A la recherche d’un guide pour le Laos et le Cambodge, nous entrons dans un book shop international et le vendeur nous dit « Bonjour » en français en voyant que nous regardons le rayon pour les frenchies. Ni une ni deux, on lui demande si c’est lui qui tient le commerce. Il nous dit que non mais nous entraine dans le commerce d’à côté, un espace lounge pour que l’on rencontre Philippe, fondateur de Kawee.
MLBT : Bonjour, peux-tu nous expliquer comment tu as été amené à monter ton business en Thaïlande sur l’île de Kho Phangan ?
Philippe : Bien sûr, asseyez-vous ! Tout a commencé en 1997. J’ai des copains qui sont partis faire un tour d’Asie et qui m’ont convaincus d’aller à Sumatra en Indonésie. Ensuite je suis revenu en France, j’ai voyagé pendant deux ans et je me suis finalement installé dans le nord de la Thaïlande à Chiang Mai, pendant deux ans.
MLBT : Comment faisais-tu pour vivre ? Est-ce que tu as trouvé un travail ?
Philippe : Étant en couple, mon ami, Éric, travaillait en tant que professeur de français pour les enfants d’expatriés qui travaillaient pour Auchan. Il était en association avec le CNED. Quant à moi j’étais peintre et je faisais des expos à Bangkok.
MLBT : Et ensuite vous avez décidé d’aller directement dans le sud de la Thaïlande ?
Philippe : Non non, ça a été bien plus compliqué que ça. Nous avons quitté Chiang Mai parce qu’Auchan fermait à Chiang Mai et on avait le choix entre être mutés en Chine ou en Russie. Ça ne nous convenait pas. On est donc rentrés en France après 4 ans d’absence. Ça a été une vraie galère car pour le système français, on n’existe plus : plus de numéro de Sécu, pas d’assurance chômage, rien !
MLBT : C’est-à-dire ?
Philippe : Tu n’es plus dans le système. Ça veut dire que tu n’as plus de droits en France. Il faut savoir qu’on ne touche le RMI qu’après 3 mois de présence en France, même chose pour la sécurité sociale. Impossible de louer ou d’acheter quelque chose car on n’avait plus de fiche de paie depuis 4 ans.
MLBT : Comment avez-vous fait ?
Philippe : On a squatté chez des amis pendant 2 ans ! Il nous restait l’équivalent de 10 000 euros, on a acheté un stock de pièces d’art, une voiture d’occasion, un ordinateur portable et l’emplacement pour notre première foire. Ça a marché donc on a réinvestit dans une seconde foire etc. On travaillait avec nos contacts de Chiang Mai qui nous fournissaient en pièces d’art. Le tout a duré 7 ans. Je ne pensais vraiment pas que ça durerait si longtemps. Pour moi, en 5 ans maximum, je devais être reparti. Finalement on est repartis pour la Thaïlande en 2010.
MLBT : Et pourquoi une île comme Ko Phangan ?
Philippe : La première chose, c’est que je voulais le soleil et la mer à proximité. Ensuite je voulais vivre dans une ville qui me permette de m’isoler quand je le souhaitais mais aussi qui me permette de sortir et d’avoir une vie sociale. Je me suis donc installé à Ko Phangan. Je suis resté 6 mois avant de me décider vraiment, j’ai rencontré les expatriés, et j’ai trouvé mon business.
MLBT : C’était déjà un restaurant-librairie ?
Philippe : C’était une cafétéria. La terrasse existait mais n’était pas du tout exploitée, j’ai fait énormément de travaux pour que ça soit cosy. Le but était de créer un lieu où on a envie de rester, de se reposer, de se rencontrer. On était au début un Coffee Shop, ensuite on a introduit des sandwichs, et maintenant des « tartizas ». C’est le même principe que des pizzas mais sur une tartine. Ça marche très bien !
MLBT : Et en ce qui concerne la législation, comment ça s’est passé ? N’as-tu pas rencontré de difficultés ?
Philippe : Pas vraiment. Il y a des trucs et astuces à savoir quand tu montes ton entreprise ici en Thaïlande et il est très important de se protéger.
MLBT : Qu’est-ce qu’il faut savoir ?
Philippe : Pour commencer, il y a deux systèmes qui correspondent aux statuts français de SA et SARL. L’équivalent de la SARL nécessite de créer un gros business car il y a beaucoup de taxes. Nous avons donc décidé de monter une SA. Dans ce cas, il faut un partenaire Thaï qui soit propriétaire à plus de 50%. Ensuite, tu peux t’arranger avec lui pour être protégé. Il est important de faire toutes les démarches avec un avocat.
MLBT : C’est très intéressant. Et pour finir, est-ce que tu aurais un conseil à donner à ceux qui voudraient partir à l’étranger ?
Philippe : Qu’ils y aillent ! Ils ont raison, le voyage devrait être obligatoire, c’est la meilleure période de la vie. Mais s’il s’agit de fuir quelque chose, il faut savoir que le paradis n’existe nulle part, on a autant de problèmes ici qu’ailleurs. Moi aussi il faut que je gère mes employés et mes fournisseurs. Ce n’est pas toujours rose. Mais le plus important est d’y aller, aller voir comment ça se passe ailleurs et s’émerveiller, retrouver ses yeux d’enfant !
MLBT : Merci beaucoup Philippe pour tes réponses et le temps que tu nous as accordé