pour s’enrichir économiquement, on vient pour s’enrichir culturellement et spirituellement. C’est un retour aux sources.

MLBT : Mais toi finalement, comment s’est passé ton arrivée ?

Marie-Hélène : Moi je suis arrivée il y a 13 ans directement à Luang Prabang. Nous avons quitté le sud-ouest ou nous avions un Gite d’étape et des chambres d’hôtes. Mon mari était militaire et il est arrivé pour l’ouverture d’une compagnie de croisière. Au début je pensais que j’allais simplement y passer trois ans car c’était le rythme auquel on changeait de pays. J’étais venue une fois en reconnaissance pendant 15 jours et voilà tout. Je ne pensais pas que j’allais y passer le reste de ma vie.

MLBT : Et qu’est-ce qu’il faut regarder quand on part en reconnaissance comme ça ?

Entreprendre en Asie - Laos - Villa MalyMarie-Hélène : On se balade, on regarde les gens, on va voir le marché. A l’époque, c’était tellement peu développé que le marché était plutôt un souk. Il y avait un seul produit d’entretien pour toute la maison !

MLBT : Et si tu devais donner un conseil à une femme qui décide de s’installer au Laos ?

Marie-Hélène : Si une femme vient en couple, avec son mari qui est expatrié par exemple, il faut qu’elle trouve quelque chose à faire pour s’occuper. Pour les familles, il faut aussi savoir qu’il n’y a pas d’école française à Luang Prabang. Ça c’est un vrai problème. Par exemple, ma fille qui avait 12 ans allait à l’école à Vientiane, elle était en immersion totale dans une famille Laotienne dès son arrivée. Ça a été très difficile. Pour faire des études supérieures il faut trouver une faculté dans un autre pays comme par exemple à Singapour, en Thaïlande ou revenir en France. Mais la réadaptation pour les enfants est difficile après la vie plutôt agréable qu’ils ont eue a Vientiane.

MLBT : Si une de tes amies t’appelle et te dit qu’elle veut s’installer au Laos, tu lui dis quoi ?

Marie-Hélène : Je lui dirai de prendre ses précautions, de bien préparer son voyage. Qu’elle ne vienne pas du jour au lendemain comme ça, qu’elle se prépare son départ. Par exemple, pour quelqu’un qui vient sans boulot, il faut au moins avoir des économies pour pouvoir vivre pendant 6 mois. Il faut aussi se renseigner sur la sécurité sociale et pour la retraite, c’est un budget à prévoir.

MLBT : Comment bien se préparer quand on vient au Laos ?Entreprendre en Asie - Laos - Villa Maly

Marie-Hélène : Déjà, la première chose serait de faire une analyse médicale complète et ne pas venir si on a des problèmes médicaux. Il faut absolument partir en gardant en tête qu’il faut trouver une occupation, surtout à Luang Prabang, et se renseigner sur le site de l’ambassade. Pour rencontrer des gens, le point de rencontre : le centre culturel ou « Maison Desproges ». C’est un moyen de se rassembler, lors des visites consulaire par exemple, et d’avoir accès aux informations importantes.

Le Laos s’adresse à des gens qui sont aventuriers. C’est très important, on ne va pas au Laos comme on va à New-York ou en Espagne. On arrive dans une civilisation complètement différente avec une langue qu’on ne comprend pas, une écriture qui n’est pas la nôtre, la nourriture n’est pas la même, les habitudes ne sont pas les mêmes. Il faut être débrouillard et patient, il faut savoir se passer de tout un tas de choses. Le Laos, soit on s’y fait, soit on s’en va.

Il faut aussi savoir que les Laotiens vivent avec des codes. Tout est très hiérarchisé, le style vestimentaire notamment. Grâce à cela on peut tout de suite savoir à quel groupe ils appartiennent. Un autre code, il faut savoir que la personne âgée à toujours raison, il faut la respecter. Ici, il faut donner et montrer qu’on donne. C’est une culture très ostentatoire. C’est très important de montrer qu’on a de l’argent, car c’est malheureusement ce qui compte énormément pour la majorité des gens d’ici.

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MLBT : Est-ce qu’il est facileEntreprendre en Asie - Laos - Villa Maly pour un expatrié de s’intégrer ?

Marie-Hélène : C’est très facile. Beaucoup de laotiens se souviennent du protectorat français, il y a une certaine reconnaissance. En plus, il reste des traces des français et c’est quelque chose de rassurant.

Par contre, il faut aussi se rendre compte qu’on est dans un pays tropical, il y a donc des animaux tropicaux. Si on a peur du moindre geiko ou margouillat qui passe, ce n’est pas la peine de venir ici.

Au niveau des pharmacies on a de la chance car on trouve tout ce dont on a besoin à Luang Prabang et ce en vente libre, pas besoin d’ordonnance pour avoir ses antibiotiques…

Par contre, attention à la corruption et au respect des lois: parlons du code de la route. Si tu respectes ton code tu es mort, il faut suivre le mouvement et surtout anticiper et prévoir les bêtises que vont faire les autres. Il est très difficile de trouver un bon avocat. Et ce qui est génial, c’est que je n’ai pas du tout le sentiment d’insécurité ici, on n’a vraiment pas grand-chose à craindre.

MLBT : Si c’était à refaire ?

Marie-Hélène : Oui, je pense que je le referai surtout parce qu’il y a la dimension humanitaire. Depuis que je suis là, je me suis aperçue que je pouvais faire a petite échelle quelque chose pour les enfants des villages très pauvres. Mon mari et moi essayons avec des associations de réfugies d’aider a la construction d’écoles dans les villages pauvres qui n’intéressent personne… Ça me booste vraiment, le sentiment de pouvoir aider, c’est très important pour moi !

     Maxence Pezzetta

Alain Dahout : A la tête de 9 entreprises!

Alain est arrivé en 1997 et a monté plus de 9 entreprises ! Il est désormais bien installé au Laos et a accepté de nous raconter son parcours. L’interview a duré près de 3h et Alain nous a fait partager son expérience, aussi bien culturelle que professionnelle.Entreprendre en Asie - Laos - Apple Tree - Alain Dahout

My Little Big Trip : Comment es-tu arrivé au Laos ?

Alain Dahout : Pour être honnête avec vous, je faisais partie des gens qui en avaient marre de la France. C’était en 1995, à l’époque Alain Juppé se lançait dans une relève de la France et là… toute la France part manifester et crie au scandale. Avec la réaction de la population, j’avais l’impression qu’on ne pourrait pas progresser, qu’on ne s’en sortirait pas. Un manifestant de Toulouse passait à la télévision avec une pancarte où il était indiqué « Juppé, du soleil ! ». Et j’ai eu déclic ! Je me suis rendu compte que le peuple français exigeait trop de son gouvernement.

Vu de ma fenêtre, si j’avais un conseil à donner aux Français ce serait :

« Il faut entreprendre dans tous les domaines et arrêter de se morfondre. Il faut savoir qu’aujourd’hui, la France n’a jamais été aussi riche de toute son histoire !! Une personne sur deux est propriétaire de son logement! En plus de cet accès au patrimoine, les français ont accès à l’éducation et à la santé. C’est une chance exceptionnelle. Et maintenant, à la place de rester sur ses acquis, il faut continuer d’avancer et faire évoluer le pays car le monde bouge. »

Entreprendre en Asie - Laos - Apple Tree - Alain DahoutAvant cela j’avais monté deux entreprises en France. Pour reprendre depuis le début, j’ai travaillé dans l’armée française pendant 17 ans. J’ai décidé de démissionné en 1991. L’Union Soviétique avait disparue et, pour moi, ma présence n’avait plus de raison d’être. C’est à ce moment que j’ai décidé d’entreprendre. Je me suis lancé dans le tourisme vert.

MLBT : C’était novateur comme idée !

Alain : Tout à fait, j’étais le premier ! J’ai pris mon solde tout compte à l’armée et j’ai investis. J’’ai acheté une propriété dans le Lot et Garonne. Je l’ai transformée en auberge, club hippique et piscine que j’ai appelé « Le domaine de Gravaudin ». Il y avait près de 80 couchages. J’ai fait ça de 1991 à 1997 mais ça n’a pas fonctionné.

MLBT : Pourquoi ?

Alain : Je ne sais pas trop, c’était probablement trop novateur comme idée. Le domaine existe toujours aujourd’hui. J’avais revendu l’affaire etEntreprendre en Asie - Laos - Apple Tree - Alain Dahout l’associé qui l’a repris est toujours dans la course. Avec ce que j’ai récupéré j’ai lancé une entreprise de sécurité. Je faisais des audits tous les jours sur un territoire très large. « Back to basics » comme on dit. Je faisais de la sécurité à l’armée et je me relançais là-dedans.

MLBT : C’est à ce moment que tu as eu ton déclic ?

Alain : Dans la période oui. En 1995, je voulais partir. Mais où ? J’avais plusieurs options. Soit je choisissais la tranquillité avec un pays proche de ce que je connaissais comme l’Australie ou le Canada. Soit je choisissais l’aventure… Vous savez déjà le choix que j’ai fait :grin: .

MLBT : Mais pourquoi le Laos ? Tu aurais pu aller en Amérique Latine, en Chine, au Japon.

Alain : J’avais soif de changement. Je me suis donc très rapidement dirigé vers l’option « aventure ». J’avais donc l’Afrique, mais je n’avais pas de bonnes raisons d’y aller, ou l’Asie. Fin 1995, je commence à me promener en Asie. Je voulais aller au Vietnam en souvenir de l’Indochine française, sauf qu’en 1995, le Vietnam ferme ses frontières. On m’a dit que, puisque je ne connaissais rien à l’Asie, il valait mieux que j’aille en Thaïlande. J’y suis allé et je n’ai pas accroché. Par contre, j’ai rencontré un mec qui mariait sa fille à Vientiane et qui m’a invité au mariage. Et c’est là où j’ai eu le coup de cœur ! Au bout de 4h je décide que je veux tenter l’expérience, c’est confirmé au bout de 4 jours.

MLBT : Tu as emménagé au bout de 4 jours ???

Alain : Non, j’ai mis deux bonnes années avant d’arriver au Laos. Je suis arrivé le 4 janvier 1997. Je ne voulais pas commencer à entreprendre dans un pays où je venais seulement d’arriver. Je voulais trouver un travail dans un premier temps. J’ai trouvé un job dans le tourisme, il fallait que j’ouvre un lodge, c’était un CDD. Fin 1999, le lodge ouvre et je termine mon contrat. Entre temps j’avais rencontré une Laotienne avec qui je décide de conEntreprendre en Asie - Laos - Apple Tree - Alain Dahouttinuer ma vie. Je me suis remis à la recherche d’un travail et c’est là que j’ai eu une opportunité de business.

MLBT : De quoi s’agissait-il ?

Alain : J’ai rencontré un laotien qui avait une licence de tourisme et qui avait besoin de quelqu’un pour faire vivre sa licence. Je me suis lancé parce que j’avais déjà eu deux expériences de tourisme, en France et au Laos. En fait, le vrai problème du tourisme c’est de trouver des clients. Je me mets donc en quête de partenaire marketing. Je finis par rentrer en contact avec les frères Merlin qui dirigent Exotissimo. Ils avaient une agence de tourisme spécialisée dans l’Indochine. Le contact passe très bien, ils n’avaient pas de business au Laos. En 2 jours nous avions conclu un accord.

MLBT : C’est rapide ! Quelle était ta stratégie ?Entreprendre en Asie - Laos - Apple Tree - Alain Dahout

Alain : Oui, tout va très vite ici. Nous avions basé notre stratégie sur la qualité et sur la valeur ajoutée. On vend ce qu’on connait en étant meilleur que les concurrents. On est plus cher mais avec une vraie valeur ajoutée. L’hôtel était haut de gamme et en plus de cela, on a ouvert une librairie en mettant du budget dans la forme. Avec le temps on a monté tout un tas de différents business.

MLBT : Peux-tu nous parler de la culture Laotienne ?

Alain : Déjà, pour monter une entreprise en Asie, il faut obligatoirement trouver un bon partenaire ou un époux/se. Sinon, il y aura trop de différences culturelles.

MLBT : As-tu des exemples ?

Entreprendre en Asie - Laos - Apple Tree - Alain DahoutAlain : Par exemple, les Laotiens sont très rancuniers. Nous on est direct et francs, on ne tourne pas autour du pot. On se dit ce qu’on a à se dire et on passe à autre chose. Eux non, ils sont dans le non-dit et n’oublieront jamais si tu t’es raté, ne serait-ce qu’une fois.

Ils n’ont pas de formation, ça donne parfois des manières de penser qui peuvent paraitre irrationnelles pour nous. Par exemple, je cherchais des chaises d’un modèle spécifique. Je trouve le modèle que je veux chez un artisan et je demande le prix. Il me dit 35$. Je lui demande combien ça fait si j’en commande 10, il me répond 50$ fois 10 soit 500$. Je ne comprends pas. Il m’explique que là, dans son magasin, il a une chaise donc qu’elle est disponible. Si j’en prends 10, il dois les faire, ça prend du temps et de l’énergie donc ça coute plus cher :shock:

MLBT : C’est vrai que c’est très étonnant pour nous.

Alain : Ici, le développement individuel par le travail n’existe pas, ça ne les intéresse pas. Ce n’est pas de la fainéantise, c’est simplement que ça ne fait pas parti de leurs centres d’intérêts. La très jeune génération, celle des moins de 20 ans, est très envieuse donc Entreprendre en Asie - Laos - Apple Tree - Alain Dahoutça va peut-être évoluer. Mais, aujourd’hui, ils ne font pas le lien entre effort personnel et récompense, entre le « plus je fais, plus j’obtiens ». Et tout ça est renforcé par le gouvernement communiste qui limite au maximum l’initiative personnelle.

MLBT : Pourquoi venir au Laos plutôt que dans les pays voisins ?

Alain : Sur le plan économique, il n’y en a pas. Sauf peut-être le fait que le marché est de seulement 5 millions d’habitants, du coup il y a moins de concurrence. Pour moi, il faut venir au Laos pour des raisons de développement personnel. Je m’explique. Aujourd’hui en Thaïlande, au Vietnam et au Cambodge, ils savent tout faire. Au Laos, j’ai le sentiment de servir à quelque chose. Ici, on participe vraiment développement individuel. On embauche des gens avec peu de compétences qui deviennent de plus en plus compétents, qui évoluent. Par exemple, on a des chauffeurs qui sont devenus chefs de département. Au niveau du gouvernement, on est consulté au niveau du tourisme national.

MLBT : On a remarqué qu’il y avait beaucoup plus de filles qui étaient employées dans les entreprises en règle générale. Pourquoi ?

Entreprendre en Asie - Laos - Apple Tree - Alain DahoutAlain : Il y a de grosses différences sociologiques entre les hommes et les femmes. Ces différences sont complétement à l’avantage des femmes. Elles sont plus courageuses, plus intelligentes, et veulent apprendre et se développer. Au Laos, tous les business sont tenus par des femmes. Elles cherchent la sécurité, elles veulent éduquer leurs enfants et protéger leur famille. Pour elle, la réussite matérielle est donc très importante. En plus de tout cela, elles sont gentilles, ont le sens de l’hospitalité et sont beaucoup plus réglo que les hommes. Elles sont plus conscientes de l’enjeu si elles ne sont pas réglo.

MLBT : Est-ce que la culture Bouddhiste participe à cela ?

Alain : Peut-être. Dans la culture Bouddhiste, il n’y a pas la culture du péché comme on l’a dans le catholicisme par exemple. Chacun doit trouver sa voie, il n’y a pas de voie générale avec des notions du bien et du mal comme chez nous. Personne n’a tort ou raison. Il n’y a pas de notion de conflit car le conflit, c’est quelqu’un qui veut avoir raison sur l’autre. Le conflit est la source des problèmes. Ici si tu engueules quelqu’un tu es contre-productif.

MLBT : Est-ce que tu as un conseil à donner à des gens qui souhaiteraient venir s’implanter ici ?Entreprendre en Asie - Laos - Apple Tree - Alain Dahout

Alain : D’abord, il faut savoir s’adapter. Depuis quelques temps j’ai décidé de travailler 4h par jour parce qu’à chaque fois, ça donne 8h de travail à quelqu’un ici. Des choses qu’on ferait en France en 10 min, on met 3 semaines à les faire ici. Il faut mettre un peu d’eau dans son vin. La deuxième chose c’est de se demander si oui ou non on progresse. Parce que, finalement, on ne va pas à la « bonne vitesse » mais on va sur le bon chemin. Est-ce qu’on doit toujours aller si vite ? La performance n’est pas un objectif ultime, c’est un moyen de lutter contre les autres. Pour moi l’entrepreneuriat est une démarche humaine et économique. Tout dépend quel est ton but dans la vie. Le mien est de « planter des graines et les regarder grandir ». J’ai l’impression que c’est ce que je fais ici.

        Maxence Pezzetta

Bernard: A la tête de 3 business!

Nous rencontrons Bernard Pricco à La Terrasse de son restaurant. Il est 10h du matin et le restaurant est en pleins préparatifs pour gérer au mieux l’affluence du midi. Ce Français d’origine Laotienne a choisi de revenir au pays pour monter son affaire, il est aujourd’hui à la tête de 3 business en plein cœur de la capitale Laotienne.

My Little Big Trip : Bonjour Bernard, peux-tu nous faire partager ton histoire ? Pourquoi as-tu choisi de revenir t’implanter au Laos ?

Bernard Pricco : Pour commencer, il faut savoir que je suis Franco-Lao. Mon grand-père était français, il s’est installé à Vientiane avec ma grand-mère, une laotienne. En ce qui me concerne, je suis arrivé en France en 1977, j’avais 10 ans. A ce moment-là, mon père travaillait à l’ambassade, il y a eu un changement de gouvernement et l’ambassade a fermée. En 1988, mes parents sont revenus au Laos. Mon père avait toujours vécu au Laos, il voulait absolument y retourner pour reprendre ses activités.

Quant à moi, j’ai savouré la vie en France environ 16 ans et j’y ai fait mes études et je suis revenu pour la première fois au Laos en 1990.

MLBT : Qu’as-tu ressenti quand tu as redécouvert ton pays d’origine ?

Bernard : J’ai été frappé par la qualité de vie ! Elle était beaucoup moins stressante, tout le monde avait le sourire. Je suis resté 6 semaines et ça m’a tellement plu que je suis revenu en 1991. A ce moment là mon père m’a proposé de travailler avec lui dans son garage.

MLBT : Tu as accepté ? Pourquoi est-ce que tu as décidé de franchir le pas ?

Bernard : J’en avais assez de l’armée et de ma hiérarchie. Il y a aussi eu l’aspect émotionnel. Le fait de retrouver ma famille a beaucoup joué. J’ai donc quitté définitivement la France en 1993, soit deux ans plus tard. Quand je suis arrivé j’ai ouvert un magasin de pièces détachées en collaboration avec mon père qui avait un garage. Ça a tout de suite bien fonctionné, notamment auprès des ONG qui avaient besoin de nos services pour l’entretien de leurs 4×4 avant de repartir en mission.

MLBT : On est bien loin du restaurant. Que s’est-il passé ?

Bernard : Très rapidement, j’en ai eu assez de la mécanique, je voulais faire du commerce, je voulais travailler dans le relationnel. J’ai lancé un snack, « Le petit panda ». C’était un nouveau concept parce que personne ne vendait de frites, hot-dog etc. Malheureusement, le snack était un peu excentré, il n’était pas très loin de l’école française Auffay. Le but était que mon snack devienne la cantine des enfants de l’école Auffay mais c’est vite devenu un snack ouvert à tous. Je l’ai fait pendant 2 ans. Ensuite, les touristes sont arrivés et je me suis rendu compte qu’ils restaient beaucoup dans le centre de la ville.

J’ai donc lancé « La terrasse » en 1996, un restaurant français dont le but était de faire en sorte qu’il devienne la cantine des expat de l’école Auffay. Ça a très bien marché ! Aujourd’hui, on a encore 70% d’expat’, notamment pendant le service du midi. On a mis en place un menu différent tous les jours avec entrée, plat, dessert.

MLBT : J’imagine que tu as embauché des personnes ? Comment ça se passe ?

Bernard : Au début il n’y avait que moi et ma femme et ensuite on a embauché. On a dû former le personnel parce qu’il n’y a pas d’école hôtelière. C’est le restaurant qui est l’école hôtelière, c’est à nous de faire le travail. Et ça vaut le coup d’investir du temps puisque depuis le début nous avons les mêmes employés.

MLBT : Est-ce qu’il y a une distinction entre la vie perso et pro ? En effet, on a constaté que dans les pays voisins tout était mélangé.

Bernard : Les salariés se confient pour des gros soucis comme les soucis de santé ou encore les décès mais pour les soucis personnels, pas du tout. Vous savez, les Lao sont très fiers, ils ne veulent surtout pas perdre la face. Si vous les humiliez, ils peuvent partir du jour au lendemain.

MLBT : Qu’entends-tu par humilier ?

Bernard : Il ne faut surtout pas leur crier dessus! Il faut garder son calme. A la limite, même si tu ne dis rien, il va comprendre. Si tu es froid avec lui le lendemain, il saura que c’est parce qu’il a fait une erreurla veille. Si tu veux être direct avec eux, il faut les prendre à part et leur expliquer calmement. Si tu te mets à crier, ils vont considérer que tu es irrespectueux. Pourquoi crier ? Tu n’as pas appris à te tenir ? Moi, en plus, je travaille dans une ambiance très familiale. Je travaille avec beaucoup de cousins, oncles, tantes etc.

MLBT : Est-ce que tu as d’autres business ?

Bernard : Oui, je suis associé à 50% à la boulangerie Le Banneton que j’ai créée avec Cédric. Je suis également importateur de vins de France. Je les vends dans les restaurants et je fais aussi du dépôt vente dans les mini-mart. Ce sont des bouteilles qui sont vendues entre 10 et 17 euros. Et bien sûr, j’ai aussi une cave.

MLBT : Au niveau administratif, comment ça se passe ?

Bernard : C’est devenu très simple, au début il fallait un associé, maintenant c’est faisable plus facilement. Il suffit d’aller à la Chambre de Commerce et de déposer son projet. Il y a également des taxes à payer, notamment la TVA qui est à 10% mais, honnêtement, ce n’est pas énorme.

MLBT : Et au niveau des loyers ?

Bernard : Les loyers ne sont pas donnés. Les prix sont très chers et le sont d’autant plus si le commerce ou l’appartement est aménagé.

MLBT : Quels sont selon toi les points positifs et négatifs concernant entrepreneuriat au Laos ?

Bernard : Déjà, il faut savoir que l’expatrié est très bien accepté au Laos. Après, il y a tout de même un stress quotidien, il faut réussir à supporter la chaleur et le fait que le personnel ne soit pas très bien formé. Tout cela peut jouer sur les nerfs. Je connais des gens qui ont fermés parce qu’ils n’arrivaient pas à gérer leur personnel. Il faut se mettre au même niveau qu’eux sinon ça ne marche pas.

MLBT : Quels sont les secteurs porteurs au Laos ?

Bernard : Surtout l’agriculture ! Par exemple, je suis actuellement à la recherche d’un agriculteur agronome pour un projet de maraichage. Je fais de la salade organique et je voudrais m’agrandir. Ensuite, ça peut aussi être intéressant de monter un restaurant, un hôtel ou un pressing. Globalement dans le tourisme ça marche bien. Ça pourrait aussi être intéressant de promouvoir le tourisme au Laos en y montant une école hôtelière.

     Maxence Pezzetta