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Les conseils d’UbiFrance

Nous rencontrons Géraldine Aupée, conseillère export chez UbiFrance. Elle accepte de nous rencontrer entre midi et deux dans un restaurant vietnamien. En plus de faire une interview, ça nous permet de goûter les spécialités locales :grin: . Nous présentons rapidement notre projet, Géraldine nous fait part de son point de vue sur le fait de monter son business à l’étranger:

Géraldine : « C’est vrai qu’il est dur de monter son entreprise à l’étranger. Surtout dans des pays comme le Vietnam où l’administration est lourde, où il y a des freins, où la communication n’est pas facile etc. Mais il y a quand même une grande liberté d’action qui donne de l’énergie et du challenge!

Je comprends très bien votre logique d’interviewer un maximum de personnes pour que chacun puisse se reconnaitre. Il est évident qu’il n’y a pas qu’une recette pour monter son entreprise. Chaque personne va donner des tuyaux différents et ça ne peut pas se résumer en deux lignes. Pour donner des conseils, ce n’est pas évident puisque je n’ai pas un profil d’entrepreneur. Je travaille dans une entreprise française, qui plus est, une entreprise publique, et je suis détachée de mon contrat parisien pour venir au Vietnam donc c’est vraiment cadré. Je ne suis pas vraiment venue à l’aventure.

My Little Big Trip : Qu’est-ce qui t’as étonnée quand tu es arrivée ici ?

Géraldine : D’abord il faut savoir que je suis arrivée il y a 3 ans. J’étais déjà venue trois fois au Vietnam avant cela. Une fois pour le tourisme et deux fois en mission professionnelle. Il y a certaines choses qui m’ont étonnée.

Une des choses qui m’a le plus étonnée c’est leur mal-amabilité, surtout dans le Nord. Je trouve qu’il a un manque d’effort pour communiquer. Les Vietnamiens sont mal à l’aise vis-à-vis des gens. Encore une fois, il ne faut pas oublier que c’est le système qui les formate, dès leur plus jeune âge, à ne pas s’ouvrir. Par exemple à l’école, l’Histoire commence en 1975. Ils ne font pas de philosophie, ils apprennent par cœur. Le système de réflexion est très limité. Autre exemple, au travail, lorsqu’un problème se pose, j’ai remarqué qu’il n’y avait pas de proactivité ni de créativité.

Une chose qui m’a choquée : J’étais en moto avec une amie française venue me voir en vacances, je l’emmène au marché. Autour, il y a plusieurs parkings à motos qui sont très réglementés. J’arrive à un premier parking et le gardien me fait comprendre qu’il faut aller à l’autre. On arrive à l’autre, rebelote il nous dit qu’il faut aller à un troisième. Pour la troisième fois nous voulons garer la moto et, cette fois-ci, le gardien a été très violent dans ses propos et dans ses gestes en nous faisant comprendre qu’on devait partir. Nous ne savions vraiment pas quoi faire.

Lors de cette scène, deux femmes vietnamiennes étaient en moto juste à côté. Elles ont vu la scène et nous ont emmenées au premier parking où elles ont négocié avec le premier gardien. Nous avons compris qu’ils ne voulaient probablement pas nous laisser rentrer parce qu’on était étrangères.

MLBT : Quel est le profil des gens qui viennent au Vietnam ?

Géraldine : Il y a différents types de profils. Le premier serait ceux qui veulent partir loin de la France. Ils sont en quête d’exotisme, de moins de crise, de conditions climatiques agréables. Cela s’explique par le fait que l’image du Vietnam est très positive en France. Le pays est présenté comme un lieu paradisiaque dans lequel il fait bon vivre. Le second profil ce sont les gens qui cherchent un job. En général, ils ont entre 25 et 35 ans et ils veulent soit trouver un boulot dans une entreprise, soit monter leur propre business. Le dernier profil est représenté par tous les seniors qui sont en échec de vie, en retraite ou en divorce. Ils viennent ici et en 6 mois ils refondent une famille et refont leur vie. Et vraiment, les catégories d’âge sont assez différentes.

MLBT : C’est étonnant qu’il y ait autant de personnes qui viennent pour monter leur business. La première chose qu’on nous a dit quand on est arrivé au Vietnam c’est « Si tu veux devenir millionnaire au Vietnam, il faut arriver milliardaire ».

Géraldine : Si les jeunes viennent monter un business au Vietnam, il faut qu’ils le fassent pour vivre, pas pour gagner de l’argent. Je ne pense pas que ce soit un pays où on s’enrichisse vraiment. En plus il faut savoir qu’il y a une crise économique et une crise politique assez opaque qui font que les situations sont un peu difficile à appréhender.

MLBT : Une crise économique ? On avait cru comprendre que le pays est en pleine croissance ?

Géraldine : C’est un pays en pleine croissance mais c’est surtout un pays jeune et qui manque d’une gestion cohérente. Le pays a donc des problèmes financiers dus notamment à la corruption mais en même temps ils ont tout pour faire de la croissance : une industrie naissante, une agriculture développée et en voie d’industrialisation, une main d’œuvre relativement qualifiée. C’est un pays en voie de développement où tous les secteurs doivent organiser, les infrastructures indispensables au développement doivent être mises en place, la qualité de la production doit également devenir une priorité….

C’est relativement simple, ici tout est naissant alors qu’en France, on entame un processus complètement inversé où l’on doit créer, imaginer un nouveau modèle économique. Ubifrance doit encourager et accompagner les entreprises françaises à venir au Vietnam parce que c’est un pays en croissance. Notre travail est surtout de soutenir les PME.

MLBT : A ton avis, quelles sont les difficultés pour une personne qui souhaite s’installer ici ?

Géraldine : Il y a de grosses difficultés au niveau des démarches administratives notamment pour le visa résident et le permis de conduire.  Ensuite, les problèmes sont surtout liés à la communication dans les administrations. Ils ne sont pas forcément anglophones donc ça complique tout. Trouver un logement par exemple, ce n’est pas si simple. Après, quand on est dans le milieu des affaires c’est plus facile pour se faire comprendre. Ce que je dis là concerne surtout le Nord du pays. Dans le Sud, ils ont une économie plus libérale donc pour un entrepreneur, c’est plus simple de se lancer à Ho-Chi-Minh.

MLBT : Est-ce que tu aurais un conseil à donner aux gens qui veulent se lancer et partir à l’étranger?

Géraldine : Il faut avoir des idées, il faut être courageux, il faut parler anglais et éventuellement une langue asiatique. Il ne faut pas chercher l’argent en premier mais il faut chercher à se faire plaisir. Il faut accepter d’être un peu sur la paille au début quand on se lance, de ne pas avoir beaucoup de moyens. Mais prendre du plaisir dans ce qu’on fait est vraiment important!

Quand on arrive au Vietnam, il faut se renseigner sur la culture du pays et de la population. Par exemple, quand ils ne comprennent pas ou font semblant de ne pas comprendre, il ne faut pas monter le ton pour ne pas leur faire perdre la face. Il faut beaucoup répéter, les contraindre dans la douceur. Même dans le travail. Si jamais tu t’énerves, ça leur fait peur. Ils vont finir par faire ce que tu leur demandes mais ils restent dans une résistance passive. Si tu leur gueules dessus, tu les bloques complètement. Ce ne sont pas des gens qui se rebellent mais ils se ferment comme une huitre. Ma méthode est de les motiver en leur disant qu’ils font du bon travail. Ils fonctionnent beaucoup à la reconnaissance.

MLBT : Comment est-ce qu’on peut rencontrer du monde quand on arrive au Vietnam ?

Géraldine : Il y a deux associations francophones. Celle de Hanoi s’appelle « le cercle des francophones » et celle de HCMV s’appelle « l’amicale des francophones« . Pour les activités, il faut savoir qu’il y a aussi beaucoup de choses organisées en journée, notamment pour les épouses d’expatriés (francophones mais aussi d’autres nationalités en majorité anglophones).

MLBT : A ton avis, pourquoi  les gens choisissent de venir au Vietnam ?

Géraldine : Je pense que ce qui attire dans le Vietnam, c’est l’image de l’Indochine, une espèce de nostalgie de l’époque coloniale. On pense à une forme d’ambiance particulière, à la colonie française et des superbes paysages comme la Baie d’Along, les rizières etc. Ils pensent à un pays charmant. Je pense qu’il faut toujours garder en tête qu’il y a toujours des désillusions et s’y préparer, que ce soit le manque d’ouverture des Vietnamiens ou la difficulté à communiquer avec eux. Ou bien je pense qu’il y a aussi beaucoup de personnes qui ne s’attendent à rien de particulier, ils ont une opportunité et ils vont tenter l’aventure. Ensuite, si des choses ne leur conviennent pas, ils finissent toujours par s’en accommoder.

     Maxence Pezzetta