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Interview de Laurent Severac

Laurent Séverac est notre première interview au Vietnam. Il nous reçoit dans sa grande maison qui est aussi son espace de travail. Le rez-de-chaussée contient une table sur laquelle des centaines de flacons en tous genre contiennent les produits finis de son travail : huiles essentielles, liqueurs, vinaigres, épices… A l’étage se trouve les substances à l’état brut.

Il nous informe tout de suite qu’il n’a pas l’habitude de donner de son temps pour faire de la communication, mais nous avons été envoyés par son bon ami Dominique (rencontré plus tôt au Cambodge). Il prend le temps de nous recevoir. A l’inverse des autres interviews, il sera difficile de retranscrire l’interview en direct. Laurent Séverac est un personnage! Il nous a parlé de tout un tas de sujets, dans tous les sens et pendant 3 heures. Il a passé sa vie à travailler sur les huiles essentielles. Aujourd’hui, il a tout un tas d’activités différentes. Il se décrit comme un solitaire, il mange 90% végétarien. Il est fidèle à ses principes et ça se ressent dans ses produits, dans ses méthodes de travail, dans le choix de ses partenaires. Il travaille avec les mêmes personnes depuis 20 ans dans le cadre de son entreprise.

Il a créé la société Aromasia en 1993, il fournit notamment des huiles essentielles et extraits naturels auprès des parfumeurs de Grasse, France. Bon à savoir, trois de ses huiles essentilles sont présentes dans des parfums américains : Tommy Hilfiger, Calvin Klein et Estée Lauder. Il crée des parfums d’ambiance et de signatures olfactives personnalisées et commercialise un diffuseur d’huiles essentielles au Vietnam. A cela s’ajoute les liqueurs « Alcool Séverac » qui sont des liqueurs 100% naturelles. Enfin, toujours dans le 100% naturel, il a créé une gamme d’épices en partenariat avec Didier Corlou.

A la question : « comment es-tu arrivé au Vietnam? », il nous répond que c’est un peu par hasard mais pas tout à fait. Il voulait voyager, il est parti en Malaisie et en Chine. Il voulait faire un pays communiste, s’en est allé au Vietnam en passant par le Laos. « J’ai eu un méga coup de cœur à Vientiane. Il n’y avait pas de voiture dans les rues, rien. C’était vide. Il n’y avait pas de bar, pas de boite de nuit, peu d’activités économiques. » Après quelques temps au Laos à travailler dans le bois et à faire ses recherches sur les huiles, il a une opportunité dans les huiles essentielles. Il faut qu’il aille au Vietnam. Aujourd’hui, s’il est toujours au Vietnam, c’est parce que c’est le pays qu’il connait qui combine le mieux richesse naturelle aromatique et potentiel humain, scientifiques, agronomes, collecteurs, paysans,  ferronnier pour faire les alambics, exportation facile,…. le tout à prix encore compétitifs).

Son ambition, adopter les techniques de la biodynamie aux plantes médicinales (pour créer une ligne de tisanes) et composer le plus grand parfum naturel de la planète! Il ne travaille qu’avec des produits 100% naturels : « Je veux appliquer les techniques de biodynamie appliquée aux vins sur notre plantation de 12 hectares……. Parce que quand tu fais un gingembre dans une terre de merde et que tu mets de l’engrais, des pesticides,  tu fais un gingembre de merde. Et dans ce cas le gingembre il ne te fait rien du tout (ou presque)».

Vous l’aurez compris, Laurent ne mâche pas ses mots, il nous parle de son travail et du travail au Vietnam :

« MLBT : Dans le boulot, comment ça se passe avec les vietnamiens ? »

L.Severac: Le gouvernement actuel a de gros problèmes de crédibilité économique et de gestion des deniers publics comme jamais. Et ça se ressent dans les relations de travail.. Forcément, si le gouvernement ne donne pas le bon exemple, le monde des affaires n’a plus ou peu de scrupules….

On doit absolument créer des relations de confiance avec ces partenaires viet’s,  basé sur le respect mutuel des traditions, l’apport d’une ou de plusieurs techniques, d’un marché stable et d’une fierté d’un travail valorisant la personne. Loin de l’argent, des karaokés, du blingbling, vous sélectionnerez des collaborateurs vietnamiens de grande valeur, fidèles, durs à la tâche, protecteurs. Les vietnamiens respectent la longueur du temps qui donne de la consistance aux choses. Ceux qui n’aiment que l’argent n’aiment pas le long terme…mais attention, ça demande de votre part beaucoup d’abnégation et d’exemplarité. Ce sont des durs, et il faut donc être dur à la souffrance et au travail.

Au Vietnam c’est un combat de tous les jours, beaucoup nous prennent pour le poulet blanc, gras à plumer ;  il faut être comme le grand Marcel Cerdan, gentil, de la classe, un grand cœur mais du punch et une bonne droite pour se faire respecter.

Depuis la crise, les fournisseurs ont presque tous tendances à tricher sur la qualité pour conserver le contrat au prix fixé, c’est pénible et fatiguant, on doit tout recontrôler.

J’ai eu l’idée de créer avec 8 autres amis français une association de reforestation en 1998 « Hoan Kiem » pour la reforestation de 83 hectares à 100km nord de Hanoi, pour le financement de 100 cages à poisson, de 2 hectares de plantes maraichères pour la production de graines, pour la fourniture de 30 ruches,… tout ça pour dire que je suis quelqu’un qui fait des choses et non pas quelqu’un qui « parle » et nous n’avons jamais communiqué sur cela.

J’aime bien les vietnamiens et leur dure histoire d’indépendance. Ils ont montré un courage pratiquement unique sur une longue période mais en ce moment il y a une mauvaise ambiance dans le pays au niveau économique, ça changera : mais ça permet de sélectionner  les fournisseurs, les clients, voire les copains (également des français bretons qui m’ont court-circuité pour une poignée de dongs, les misérables, les malheureux

MLBT : Qu’est-ce qui a créé ça ?

L.Severac : Ce qui a créé ça c’est la crise économique ! Ils veulent absolument signer le contrat donc ils acceptent et après ils calculent en économisant sur la matière ou la finition des produits. Mais on arrive tout de même à conserver de bons fournisseurs, il faut simplement être un peu plus présen.

MLBT : Mais ils arrivent à fidéliser les clients ?

Séverac : Non, la plupart du temps, ils s’en foutent, ils pensent que les clients sont intarissables ! Après ils demandent à quelqu’un d’autre ! Il y a tellement de gens prêts à acheter qu’ils y arrivent. Moi quand ils exagèrent je leur dis ! Je ne prends pas la marchandise et je ne les paye pas. Mais après tu ne t’en sors plus car tu as payé des avances ! Tu ne peux pas être zen ici. Si t’es zen, ils pensent que tu es un imbécile ! Moi, les gens en qui j’ai confiance, je travaille avec eux depuis des années car ils ont aussi confiance en moi. C’est mutuel.

Le problème c’est qu’ici il n’y a pas d’administratif. Si ça ne rapporte pas d’argent ce n’est pas important. Pourtant il faut des postes qui ne rapportent pas d’argent, c’est l’état qui prend ça en charge normalement. Du coup l’administratif ici ne bosse même pas.

MLBT : Mais du coup, il faut être malhonnête pour gagner de l’argent ?

Séverac : Non, il ne faut pas être malhonnête…. Vous aimez le chocolat ?

S’ensuit une présentation de chocolat naturel qu’il a fait lui-même et qui est, soit-dit en passant, délicieux. Le chocolat est fait à 70% de cacao et 100% naturel. « Personne n’a jamais fait de chocolat comme ça ! » Nous dit Séverac avec son ton de révolutionnaire. Ce qu’il veut avant tout, c’est faire des produits de qualité. Il regrette que la plupart des gens ne se nourrissent que de nourriture industrielle, grasse et aromatisée aux produits chimiques. Il nous raconte qu’il y a de cela 20 ans, son kiné l’a averti qu’il aurait sans doute beaucoup d’arthrite. Il a choisi de devenir presque végétarien et de se nourrir à 80% de fruits et légumes. « Je pratique également les jeûnes complets 4 fois par an pour nettoyer la machine et mieux apprécier les nourritures saines et vins biodynamique !! » Résultat ? Il est propre comme un sou neuf. Nous passons encore une bonne heure à parler des nouvelles techniques d’agricultures et des produits biologiques et naturels. En partant, il nous offre une liqueur de framboise qu’il nous avait fait gouter dans l’après-midi ! « 

     Maxence Pezzetta 

Category: Entrepreneurs  Comments off

Il est chef de deux restaurants à Hanoï!

Suite aux conseils avisés de Paul, nous partons à la rencontre de Benjamin Rascalou. Il a monté un restaurant gastronomique français reconnu à Hanoï et s’étend pour monter plusieurs business. Nous réalisons l’interview dans le restaurant, La Badiane qu’il a monté avec deux associés.

My Little Big Trip : Peux-tu nous raconter comment tu en es arrivé à monter ton restaurant au Vietnam ?

Benjamin Rascalou : C’était il y a 10 ans. Je bossais à Paris la Défense, j’avais 21 ans. J’étais cuisinier. Un jour, je consultais le quotidien gratuit « Métro » et il y avait une annonce pour partir au Vietnam. A l’époque, je travaillais depuis 8 ans et j’avais déjà un grade en cuisine. Je ne connaissais pas Hanoï, j’étais curieux du monde et j’ai eu cette opportunité avec le programme Mobil’Asie de l’ANPE. Je m’étais arrangé avec mon patron pour partir à Hanoï pendant 6 mois et récupérer mon poste par la suite. A la fin des 6 mois je suis revenu en France, j’ai tenu 3 mois et je suis reparti.

MLBT : Comment s’est passée ton arrivée à Hanoï ?

Ben : Les trois premiers mois, je ne me sentais pas en phase. La différence culturelle était trop forte. Au bout de 6 mois, je parlais un peu vietnamien et j’avais des potes vietnamiens. J’avais aussi bossé en cuisine avec des vietnamiens qui venaient de la campagne. Ils étaient gentils et bossaient vraiment bien. J’ai pris une grosse claque. C’est ce que je recherchais dans l’expatriation ! Je voulais voir ce dont j’étais capable tout seul. Je me suis dit, achète ton billet, au pire, si ça ne marche pas tu reviens. En plus, l’avantage du côté français, c’est que si tu as acheté ton billet, tu es sûr de monter dedans parce que tu ne voudras pas perdre d’argent :wink:

A l’époque j’étais jeune et je ne savais pas encore ce que je voulais. J’ai été touché par le pays. Quand tu viens là, tu te rends compte que tu n’es pas le nombril du monde. Donc, soit tu restes dans ta bulle, soit tu cherches autre chose. Ici, tu reprends conscience de tes priorités. Tu deviens moins matérialiste.

MLBT : Tu étais jeune avec peu de moyens, comment t’es-tu débrouillé ?

Ben : Quand je suis arrivé, je n’avais pas d’argent. Les 6 premiers mois étaient ric-rac mais j’étais quand même payé par Mobil’Asie. Pendant les trois mois où je suis resté en France, j’ai renfloué les caisses pour mieux repartir à l’étranger.

MLBT : Comment as-tu eu l’idée/l’opportunité de monter ton entreprise ?

Ben : Quand je suis revenu la deuxième fois, il y avait un mec qui voulait monter un restau et qui cherchait un chef. J’ai bossé pour lui pendant 6 ans. Et, en 2008, j’ai monté ce restaurant, la Badiane. Il y a moins d’un an, j’ai aussi ouvert Linh & Ben, un second restaurant.

MLBT : Est-ce qu’il y a des choses que tu as faites ici que tu n’aurais pas faites en France ?

Ben : C’est simple, tout ce que j’ai là, je ne l’aurais jamais eu en France. Ici, c’est à l’image du rêve américain, si tu as le potentiel et l’énergie et que tu veux vraiment faire des choses, c’est possible. Ici, les gens sont très accueillants, ils ont envie de travailler. Il ne faut pas avoir un comportement de colon et prétendre être plus intelligent que les autres, juste parce que tu connais certaines choses. Moi je n’aime pas suivre le système, je suis sorti du système français. Ici, ce que j’aime c’est que je manage ma vie pour moi-même, je ne vis pas pour une société.

MLBT : Quelle est ton image de la France ?

Ben : Ce qui m’embête, c’est que lorsque je regarde ce qu’il se passe sur TV5, j’ai parfois l’impression que les français sont dans une bulle et j’ai l’impression qu’ils ne sont pas heureux… Ils n’ont pas les pieds sur terre. La priorité n’est pas d’avoir le dernier Ipod ou Ipad par peur d’être à la ramasse. L’Asie ça bouge, ici, ils cherchent à s’en sortir. La France est immobile.

MLBT : Que veux-tu dire aux personnes qui hésitent ?

Ben : Le billet, tu peux te le payer, il suffit que tu économises sur les cigarettes et en quelques semaines tu l’as. Si tu ne sais pas quoi faire de ta vie ou des prochains mois, économise et prends un billet d’avion. Viens en tant que touriste dans un premier temps. Si tu penses rester, renseigne toi, pose les bonnes questions et surtout, met de l’eau dans ton vin par rapport à ce qu’on te dit ! Soyez optimistes, essayez de voir les choses différemment. Quand on gagne des choses, on est heureux et on arrive à faire beaucoup plus de choses, on se cultive.

Ce qui est cool c’est qu’à l’étranger, tu passes au-dessus des clichés. Moi, aujourd’hui, j’ai des connaissances que je n’aurais jamais rencontrées en France. Les barrières tombent quand tu es plus ouvert. C’est quand tu rentres en France, il y a un choc. C’est là que tu te rends compte que les gens ne bougent pas. Ils sont imperméables à tout ce qui se passe à l’étranger.

MLBT : Comment on peut motiver les gens à s’intéresser à tout ça ?

Ben : Essaye de suivre ce que t’as envie, ne te laisse pas influencer. Essaye de partir quand tu es jeune, que tu n’as pas de crédit et de famille. A celui qui hésite encore : Vas-y, sois courageux! Pose-toi des questions! Où veux-tu partir ? Pars, même si c’est près de chez toi! Tu peux partir au Maroc ou en Espagne, tu es à 1h30 ou 2h en avion. L’étranger n’est pas une fuite. Tu peux partir en te disant que t’as fait le tour de ta vie actuelle et que tu es bien. Si tu as envie de partir à l’étranger, organises-toi ! Donnes-toi les moyens ! Tu peux aussi organiser ton voyage pour dans 1 an ou deux ans.

Le bien-être qu’on a ici, on ne le retrouve pas en France. En plus, quand tu arrives à l’étranger et que tu commences à travailler, ton capital se construit, tu peux investir et monter des choses. Aujourd’hui, je fais ce que je veux et ce que j’aime. J’ai des potes qui viennent me voir, ils gagnent 5000 € par mois, ils ne se privent de rien mais n’auront jamais la qualité de vie que j’ai ici.

Partir, ça doit être un choix personnel. Quand tu réalises que tu n’es pas heureux quelques part, il faut prendre conscience que tu peux être heureux ailleurs. Dans le cas d’un mec qui bosse en France, dans la cuisine : Si t’es bosseur et que tu as du talent, est-ce que 1000€/mois ça te convient ? Sachant qu’il y a des gens, qui gagnent 25 000$/mois à Hong-Kong en Chine, en Asie etc. Si tu penses que tu vaux plus, tente ta chance ailleurs!

MLBT : Comment se traduit la différence culturelle dans le boulot ?

Ben : Il y a une grosse différence avec la France parce qu’en France, tu embauches des professionnels. Ici, tu embauches des étudiants. C’est important de s’intéresser à l’histoire du pays. Ici, si tu les encadres de la même manière qu’on t’a encadré, que tu les responsabilises et que tu leur donnes la même chose que ce qu’on t’a donné, ils travailleront très bien pour toi. Les employés sont à l’image des gens qui les managent. Il ne faut pas oublier qu’on ne leur a rien appris.

Pourquoi est-ce que je suis heureux ici ? J’essaye de considérer les gens, je me dis que j’ai de la chance d’avoir une super équipe. Je ne critique pas. Moi je suis ravi du travail des vietnamiens. Le fait de partir est un échange mais je ne vis pas comme un vietnamien, j’essaye de trouver mon équilibre.

Je ne comprends pas pourquoi les français et les vietnamiens ne se mélangent pas plus. Je ne comprends pas quel est l’intérêt de reproduire ici ce qu’on a en France. Ici, la qualité de vie permet de reproduire les plaisirs qu’on avait en France. Quand t’arrives de l’extérieur, tu n‘as pas les mêmes envies et centres d’intérêts au Vietnam qu’ailleurs.

MLBT : Mais ce n’est pas ça que tu viens chercher ?

Ben : Non, ce qu’on recherche, c’est de s’épanouir ! La question, c’est « comment je vais m’épanouir avec ce que j’ai ? » Et les vietnamiens, ils n’ont pas forcément les moyens de nous suivre. Moi je ne vis pas à la façon vietnamienne. Je garde un niveau de vie français.

MLBT : Pourquoi on dit que les vietnamiens sont des gens géniaux et qu’on vient pour eux et que, finalement, on reste qu’avec les expatriés ou même qu’avec les français ?

Ben : Je pense que c’est un problème de centre d’intérêts communs.

MLBT : Quel message tu donnerais à nos lecteurs ?

Ben : Je leur dirais : trouves toi !! Si à chaque fois tu penses que ce n’est pas pour toi, tu n’y arriveras jamais. Demande-toi ce que tu as à perdre. Si tu n’essayes pas, tu ne sauras jamais. Il faut se booster, rends toi compte qu’il y a un malaise. Une fois que tu as identifié le malaise, regarde MyLittleBigTrip.com (nous dit-il avec un air malicieux). En plus, si tu essayes et que ça ne marche pas, ça va te redonner l’envie d’être en France et de profiter de ta vie. Ça peut redonner des couleurs à ta vie en te disant que t’es content de retrouver ta maison ou ton appart’ et tes habitudes.

Je pense qu’il faut partager ! Être dans le partage, c’est très important. Mes potes, s’ils veulent partir, pas de problème, je les accueille. Mais il faut qu’ils prennent eux-mêmes leur billet d’avion. Je ne peux pas faire les démarches à leur place.

     Maxence Pezzetta

Il a monté sa franchise à Hanoi!

Nous rencontrons Paul Nicolas qui a monté depuis 1,5 ans : Papaya, une franchise de t-shirts au cœur de Hanoï. Il nous fait visiter sa boutique et nous partageons un moment de son quotidien pendant notre entretien.

My Little Big Trip : Comment en es-tu arrivé à monter ton entreprise au Vietnam ?

Paul: En 2004, j’ai une pote vietnamienne qui m’a proposé de passer l’été au Vietnam. A l’époque j’avais 21 ans, c’était la première fois que je sortais de l’Europe. J’ai visité tout le pays. Je suis rentré en France pour finir mes études puis je suis parti à Londres pendant 1 an.

Après ça, je suis revenu à Hanoï pendant 5 mois. J’avais 25 ans, j’ai beaucoup aimé la ville et je n’avais pas forcément envie de rester en France. J’ai trouvé Mobil’Asie, comme Marie, qui était en partenariat avec Pôle emploi international. Quand je suis arrivé au Vietnam je bossais dans le vin. C’était il y a 3 ans. J’ai travaillé un an chez eux, ensuite j’ai travaillé 1 an dans une boite comme Ikéa. Et depuis un an et demi, je tiens une franchise. Ce sont des français installé à Saigon depuis 5 ans qui ont lancé le concept de tee-shirts originaux. Ils s’appellent Papaya. Aujourd’hui, ils ont une dizaine de magasins.

MLBT : Comment ça s’est passé ?

Paul : J’étais dans le management de magasins et je dirigeais une équipe vietnamienne. J’avais un pote qui avait déjà une franchise mais je trouvais ça bizarre. Je ne comprenais pas bien comment ça fonctionnait. J’allais le voir tous les jours, je me suis rendu compte que son affaire marchait très bien. Il se trouve qu’il a merdé avec la franchise parce qu’il n’était pas très sérieux et son magasin a dû fermer. J’ai contacté le franchiseur en disant que j’étais intéressé. Il a accepté et j’ai ouvert le magasin.

MLBT : Et maintenant, comment ça se passe ?

Paul: J’ai eu 10 000 $ d’investissement qui correspondent au loyer du magasin pendant 1 an et une commande de 5000 tee-shirts. Maintenant je vends les marques Papaya et Northface. L’accord avec Northface concerne la vente de lots défectueux avec des défauts minimes mais qui ne pourraient pas être vendus sur le marché français. Du coup j’ai divisé le magasin en deux parties. La première vend les produits Papaya et la seconde vend les produits Northface. Dans cette deuxième marque je ne vends pas de t-shirts mais des blousons/vestes, donc pas de concurrence directe.

MLBT : Du coup, quelqu’un qui veut être à son compte mais qui n’a pas d’idée peut monter une franchise ?

P-N : Oui ! Moi ce qui m’a amené ici, c’est l’opportunité professionnelle que j’ai eu dans le vin. La France est loin et il faut un budget pour vivre. Le programme avec lequel je suis venu m’a permis de m’adapter au Vietnam.

MLBT : Qu’est-ce qui fait que tu te sens bien au Vietnam ?

Paul : C’est le charme du Vietnam qu’on ne trouve pas ailleurs en Asie. J’aime bien le choc culturel, la différence. Ils vivent de manière simple. Ici on sait que les gens en ont chié via leur histoire. Aujourd’hui leur vie est basée sur des valeurs primaires qui se sont perdues en France comme : manger, dormir, faire la fête, profiter de sa famille. Ils sont beaucoup dans l’entraide et sont très courageux. Ici, les enfants vont étudier à la fac de 7h à midi et enchainent avec le travail de 13h à 22h. Ils essayent vraiment de s’en sortir. S’ils se donnent autant c’est pour sortir de la pauvreté. Ils ne sont pas superficiels comme nous.

Autre chose: Ici, ils vivent tous dans la même maison. C’est quelque chose qui n’existe plus en France. La grand-mère s’occupe des petits-enfants et tout le monde mange ensemble de 3 à 90 ans, c’est intergénérationnel. Je trouve ça génial !

En France, notre génération se perd dans des trucs superflus. Je trouve que les nouvelles générations ne réalisent pas la chance qu’elles ont d’avoir le niveau scolaire français, l’accès aux soins. Et tout ça, on s’en rend compte quand on voyage dans des pays en voie de développement. Par exemple, ici les femmes enceintes sont deux par lit à l’hopital. Malgré tout, même s’ils ne sont pas bien, ils ne se plaignent pas. Ils attendent par terre aux urgences et restent calmes. En Europe, c’est gratuit et les gens n’arrêtent pas de râler, ils ne réalisent pas!

Ce que j’aime aussi ici c’est qu’ils ont une détermination, ils savent pourquoi ils sont là. J’admire vraiment cette détermination. On la retrouve beaucoup dans leurs études. Je connais une vietnamienne, elle est allée en France, elle a passé deux ans à Aix-en-Provence  et ensuite, elle a passé un diplôme à la Sorbonne en France et elle a enchainé par un diplôme d’ingénierie financière et tout ça en 5 ans !

MLBT : Comment ça se passe dans l’univers de l’entreprise ?

Paul : Le truc que j’ai découvert quand on a des employés… Déjà quand tu arrives au Vietnam, tu arrives dans un pays à 10 000 km de distance avec la France. Mais c’est surtout 10 000 kms de culture! Déjà, le management en France n’est pas simple, ici c’est encore pire ! Ici, il faut tout remettre dans le contexte, sans arrêt, et se mettre à la place des gens. Il faut garder en tête qu’il y a une raison à tout. Trouver la logique des gens et surtout, ne pas oublier l’histoire du pays. Il faut vraiment se mettre à la place des gens et comprendre leur logique. La première année, j’ai vraiment galéré car il fallait y aller avec du tact. Ce qui est bien avec le management à l’étranger c’est que tu acquiers des capacités d’adaptation et si tu reviens en France et que tu veux faire du management, tes compétences sont doublées et tes capacités d’adaptation, de remise en question et de patience aussi. Quand tu reviens en France, c’est beaucoup plus simple.

Au début, il est très difficile de comprendre la manière de penser des locaux. Il ne faut pas oublier que c’est toi qui arrive et que c’est toi qui dois t’adapter et non pas l’inverse. Il faut utiliser toutes les expériences négatives  pour avancer.

MLBT : Qu’est-ce que tu leur dirais aux gens qui hésitent à partir ?

Paul : Laissez-nous tranquilles, rester chez vous ! (rires). Je plaisante, plus sérieusement, je leur dirais : Allez-y les gars ! Commencez par vous éloignez de chez vous en vacances. Pas la peine d’aller à l’autre bout du monde. Prenez des vacances en Espagne ou en Europe de l’Est, c’est un bon début.

Un ami à Paul rentre dans le magasin. Il s’appelle Clément, il est français et voyage depuis plusieurs années, il ne peut s’empêcher d’ajouter un mot:

Clément : Pour moi, le voyage, c’est devenu une drogue. J’ai toujours eu envie de découvrir le monde. A mon avis, pour chaque année de voyage, tu gagnes trois ans d’expérience. Tu es obligé de te débrouiller, tu es livré à toi-même donc tu muris beaucoup plus vite. En Asie, le dépaysement est décuplé, tu vis des découvertes, des échanges, de la culture, de l’adrénaline, de la musique, de la peinture… Ça n’arrête jamais !

Paul: Pour revenir sur mon message, je dirais : Partez, vous avez tout à y gagner ! Au pire, vous reviendrez en France. C’est un choix à faire pour y gagner sous énormément d’aspects. Tu peux découvrir une culture, travailler avec des gens différents, avoir une forte capacité d’adaptation que tu acquiers au niveau professionnel et personnel !

     Maxence Pezzetta

Il a monté sa salle d’escalade à Hanoï!

Jean a décidé de monter son propre mur d’escalade, Vietclimb, à Hanoï, au Vietnam. Il est le premier à se lancer dans ce business. Il nous explique son histoire.

MLBT : Bonjour Jean, peux-tu nous expliquer pourquoi tu as décidé de t’implanter au Vietnam ?

Jean : Pour commencer, ma mère est vietnamienne, ma venue est donc liée à mes origines. J’ai fait l’ESC Rouen, puis j’ai pris 6 mois de vacances après avoir terminé mes études. Je suis arrivé à Hanoï et j’ai trouvé un petit job. Après les 6 mois, je suis revenu 6 mois en France et j’ai aussi passé 3 mois en Australie.

MLBT : Peux-tu nous parler un peu plus de la vie au Vietnam en tant qu’expatrié?

Jean : C’est un pays où la vie n’est pas chère. En ce qui me concerne, j’ai choisi de prendre tout de suite des cours de vietnamien. Ensuite, j’ai enchainé plusieurs jobs. J’ai travaillé à la mission économique  et j’ai trouvé un travail dans un cabinet d’architecture. Ensuite j’ai lancé mon entreprise.

MLBT : Ça fait combien de temps ?

Jean : Ça fait 1 an et demi qu’on est lancé mais ça faisait 1 an et demi que je travaillais pour trouver les fonds, l’emplacement, faire les travaux etc.

MLBT : Peux-tu nous expliquer le concept ?

Jean : Le principe est de faire un mur d’escalade pour tous. Je veux que ce soit adapté à toute la communauté de personnes qui font de l’escalade. Je suis le premier à faire ça à Hanoï. Ce n’est pas simple. Il faut savoir qu’au Vietnam, 80% des business ferment la 1ère année. L’idée est de faire un club indoor et toutes les semaines, on fait des sorties à l’extérieur pour ceux qui le souhaitent. Aujourd’hui, j’ai une centaine de membres.

MLBT : Quelles sont les difficultés que tu as rencontrées ?

Jean : J’ai eu un très gros investissement pour la construction et j’ai eu beaucoup de difficultés à louer une salle de ce format, du coup j’ai dû tout faire moi-même. Au niveau des financements, j’ai trouvé un investisseur. Ça faisait 5 ans que je vivais à Hanoï donc j’avais un peu de réseau et j’ai fait les bonnes rencontres. Je n’ai pas voulu faire de prêt à la banque car les taux sont à 10%.

MLBT : Tu as dû embaucher des gens ?

Jean : Oui bien sûr, j’ai embauché une personne pour manager et j’ai un peu de personnel pour la réception, les cours d’escalade etc.

MLBT : Au niveau de la culture, quels ont été les challenges que tu as rencontrés?

Jean : Je pense qu’il faut rester calme et ne pas être pressé. Il y a un gros décalage entre nos deux cultures et il est difficile à surmonter. Ici, les normes ne sont pas les mêmes qu’en France. Par exemple, pour former du personnel, ça prend énormément de temps. Si tu es quelqu’un de stressé, tu ne tiendras pas ici.

MLBT : Quel est l’avantage de s’installer à Hanoï plutôt qu’à Ho Chi Minh ?

Jean : Ici, c’est la capitale, c’est beaucoup plus simple d’avoir des relations avec les institutions, notamment le ministère des sports, dans mon cas. Je compte essayer de me développer à Ho Chi Minh un peu plus tard. Au sud, il y a plus de gens et plus de business mais ce n’est pas la même mentalité. Étant donné que j’avais déjà pas mal de connaissances au nord du Vietnam, c’est là que j’ai décidé de commencer.

Ici il n’y a pas beaucoup de monde qui monte sa boite. C’est super risqué et il y a une forte restriction légale au Vietnam. Quand tu es étranger, tu ne peux pas avoir de nom sur les papiers officiels donc si ça se passe mal, tu dois partir. Tout dépend des relations que tu entretiens avec tes investisseurs. Mais moi je suis protégé par mon activité car je ne peux pas être remplacé si facilement. Une entreprise d’escalade n’est pas un simple café. Leur priorité reste de protéger le marché vietnamien.

Mais si on veut rester objectif, il y a des pays où c’est beaucoup plus dur. Par exemple aux États-Unis. Là-bas c’est très compliqué d’avoir un visa quand tu es expat et tu dois investir 1 million de dollars si tu veux monter ta structure.

MLBT : Pourquoi avoir décidé de t’implanter à l’étranger ?

Jean : Déjà, je n’aurais jamais pu monter une salle d’escalade en France ! Il y a beaucoup trop de concurrence. Moi ce que j’aime c’est créer. Le management ça me lasse rapidement. Mon challenge est de m’agrandir et de me faire un nom au niveau national. Si je suis venu ici, c’est pour le côté innovant du concept dans la mesure où, au Vietnam, ça n’existe pas. Évidemment, si j’ai fait ma salle d’escalade, c’est aussi parce que j’adore grimper.

MLBT : Comment ça se passe quand on arrive à Hanoï pour se loger ?

Jean : Moi j’ai fait deux mois dans un hôtel, j’ai logé chez l’habitant et j’ai pris une coloc. Pour ceux qui arrivent, il y a un site qui s’appelle « The new hanoyan » qui est pas mal.

MLBT : Et pour tout ce qui est santé et retraite ?

Jean : Pour la santé tu prends une assurance privée, ça coute environs 1500$/an. Et pour la retraite, tu ouvres une boite et tu grandis. L’avantage quand tu montes ton entreprise c’est que tu es plus libre, tu as le contrôle. Au Vietnam, ça coûte moins cher qu’en France au niveau investissement. En France tu es beaucoup plus taxé.

MLBT : Quand est-ce que tu t’es dit que tu allais te lancer ?

Jean : Je me suis intéressé à tout ça quand je bossais à la mission économique. A ce moment-là, je travaillais sur « comment investir au Vietnam ? ». C’est là que j’ai constaté qu’il y avait de grosses différences entre la théorie et la pratique. Toutes les démarches prennent énormément de temps et il est très courant de devoir donner des enveloppes.

Mon avis, c’est qu’il est difficile d’investir dans tous les pays, pas uniquement au Vietnam.

MLBT : Quelles sont les choses qui te surprennent ?

Jean : Une fois que tu te rends compte que c’est l’anarchie, c’est bon, tu deviens plus serein.

MLBT : Quel conseil tu donnerais à une français qui veut qui veut monter son entreprise à l’étranger, plus particulièrement au Vietnam?

Jean : Monter son entreprise demande beaucoup d’efforts et d’heures de travail mais ça te récompense plus. Ça vaut le coup si on est intéressé par son projet, qu’on a la force et la motivation. Je dirais qu’il faut y aller et que les restrictions ne sont pas pires qu’ailleurs, elles sont simplement différentes. Après, il ne faut pas penser que c’est tout rose. L’entrepreneuriat, c’est une utopie. Moi, pendant 1 an et demi je n’ai pas été payé, je vivais sur mes économies et aujourd’hui, je suis à 1000$ par mois. Mais aujourd’hui, je pense qu’il y a plus d’opportunités d’emploi à l’international qu’en France, notamment dans l’informatique, l’hôtellerie et le luxe.

       Maxence Pezzetta

Il monte son club de fitness!

Nous rencontrons Mehdi Bennaoum de bon matin au centre de Hanoï. Il fait son arrivée, souriant, en costume et nous offre le café. Après nous avoir questionné sur le but de notre site, il accepte de répondre à nos questions.

My Little Big Trip : Bonjour Medhi, comment en es-tu arrivé à monter un business au Vietnam ?

Mehdi Bennaoum : Pour commencer, je suis né en Algérie. J’ai grandi et fait mes études en France.  Après des études de management hôtelier, j’ai fait un MBA aux Etats-Unis, à Los Angeles. Ce mode de vie était un peu trop pour moi. En clair, ma vie se résumait à bosser et aller à la salle de sport. Là-bas, tout est dans l’image. Par exemple, à Los Angeles, si tu roules en Mercedes, tu es considéré comme pauvre.

Après mon MBA, je suis revenu en France pendant 2-3 mois. Je ne trouvais que des boulots sous qualifiés et sous payés par rapport à mon niveau d’études. J’avais des propositions de jobs à 1500€ et les gens ne me croyaient pas quand je leur disais que j’avais un MBA. Pour le prix de mes études, ça ne valait pas le coup !

MLBT : C’est ça qui t’a décidé à partir ?

Mehdi : C’est à ce moment que le Sofitel Plaza de Hanoï m’a proposé de faire un stage en management. Un emploi à l’international me tentait énormément! Quatre jours plus tard, j’étais au Vietnam!

Inutile de vous préciser que ça m’a fait un gros choc après Beverly Hills. Avant d’arriver au Vietnam, je pensais vraiment que j’allais arriver dans la jungle. J’ai essayé de me renseigner sur internet, il n’y avait pas vraiment d’information.

MLBT : Qu’est-ce qui t’as marqué ?

Mehdi : D’abord, j’ai été très impressionné par le côté spontané des vietnamiens. Après, je me suis rendu compte que les gens ici sont très durs. Ici, les gens ne te doivent pas le respect, c’est toi qui dois gagner leur respect. En plus, il ne faut pas leur faire perdre la face. Ici, ce n’est pas parce que les gens sont payés qu’ils vont estimer devoir faire bien leur travail.

Ensuite, pour être franc avec vous, la première chose qui s’est passée quand je suis arrivé au Vietnam, c’est que j’ai rencontré ma femme. On travaillait et on vivait dans le même hôtel. Elle m’a énormément aidé pour trouver mes repères, communiquer avec les commerçants etc.

MLBT : Quelle est l’erreur classique que les expatriés font quand ils arrivent au Vietnam ?

Mehdi : Déjà, il faut savoir qu’il y a pleins de français qui s’en vont au bout de 6 mois parce qu’on essaye de nous piéger. L’erreur classique est de se faire avoir au moment où ils essayent de monter leur entreprise.

MLBT : Comment tu l’expliques ?

Mehdi : Ici, tu fais un contrat tout comme il faut en pensant que tu as la loi de ton côté et le Vietnamien te fais comprendre qu’il peut le déchirer en 1 seconde et qu’ensuite tu ne pourras plus rien faire. En plus, la justice ne parle ni français ni anglais ou très mal. Et puis, pour que les procédures aillent rapidement, il y a beaucoup de corruption. Il faut apprendre à gérer ça. C’est un vrai problème pour moi car je crois vraiment en l’éthique or, ici, les règles changent.

Autre chose, ici, tout est payant, pour aller à l’hôpital etc. Il y a un esprit très communautaire. La famille aide énormément, les valeurs familiales sont très présentes.

MLBT : Pourquoi as-tu choisi Hanoï ?

Mehdi : Toutes les connexions sont à Hanoï. En ce qui me concerne, 3 jours après mon arrivée, un vietnamien arrive dans l’hôtel dans lequel je travaillais avec deux filles. Il commande une bouteille de champagne et il me demande depuis combien de temps je suis là. Je lui explique, on commence à discuter et, après un moment, il me dit qu’il va s’occuper de moi. Il me demande de le rappeler le soir même et depuis, on est comme cul et chemise. Il m’a présenté tous les gens de la haute société et c’est comme ça que j’ai rencontré mon associé. J’ai eu beaucoup de chance. Il avait déjà pleins de business et c’est lui qui m’a formé. Ici tout fonctionne grâce au réseau, il faut vraiment être capable de se faire les bonnes connections.

Finalement, au Sofitel, ils ne m’ont pas proposé de job satisfaisant après mon contrat. J’ai travaillé un temps à l’Intercontinental mais je n’ai pas aimé la mentalité. Ensuite, je suis allé bosser dans un autre restaurant où c’était très difficile parce qu’on n’avait pas beaucoup de moyens. J’ai essayé de mettre en place des choses qui ont très bien fonctionnées dans un premier temps.

MLBT : Comment as-tu procédé ?

Mehdi : J’avais négocié des contrats avec des agences de voyages pour qu’elles fassent venir des clients chez nous et qu’ils paient 20$. On avait donc beaucoup de clients. Ensuite, mes associés vietnamiens sont allés, derrière mon dos, annuler l’accord qu’on avait eu et tous nos clients devaient alors payer 40$ ! Autre anecdote, ils ne voulaient pas investir dans les mètres carrés qui ne rapportent pas comme par exemple les toilettes ! Ils avaient donc décidé de faire des toilettes avec des portes battantes et dans lesquelles on voyait les pieds et la tête ! J’ai essayé de leur faire comprendre qu’il ne fallait pas faire ça mais ils ne m’ont pas écouté. Après plusieurs mésaventures de ce style, on s’est mis d’accord pour que je parte.

MLBT : Ca n’a pas dû être facile de se remettre sur pied après ça. Tu n’as pas eu envie de quitter définitivement le pays ?

Mehdi : Je suis rentré en France pendant quelques semaines pour faire une pause. Ensuite je me suis dit, retournes-y et essayes de faire quelque chose! J’ai gardé en tête que ce sont les premières expériences qui apprennent le plus. Je suis donc revenu et j’ai rencontré une dame d’une cinquantaine d’année qui cherchait quelqu’un pour manager un golf indoors. Je me suis lancé.

MLBT : Mais tu n’y connaissais rien, si?

Mehdi : Son associé était un français qui était aussi le directeur commercial d’Alcatel et il m’a inspiré confiance. Ils ne m’ont pas menti en me présentant le projet, ça s’est très bien passé. Le business a grandi et j’ai développé une agence de voyages sur le golf avec des services associés. Par exemple, on a engagé un professeur de golf. On a rajouté des boissons, on a fait des partenariats avec des écoles etc. Mon but était d’augmenter les revenus sans augmenter les charges.

Malgré tout on avait du mal à générer du profit. Moi je suis un passionné de fitness donc j’ai décidé de monter ma structure. Je ne peux pas encore vraiment en parler parce qu’on est en cours de lancement et qu’on ne veut pas être copié mais ça va être différent de tout ce qu’il se fait à Hanoï !

MLBT : Pourquoi ne pas avoir décidé de bosser dans une grosse boite après ton MBA ?

Mehdi : J’ai toujours voulu être entrepreneur. En plus, qu’on se le dise, il n’y a que le risque qui paie. Et je ne voulais pas avoir ma voie toute tracée, je ne voulais pas de « plan de carrière ».

MLBT : A ton avis, quels sont les facteurs clefs de succès ?

Mehdi : Il faut avoir la capacité d’être un peu mystérieux, écouter les gens, répondre de manière « smart » et être capable de délivrer un maximum. Ce n’est pas parce que tu as fait un MBA que tu es capable de vendre. Ça n’empêche pas que tous les jours je lis des bouquins de stratégie marketing ou commerciale. Par exemple, si tu n’as pas fait d’études mais que tu as voyagé et que tu parles trois langues, tu seras embauché plus facilement et du gagneras plus, surtout en hôtellerie.

MLBT : Et toi, qu’est-ce qui t’a permis d’en arriver là?

Mehdi: J’ai des valeurs et une éthique. Je pense être une personne en qui on peut faire confiance. Je ne camoufle pas et j’ai un éventail de compétences très larges.

 MLBT : Est-ce que tu as un conseil à donner à nos lecteurs ?

Mehdi : Si tu veux gagner de l’argent, commence à en faire gagner à d’autres personnes. Ensuite tu gardes tes petits secrets pour toi et tu te lances.

       Maxence Pezzetta

Elle monte son agence de meubles design

Nous rencontrons Marie dans sa boutique de design intérieur, Ynot, qui ressemble à la maison qu’on révérait tous d’avoir. Moderne et branchée avec vue sur le lac. Elle nous reçoit dans le « coin salon » de la boutique, nous nous sentons tout de suite à l’aise.

MLBT : Bonjour Marie, comment en es-tu arrivée à monter ta boutique à Hanoï ?

Marie : J’ai fini mes études en juin 2009, j’avais fait un Bac Arts appliqués et une spécialisation en design produits en Master. Après mes études, j’ai commencé à chercher du travail partout en France. Il y avait énormément de concurrence. Début septembre, j’ai trouvé une annonce sur Pôle emploi international. Ils cherchaient quelqu’un qui faisait du design produit pour une boite au Vietnam. J’envoie ma candidature et Pôle emploi me répond en m’expliquant que ce job est dans le cadre d’une association qui envoie chaque année 15 jeunes de pôle emploi international à l’étranger. J’ai fait 5 entretiens pour eux et ensuite pas de réponse. J’ai attendu et devant l’absence de réponse, j’ai décidé de partir au Cameroun en mission humanitaire. Pôle emploi international m’a rappelé 1 mois après mon arrivée pour me dire que j’étais acceptée et que je commençais un mois plus tard. Cependant, il fallait que je sois revenue dans 2 jours pour les formations en France ! Finalement, ce sont mes parents qui se sont présentés à la réunion de présentation de projet !

Je suis donc revenue en France pour 1 mois. J’étais super déprimée d’être là. Je me demandais ce que j’allais bien pouvoir faire au Vietnam. Je n’étais plus du tout motivée. D’autant plus que, j’ai appris par la suite que toutes les choses qu’on nous a apprises pendant la formation étaient fausses ! En plus, les gens à qui je disais que je partais au Vietnam me disaient n’importe quoi, j’avais vraiment l’impression que c’était la jungle !

Finalement je suis partie et j’ai commencé mon stage. Au début c’était très dur parce que je parlais très mal anglais et je ne comprenais rien. Il n’y avait que ma chef qui parlait anglais et le reste de l’équipe non. Au bout d’un moment, je me suis plongée dans le boulot et j’ai eu vachement de responsabilités. Je faisais plein de choses différentes, du design d’intérieur, de l’aménagement, et de la création. En plus, les Vietnamiens adorent parce qu’on a toute la créativité que eux n’ont pas ! Quand le stage s’est terminé, j’ai été prolongée de 6 mois. Finalement, je suis restée là-bas 2 ans et demi. J’ai terminé mon contrat en mai 2012. J’ai fini par me faire virer parce qu’avec la crise, il y avait une diminution du business. Par exemple, à Hanoï, 8000 entreprises ont fermées en moins de 6 mois ! Ma boss me disait qu’elle n’avait plus assez d’argent pour payer mon salaire. C’était faux car je savais que j’apportais 20 000 $ de chiffre d’affaires par mois.

MLBT : Ca a dû te mettre un sacré coup dans le moral. C’est à ce moment-là que tu as décidé de monter ton entreprise ?

Marie : Je me suis vraiment posée la question de ce que je ferais. L’idée de rentrer en France me déprimait complètement. J’avais vraiment envie de rester à l’étranger. Au départ j’avais le projet de voyager avec ma colocataire mais elle a dû rentrer en France précipitamment. Je ne me voyais pas tout quitter de nouveau pour tout recommencer ailleurs. Un de mes collègues, qui était mon meilleur pote, m’a proposé de monter une entreprise. On en avait déjà parlé plusieurs fois en déconnant et cette fois-ci je lui ai donné mon accord pour qu’on se lance. Je me suis dit : « Si ça marche c’est top, si ça ne marche pas, je n’aurais pas de regrets de n’avoir jamais essayé ». C’est comme ça qu’on a lancé notre entreprise de design intérieur.

MLBT : Comment vous vous y êtes-vous pris ?

Marie : Au début, on voulait juste trouver un petit magasin et faire les papiers officiels plus tard. En fait, toutes les personnes de ma première entreprise nous ont suivies ! On avait déjà les contacts des fournisseurs et certains clients. On a eu notre premier gros client tout de suite qui nous a demandé tous les papiers officiels avant de passer la première commande. Du coup, on a tout fait au nom de Kien, mon associé, et en 10 jours, la boite était créée. Si je l’avais faite à mon nom, j’aurais dû payer 3000$ et des taxes tous les mois. On a fait les démarches pour que je sois embauchée dans ma propre entreprise et j’ai un visa de 21 ans et un permis de résidence.

MLBT : Comment ça marche maintenant ?

Marie : J’ai eu pleins de gros clients qui ont suivis et ça marche du feu de Dieu ! Ça cartonne vraiment et en 5 mois on a remboursé tous les investissements. On va commencer à se payer le mois prochain. C’est incroyable parce que, en 3 ans, je suis devenue boss avec ma propre boite et mes propres meubles. M’expatrier est la meilleure chose qui me soit arrivée !

MLBT : Ça ne te fais pas peur de ne pas être propriétaire ?

Marie : Je sais que je ne suis pas protégée mais je connais tout de Kien, c’est mon meilleur ami et ma famille ici au Vietnam. Le jour où on commencera à gagner de l’argent, on fera un mandat cash pour tout envoyer en France. Ici, on se prend juste de quoi vivre. Moi je prends de quoi payer mon appart et ma nourriture et lui de quoi nourrir sa famille.

MLBT : Est-ce que tu aurais un conseil à donner aux gens qui sont en France et qui se posent la question de l’étranger?

Marie : Je pense qu’il y a deux types de personnes. Il y a les gens qui vont consacrer leur vie au travail et qui sauront faire des concessions pour cela. C’est mon cas. J’ai compris qu’il y avait des opportunités au Vietnam et c’est ça qui m’a fait rester. Je n’ai jamais eu le coup de foudre pour le Vietnam, c’est juste qu’ici, je peux exercer ma passion ! Et il y a les autres personnes qui ont besoin de leur cocon, la famille à côté, et qui, pour cela, sont capables de subir leur travail s’il le faut.

Je suis super proche de ma famille et c’est un vrai sacrifice pour moi. Mais aujourd’hui, avec Skype, le son, les caméras etc. C’est top ! Et puis, ma famille sait que je suis heureuse et épanouie ici.

MLBT : Quelles sont les difficultés de la vie au Vietnam ?

Marie : Le fait qu’ils ne perdent jamais la face. Ils ne peuvent pas avouer qu’ils se trompent ou qu’ils ont fait une erreur. Il y a des jours où tout va bien et quand je suis livrée, je me rends compte que ce n’est pas ce que j’avais commandé !

Ça prend énormément de temps de comprendre comment ils fonctionnent et ça m’aide beaucoup d’avoir un partenaire Vietnamien. Je m’implique dans toutes les relations avec les artisans, je prends le temps de les accueillir, d’aller discuter le bout de gras avec eux et ça aide vachement dans les relations de business.

Ici, quand tu as de l’argent, tu peux tout faire, par contre, la relation avec les Vietnamiens te prends vachement de temps. Il faut d’abord gagner leur confiance. Une fois que tu as gagné leur confiance, ils t’aident énormément.

MLBT : Comment tu fais pour créer cette relation de confiance ?

Marie : Moi, j’étais dans une boite vietnamienne et Kien m’emmenait chez les fournisseurs, chez les artisans, on faisait des diners…

MLBT : Pourquoi avoir voulu créer cette entreprise en particulier ?

Marie : On s’est rendu compte que le design que je faisais cartonnait. On avait des très bonnes relations avec les artisans. En plus, je travaillais pour une chef ingrate. On s’est rendu compte qu’on pouvait faire tout ça pour nous et augmenter nos salaires. A l’époque je faisais tout dans l’entreprise, j’avais pleins de responsabilités et j’apprenais pleins de choses. C’était devenu mon bébé et j’ai voulu que ce soit entièrement pour moi. Et depuis cinq mois, je me réveille tous les matins avec la banane !

D’ailleurs, une des choses à savoir au Vietnam c’est qu’ils préfèrent avoir 20 staffs pour s’occuper de pleins de petites tâches qu’une personne qui fasse 20 tâches différentes. Ils préfèrent répartir le travail.

Quand j’étais dans mon ancienne boite, ils ont embauché 10 personnes d’un coup, je ne trouvais plus ma place. C’est à ce moment là que je me suis posée énormément de questions.

MLBT : Comment est-ce que tu te protèges contre la copie ?

Marie : On ne peut pas réellement. Il faut créer des relations de confiance avec les artisans et toujours créer de nouvelles choses. C’est la meilleure chose à faire.

MLBT : Comment tu communiques sur tes produits ?

Marie : Il y a pleins de moyens ! On travaille actuellement sur un site web, une exposition, des cartes de visites, des événements, des week-ends de promotions, des cadeaux, des goodies… Le but est de maintenir l’attrait auprès des clients qu’on a déjà. Ici, c’est beaucoup le bouche-à-oreille qui fait que ça marche.

Globalement, au Vietnam, les gens se plaignent beaucoup de la qualité des produits. Moi je fais de la qualité et je n’hésite pas à gueuler auprès des artisans s’ils ont fait une connerie. Dans ce cas je leur dis que je les payerais quand j’aurais vendu le meuble raté.

MLBT : Si une amie à toi te dis qu’elle veut venir habiter au Vietnam parce qu’elle trouve que ta vie à l’air géniale, tu lui réponds quoi ?

Marie : Pour faire de la création ou du tourisme, je lui conseillerai de venir, pour les cuisiniers aussi. Surtout avec l’augmentation du niveau de vie au Vietnam, il y a pleins de nouveaux riches qui veulent goûter à cette nouvelle culture.

En plus, les français sont très bien vus ici parce qu’ils sont considérés comme polis. Si j’avais un conseil à donner, je dirais de ne pas venir avec un trop gros projet. Il faut rester humble. Moi je trouve que le Vietnam, c’est difficile d’en partir !

      Maxence Pezzetta

Ils lancent Smartbox version Vietnam!

Pour cette interview, nous avions rendez-vous avec Loïc Muller qui a travaillé à la chambre de commerce française à Hanoï avant de décider de monter sa structure avec son partenaire Alexis Daste. Ils se sont succédé, après leur journée de travail, pour nous parler de leur challenge. La boite est encore en lancement. Ils ont choisi de monter un concept inexistant au Vietnam : l’équivalent de la SmartBox!

My Little Big Trip : Bonjour Loïc, peux-tu nous expliquer comment tu es arrivé au Vietnam ?

Loïc : J’ai été diplômé de Sciences Po Strasbourg à l’époque de la réforme LMDE. C’était il y a 5 ans, les universités et école françaises commençaient à se normaliser pour avoir un niveau uniforme dans toute l’Europe. J’avais donc un Bac+4 et j’ai dû faire un an de plus pour avoir le niveau Master. Je suis alors parti faire une année de césure en volontariat au Vietnam. J’ai complété par un stage à la chambre de commerce. Au bout d’un an, mon stage et mon projet associatif se sont terminés.

Je suis resté 6 mois en France et je voulais retourner au Vietnam pour m’expatrier. Je postulais à des offres d’emploi à l’international et j’ai réussi à obtenir le poste de mon prédécesseur à la CCI (Chambre de Commerce et d’Industrie) du Vietnam. Je suis alors devenu responsable de l’antenne de Hanoï, je dépendais du responsable de l’antenne de Ho-Chi-Minh. J’ai fait ça pendant 3 ans.

J’ai beaucoup appris sur la culture vietnamienne et la logique économique. J’en ai profité pour me faire un bon réseau d’entreprises françaises. Au bout de deux ans et demi, je m’étais imposé une deadline pour ne pas avoir à renouveler mon contrat. Ça devenait beaucoup trop routinier pour moi.

MLBT : Comment fait-on quand on cherche un emploi à l’étranger et notamment au Vietnam ?

Loïc : Pour les jeunes diplômés d’école de commerce, ce n’est pas facile parce qu’ils vont être en concurrence avec les Vietnamiens qui ont fait des études en France et qui seront d’accord pour être payés trois fois moins.

En tant que français, on peut rivaliser mais pour des postes à responsabilités ou des postes de Management. Les dirigeants préféreront avoir des français pour une question de loyauté. Mais dans ce cas, il faut avoir fait les très grandes écoles de commerces ou d’ingénieurs ou bien connaître déjà le Vietnam.

L’autre possibilité est de commencer avec un contrat local et évoluer très vite, notamment en termes d’encadrement. En plus, il faut savoir qu’il y a beaucoup de turn over dans les entreprises vietnamiennes donc quand on reste, on évolue très vite. Par contre, le premier barreau de l’échelle est très bas.

MLBT : Quel est l’avantage d’aller au Vietnam plutôt que dans les pays voisins ?

Loïc : En général, les gens qui viennent au Vietnam n’ont pas de motivation rationnelle. Ce sont des français d’origine vietnamienne qui ont eu un coup de cœur, la rencontre d’une fille, ou bien des gens qui avaient de la famille ici à l’époque de la colonisation. En général, c’est une histoire personnelle. Ils viennent et essayent de rester. C’est entrepreneuriat qui leur permet de rester au Vietnam.

MLBT : Pourquoi ?

Loïc : Parce qu’on a la culture d’entrepreneuriat ici. Il y a une atmosphère très stimulante. Tout le monde finit par monter sa structure. Attention, de mon point de vue c’est plus dur de monter son entreprise au Vietnam, notamment au niveau de l’administration. Elle est contre les entrepreneurs étrangers. Le droit du travail vietnamien est très protecteur.

Les lois qui permettent aux étrangers d’investir ici sont très restrictives. Il est difficile d’avoir une licence à son nom, du coup on passe par un ami vietnamien ou par sa femme si on est marié avec une vietnamienne. Mais c’est un système de « prête nom » donc c’est très risqué. Bien sûr, c’est encore plus risqué pour les petits entrepreneurs. D’autant plus qu’il y a des complications dans certains secteurs comme la grande distribution. Les vietnamiens ne voient pas l’intérêt d’aider un étranger. Ils ne voient pas ce que peut apporter un étranger et considèrent qu’ils peuvent le faire eux-mêmes.

MLBT : Comment avez-vous choisi de procéder au niveau administratif ?

Loïc : On a un associé vietnamien et la société est à son nom. Si je devais donner un conseil, je dirais qu’il faut bien choisir la personne avec laquelle on s’associe.  Il faut bien réfléchir aux risques selon chaque entreprise. Par exemple, nous, on n’a pas d’immobilier. Aujourd’hui, la société fonctionne grâce au réseau des trois associés (moi, Alexis et le vietnamien). Le réseau est essentiellement étranger parce qu’Alexis travaillait dans les vins et spiritueux quand il est arrivé ici. Comme on utilise énormément son réseau, le vietnamien ne peut pas le voler.

MLBT : Est-ce que tu peux nous expliquer un peu plus le concept de Senses Club?

Loïc : Le coffret est comme une Smartbox prestige. On a vraiment réussi à signer ce qu’il se fait de mieux à Hanoï au niveau luxe et au niveau de tout ce qui est « expériences originales », qui sortent de l’ordinaire. On a tout de même choisi de mettre différentes gammes de prix. Nous avons ainsi trois coffrets de 13 euros, 30 euros et la dernière à environ 75 euros.

(Alexis fait son arrivée dans le café dans lequel nous rencontrons Loïc)

MLBT : Comment avez-vous eu l’idée de monter ce concurrent de Smartbox ?

Loïc : Alexis a eu cette idée lorsqu’il a rencontré le DG de SmartBox Italie. Il a participé à la commission des jeunes entrepreneurs dans le but de faire évaluer la réussite de son projet. Je faisais partie du jury lorsque j’étais à la CCI et c’était au moment où je me demandais ce que j’allais faire après mon contrat. J’ai proposé à Alexis que nous nous associons, il a accepté. Nous avons ensuite cherché un partenaire vietnamien et avons choisi de solliciter une personne que nous connaissions tous les deux. Aujourd’hui nous sommes trois personnes à temps plein.

Alexis : En fait, quand j’ai rencontré SmartBox Italie, le DG m’a raconté qu’il venait de mettre en place une offre château Italie. Il a tout monté de A à Z et il avait une grosse frustration en se disant qu’il aurait pu le monter pour lui-même. Quand on s’est rencontrés on était dans la Baie d’Halong. Je lui ai dit que je voulais créer une entreprise mais je ne savais pas encore quoi. Il m’a dit : « Pourquoi tu ne lancerais pas SmartBox au Vietnam ? »

En plus, il y a une vraie dynamique économique et psychologique au Vietnam. Il faut quand même prendre en compte que depuis 2 ans, il y a une baisse de la croissance sauf dans le secteur des nouvelles technologies et du luxe. Il faut aussi être très vigilant vis-à-vis du prix de l’immobilier qui est très élevé.

MLBT : Quels ont été les facilités et les difficultés que vous avez rencontrées en vous installant au Vietnam?

Alexis : Déjà, si on prend les 4 P qui sont le Prix, le Produit, la Communication et la Distribution. On constate que notre produit est basé sur le réseau, c’est donc très facile pour nous. Toute  l’offre de service qu’on mettra dans la box dépend de notre réseau. On a la chance d’avoir 3 réseaux différents entre les 3 associés. Comme Loïc l’a dit plus tôt, je travaillais dans les vins et spiritueux, lui travaillais à la CCI et notre partenaire vietnamien a tout son réseau local. C’est sur ça que nous avons basé notre association.

Je connaissais les annonceurs et Loïc connaissait les acheteurs qui sont les entreprises. On ne veut pas faire de détail comme le fait SmartBox en passant par la Fnac etc. Notre stratégie à nous est de faire du volume. On ne fait pas une marge énorme et il est plus facile de vendre en gros qu’au détail. En plus, on a eu la chance d’être très éloignés géographiquement du marché de SmartBox. Ça nous a beaucoup aidé que notre ami nous explique le fonctionnement. Nous n’avons pas non plus la même stratégie qu’eux parce que nous avons vocation à être un produit premium. Il y a des gens qui sont prêts à mettre 100$ dans une box alors que le salaire minimum est de moins de 100$ ! A l’inverse, SmartBox est un produit de masse.

MLBT : Quel est votre but ?

Alexis : Notre but est de proposer de quoi faire une belle offre produit en très peu de temps. On demande en effet à nos partenaires de payer des frais Marketing. Pour apparaître dans notre offre, il faut donc être très efficace.

MLBT : Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut monter sa structure au Vietnam ?

Loïc : Si je devais donner des points d’insistance, ce serait qu’il faut avoir une motivation non-relationnelle. Je pense qu’il est faux de dire que c’est plus facile de monter une entreprise à l’étranger qu’en France. En France, il est plus facile d’obtenir des aides et le taux d’intérêt est égal au taux d’inflation. Ce n’est pas le cas ici. Mais il est certain qu’il est plus facile de trouver des opportunités à l’étranger et notamment dans les pays en voie de développement.

Attention, gardez bien en tête que l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. C’est plus facile de faire fonctionner son réseau ici qu’en France mais ici le business concerne tous les domaines. On fait des affaires avec les amis ou la famille très facilement. Je suis persuadé qu’on peut entreprendre en France et qu’on n’a pas besoin de partir à l’étranger pour monter sa structure.

(Loïc a un autre rendez-vous, nous continuons notre interview avec Alexis)

Alexis : Pour reprendre les difficultés et les facilités dont nous avons commencé à parler tout à l’heure, je voudrais reparler des 4P. Je pense que pour chaque business il y a un certain nombre de points clefs à respecter et que c’est beaucoup plus simple ici. Par exemple, en France, on ne peut pas démarcher une entreprise tant qu’elle n’est pas créée au niveau juridique. Au niveau du prix, ça ne change rien d’être en France ou à l’étranger. Pour la distribution de notre produit, on a plus de facilité ici. Le réseau de distribution démarre et il est en pleine croissance. Metro représente ici 50% et il est très facile d’entrer dans d’autres réseaux de distribution comme par exemple Casino. Autre élément, en France, il y a beaucoup de sociétés de service en création et peu de création industrielle et si on veut se lancer dans l’industrie, les financements sont beaucoup plus élevés.

Notre ambition est de devenir le leader national des cadeaux !

MLBT : Pourquoi quitter la France ?

Alexis : Quand j’étais en France, j’étais consultant en service financier chez IBM. Je m’ennuyais. J’étais dans une grosse boite, le poste n’était pas mal mais je trouvais que je n’avais pas suffisamment de liberté d’initiative. Je ne pouvais pas créer, je ne pouvais rien proposer de nouveau. Au bout de quatre ans, j’ai décidé que c’était assez. Je me sentais dans une case. Pour moi c’était trop tracé. J’avais besoin d’aventure et d’exaltation.

MLBT : Comment es-tu arrivé au Vietnam ?

Alexis : C’était il y a 3 ans, j’ai trouvé une offre d’emploi international pour être commercial pour un importateur de vins. J’avais fait un stage dans le Cognac auparavant et quand j’étais chez IBM, je voulais déjà partir à l’étranger pour voyager et éventuellement m’expatrier.

MLBT : Et aujourd’hui ?

Alexis : Aujourd’hui, j’ai une vie quotidienne très excitante, le pays est en ébullition et le fait d’être dans une autre culture casse la routine. Même si vous allez vivre en Espagne, vous vous apercevrez que le piquant est là.  Pas la peine d’aller jusqu’en Asie. Mes sensations et mon émotivité sont décuplées ici. Ce sont les montagnes russes pour moi tous les jours. En plus, on a un statut social et une qualité de vie qu’on n’aurait pas en France. C’est très simple d’aller dans les meilleurs endroits. Ici on ne se demande si on va aller au resto ou non. On se demande dans quel resto on va aller.

MLBT : Et au niveau relationnel ?

Alexis : J’ai appris à me protéger. Mes vrais amis stables, ils sont en France. Ici j’ai beaucoup de copains mais un grand nombre d’entre eux n’est là que pour deux-trois ans. Donc, au moment où tu commences à être proche, la personne s’en va.

J’avoue que je suis principalement avec des expat’ et même souvent avec des expat’ français. En termes d’épanouissement personnel, notre mode de vie et notre culture sont opposés. C’est encore plus le cas dans le Nord du pays où les vietnamiens vivent en famille avec les parents et les grands-parents.

Moi ce que j’aime au Vietnam c’est que c’est l’univers des possibles. On peut approcher des gens qu’on n’aurait jamais osé approcher en France. Par exemple, samedi soir, j’étais en soirée avec l’ambassadeur de France. Si je regarde les trois dernières années que j’ai passé, je constate que je suis arrivé à un milieu beaucoup plus « select ». Avec un peu d’opportunisme et de culot, ça marche vachement bien ! :wink:

MLBT : Comment rencontre t-on du monde ?

Alexis : C’est plus facile à l’étranger car tout est plus spontané. On fait des soirées, c’est plus simple et plus fréquent qu’en France. Du coup, on va rencontrer des gens plus facilement car on est dans un état d’esprit différent. La différence avec la France c’est qu’ici, on ne sélectionnera pas les gens en fonction de leur milieu mais en fonction de leur langue.

MLBT : La désillusion, elle arrive à partir de quand ?

Alexis : Je pense que l’étranger est un décor. Tu te construis par rapport à ce que tu fais, il ne faut pas oublier qu’en France, on peut aussi être épanoui.

MLBT : Est-ce que tu as un message à donner aux lecteurs de My Little Big Trip.com ?

Alexis : Partir à l’étranger, oui, par contre, il faut être prêt psychologiquement. Il faut être prêt à ne pas trouver un travail du même niveau que celui qu’on avait en France ou être prêt à évoluer professionnellement. Il faut avoir soif d’aventure et d’instabilité!

        Maxence Pezzetta

Brice: Directeur Général d’Exoplatform

Brice nous accueille au siège d’ExoPlatform suite à une sollicitation sur Viadéo. L’entreprise est basée au cœur de Hanoï et représente deux étages d’un grand bâtiment. Nous sommes emmenés dans ce qui semble être une salle de réunions. Brice est très souriant et semble avoir une trentaine d’années.

My Little Big Trip : Peux-tu nous expliquer pourquoi tu as choisis le Vietnam ?

Brice Revenant : Pour commencer, je vais vous parler d’Exoplatform. L’entreprise a été créée sur internet en 2001. Au départ, c’était un projet de logiciel libre. Il y avait 3 personnes réparties entre Paris, l’Ukraine, et le Canada. La personne au Canada était d’origine Vietnamienne. Elles se sont rencontrées sur internet via des forums sur les logiciels. A l’époque, ils étaient en free-lance. L’entreprise a vraiment démarré quand l’armée américaine a signé un premier contrat avec eux. Ce qui leur a plu dans le logiciel était le fait qu’il était entièrement personnalisable. ExoPlatform a ensuite vraiment été créée en 2005 avec le siège social à Vanves, en France. Ensuite, le Vietnamien est revenu à Hanoï, il a fondé un bureau et un troisième bureau s’est construit en Ukraine. En 2010, ils ont monté un bureau en Tunisie. C’était une connaissance du fondateur et le gros avantage était que la Tunisie est sur le même fuseau horaire que la France. Aujourd’hui, ça fait 4 ans que je suis au Vietnam et 6 ans que je travaille pour ExoPlatform.

MLBT : Quelle est ta mission ?

Brice : Mon travail est de veiller à la qualité du logiciel qui est directement lié au Management du personnel. Il faut savoir que tu paies un vietnamien 240 euros au minimum. Au niveau scolaire, le maximum que tu puisses faire au Vietnam est un bac+4, sachant qu’on n’est jamais dans le même niveau de diplômes qu’en Europe ou aux États-Unis. Bien que ça progresse de plus en plus vers les niveaux Masters.

MLBT : Comment peux-tu embaucher quand tu sais que le diplôme est bidon ?

Brice : On fait des tests pendant les entretiens et on a des questionnaires. On arrive ainsi à estimer le niveau. En fait, ce qu’il faut réussir à évaluer c’est la fidélité de l’employé et le « faire-rester ».

MLBT : Comment les fais-tu rester ?

Brice : Avant que j’arrive, on avait des bonus chaque année mais tout le monde avait la même chose. On a décidé de mettre en place des objectifs mensuels et s’ils sont atteints on augmente les salaires. Autre astuce, on a décidé de ne pas revoir tous les salaires en même temps. On revoit 1/6 des employés tous les mois, ce qui fait que tous les employés sont évalués 2 fois par an. Ça marche très bien en termes de motivation et ça permet de se séparer des personnes plus facilement quand on en a besoin. Ça évite également les départs massifs dans le cas où il y a un problème avec les objectifs. Avec cette méthode, il est très rare qu’on vire qui que ce soit. Si une personne n’a pas atteint ses objectifs, il est fort probable qu’elle parte d’elle-même parce qu’elle considèrera qu’elle n’est pas assez bonne pour le poste et qu’elle perd la face si elle n’atteint pas ses objectifs. En plus, ici, le marché du travail est tellement actif qu’il est très facile de trouver du travail ailleurs.

MLBT : Que peux-tu nous dire concernant le Management interculturel ?

Brice : Quand je suis arrivé, je voulais fonctionner à l’occidentale… Autant vous dire que ça n’a pas marché (rires) ! Il faut savoir qu’ici, les gens parlent beaucoup entre eux. Ils parlent de l’entreprise et de ce qu’ils aiment ou n’aiment pas. S’il y a des choses que certains d’entre eux n’aiment pas, il est certain qu’ils auront le soutien des autres employés. Quand je suis arrivé, il y a un certain nombre de choses que je ne savais pas. Par exemple, ici, pour le nouvel an on donne des bonus. Un bonus représente un mois de salaire. Je n’en avais aucune idée. Ça a donc fait polémique quand je suis arrivé.

MLBT : Mais tu n’as pas été formé en amont quand tu es arrivé dans l’entreprise ?

Brice : Non, on n’a pas eu ce niveau de détails. On ne sait pas forcément comment communiquer avec toutes ces différences culturelles. J’étais déjà venu mais ce ne sont pas des choses que je pouvais savoir à l’avance. Autre élément, ici, il ne faut pas faire de reproches à quelqu’un en public.

Si je devais donner un conseil a quelqu’un qui décide de venir s’installer au Vietnam pour faire de l’argent et des économies, je lui dirais de faire attention. Il aura l’impression de s’installer ici pour réduire les coûts mais, en réalité, il y a énormément de coûts cachés en partie à cause des bonus et du fort taux de turnover.

Nous on a décidés de donner des bonus en fonction de la performance. Il faut savoir que si tu viens ici pour avoir des bas salaires, tu ne vas pas embaucher les bons profils. Ici, les bons profils sont payés 2 ou 3 fois plus que les salaires moyens et les connaissances sont très mises en valeur.

MLBT : On a cru comprendre que les Vietnamiens raisonnaient différemment de nous, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

Brice : Ils ont leur manière de penser avec un référentiel différent du nôtre. Par exemple, s’ils ne comprennent pas, ils ne vont pas oser demander de clarifier. Ils ont peur de faire perdre la face à celui qui a expliqué. S’ils ont besoin de poser la question, ça veut dire que la personne en face à mal expliqué.

MLBT : Même si tu leurs demandes de ne pas hésiter à te poser la question ?

Brice : Ils n’oseront toujours pas. Ils feront la première chose qu’ils ont comprise. Le mot d’ordre est « patience ». Il y a des gens qui comprennent mieux que d’autres, il faut simplement les trouver. Par exemple, les Vietnamiens qui ont travaillés en France. Sinon il faut embaucher des VIE (Volontariat International Entreprise) mais de ce fait, on paye les gens avec un salaire occidental.

MLBT : Quels sont les inconvénients quand on vient vivre au Vietnam ?

Brice : L’environnement est très pollué, il fait chaud et les gens sont très sympas mais ne comprennent pas très bien l’anglais ce qui rend la communication difficile.

MLBT : Comment est-ce que tu gères les différences culturelles au quotidien ?

Brice : Il faut être patient et anticiper. Au bout d’un moment, tu arrives à savoir ce qu’ils vont comprendre ou non. Même au travail, je leur donne une consigne et j’insiste en disant : « fais bien attention à ceci ou cela ». Et puis, au fur et à mesure que tu parles vietnamien, ça facilite vraiment les échanges.

MLBT : Combien as-tu d’employés ?

Brice : A Hanoï on est 85 dont 6 français et dans le monde on est 180. La présence internationale est indispensable pour que l’entreprise fonctionne bien. Il faut vraiment penser à investir dans un recrutement étranger sinon ça ne marche pas. On entend souvent : « Si vous venez vous implantez au Vietnam, mettez un expatrié à la tête de l’antenne ». Ça évite les problèmes de détournements, de gros salaires etc.

MLBT : Tu as des exemples ?

Brice : Par exemple, ce que je vois c’est que dès que tu es dans un business où il y a un acheteur, il s’arrange avec la boutique pour faire une fausse facture pour récupérer de l’argent. Attention, ce sont à chaque fois des petites sommes mais c’est à prévoir. Il faut laisser filer. Même si tu choisis d’augmenter ton personnel, il le fera quand même. C’est dans les habitudes. Il faut souvent compter un extra pour les dessous de table.

MLBT : Est-ce que tu as des problèmes au niveau de la qualité des produits que tu achètes ?

Brice : Ici, on n’a jamais eu d’escroquerie. Au niveau de la qualité c’est très bien. Il y a des erreurs mais selon moi, ce sont des erreurs d’interprétation, ce n’est pas de la malhonnêteté mais je pense que dans les coûts cachés, il faut aussi compter le coût « d’erreurs » qui impliquera de refaire plusieurs fois quand les choses ont été mal comprises.

MLBT : Avec ton personnel, tu fonctionnes sur une logique de prix ou de qualité ?

Brice : Chez nous, on pense qu’il faut montrer que tu es généreux et que tu as du cœur. Si tu décides de les payer un peu plus, ça aide. D’autant plus que si l’employé vaut 8, il pourra trouver facilement 9 ailleurs, c’est pour cette raison qu’on paie nos employés 5 à 10% de plus que ce qu’ils valent. Il faut savoir qu’ici, ils parlent beaucoup de salaires avec leurs amis et ils comparent. Si une personne est payée moins que les autres, elle va commencer à se poser des questions.

MLBT : Est-ce que tu fais des veilles pour savoir s’ils sont satisfaits de ExoPlatform ?

Brice : Oui, je le fais au moment des entretiens et on pose les questions directement aux candidats. D’autant plus qu’ici, les expats sont tous managers. Ils gèrent une ou plusieurs équipes. Pour la plupart, ils n’ont pas forcément été managers avant donc les 6 premiers mois il faut leur expliquer à quoi s’attendre. Au début, ils ne comprennent pas ces différences, même quand on leur explique. Ils pensent toujours que ça va se passer différemment.

MLBT : Qu’es-tu venu chercher au Vietnam ?

Brice : Moi ce que j’aime c’est l’attitude des vietnamiens. Ils sont optimistes, souriants, généreux. Par exemple, ils font souvent des petits cadeaux, ils ont des attentions. J’aime aussi le sentiment de liberté qu’on a ici grâce à la moto et ce même si c’est pollué.

MLBT : Au niveau du Management, que penses-tu du Management familial qu’on retrouve beaucoup en Asie ?

Brice : Si tu veux garder ton personnel, il faut qu’il y ait une bonne ambiance de travail. Attention, ça ne sera pas le même « fun » ici qu’en France. Ici, il faut faire des fêtes tous les mois dans l’entreprise. On est beaucoup dans la symbolique. On fait beaucoup de jeux pendant ces fêtes, c’est ce qu’on appelle le « team-building » en France.

MLBT : Quelle est ta vision de la France ?

Brice : Ce que je vois c’est qu’en France on ne peut plus embaucher parce que c’est trop risqué. Le marché du travail n’est pas assez flexible et fluide. Au Vietnam, le préavis est d’un mois et demi, et encore, ça dépend du contrat. Mais il y a pleins d’entreprises et d’employés qui ne connaissent pas le code du travail et qui sont persuadés que tu peux être licencié du jour au lendemain.

MLBT : Quels sont les problèmes que tu rencontres ici ?

Brice : Je pense que le principal problème est l’enseignement. On leur apprend beaucoup de choses théoriques qu’ils ne savent pas mettre en pratique. Il faut tout leur expliquer. Ils ne sont pas non plus force de proposition. Si tu leur demandes de donner des idées ou de donner des propositions d’innovation, ils te proposeront de faire la fête ou de rajouter des bonbons quand il y a des réunions. Et, généralement, ils ne se posent pas de questions. C’est un pays communiste, on ne veut pas qu’ils posent trop de questions sur ce qu’il se passe autour et ça se ressent en entreprise.

Après, il y a beaucoup de bureaucratie au Vietnam. On doit faire beaucoup de rapports pour l’administration. Il faut tout faire sur papier, c’est une énorme perte de temps. Tout doit être tamponné. En ce qui nous concerne, on a deux comptables. Ça permet d’avoir un peu de marge de manœuvre si l’un des deux part du jour au lendemain.

MLBT : Par quoi sont motivés les employés vietnamiens ?

Brice : La reconnaissance, l’intérêt qu’ils ont pour leur travail. Nous sommes éditeur de logiciels, c’est quelque chose qui leur plait beaucoup. En plus, on fait de la formation, chose qu’ils ne retrouvent pas ailleurs. Malheureusement, quand ils ont tout appris, ils veulent aller voir ailleurs. Du coup, on anticipe en leur proposant de changer de poste pour qu’ils puissent apprendre autre chose. Notre plus grand challenge est de garder les bons.

Autre chose pour les motiver, toutes les deux semaines, on demande à un employé d’étudier un sujet technique et il le présente aux autres employés.

MLBT : C’est étonnant, ils ont la culture de parler en public ?

Brice : S’ils doivent parler au micro, avec un écran derrière et plein de monde qui les écoute, ils sont très à l’aise. La culture du karaoké joue beaucoup là-dedans. Par contre, ils ne sont pas dans leur élément quand ils doivent parler en petit comité car ce sont des situations dans lesquelles ils doivent donner leur avis.

MLBT : Quels sont les secteurs porteurs au Vietnam ?

Brice : La manufacture, tout ce qui est chaussures, habillement etc. Il y a aussi beaucoup d’avenir dans les logiciels car le gouvernement pousse beaucoup ce secteur d’activité. Quand tu exportes du logiciel ça l’est encore plus et le gouvernement propose une fiscalité très avantageuse.

MLBT : Quel est le conseil que tu donnerais à quelqu’un qui souhaite trouver un travail au Vietnam ?

Brice : Il faut aller prendre des cours de vietnamien. La fac est très bonne à ce niveau. En 1 an ou 1 an et demi tu peux parler le vietnamien couramment. J’ai rencontré beaucoup de personnes qui ont fait ça et qui ont réussi à atteindre de très bons postes. Apprendre le vietnamien aidera à augmenter ta valeur auprès d’un employeur potentiel. Si tu ne parles pas la langue du pays, il vaut mieux aller voir les entreprises françaises. Mais surtout, il faut être patient et ne pas se décourager si on n’a pas trouvé au bout de 2 ou 3 mois.

MLBT : Que viennent chercher les salariés ici ?

Brice : Une meilleure qualité de vie, notamment au niveau de la nourriture, du transport et de l’exotisme. Par contre, il n’est pas facile d’accéder à la propriété. Pour posséder son propre logement, il faut se marier avec une vietnamienne. Pour monter une entreprise c’est pareil, il faut avoir un associé vietnamien. Si tu achètes une maison ici, ça sera au nom de ta femme. Le problème c’est que si ta femme décède, c’est la famille qui récupère le bien et tu peux te retrouver sans rien. Aujourd’hui, le pays évolue beaucoup et s’occidentalise mais beaucoup plus au Sud.

MLBT : Que se passerait-il si ExoPlatform était dans le sud du pays ?

Brice : On trouverait des profils plus variés, des gens qui parlent anglais plus facilement. L’avantage qu’on a à Hanoï c’est qu’il y a moins de concurrence pour trouver des employés. La capitale économique est au sud et, en plus, il y a un plus grand nombre d’entreprises étrangères dans le sud. Il y a même des entreprises vietnamiennes qui commencent à délocaliser dans le sud. Pour nous, c’est bien d’être ici parce qu’il y a des universités françaises et parce qu’on est une entreprise offshore.

    Maxence Pezzetta